Un humble rappel, en ce début de Ramadhân…

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Bismillâhir Rahmânil Rahîm

Discours prononcé à la Mosquée de Saint-Pierre, le Vendredi 14 Septembre 2007

Mes chers frères,

Le mois béni de Ramadhân qui vient tout juste de commencer constitue un bienfait considérable pour chaque musulman. En effet, durant ces 29 ou 30 jours, chacun de nous bénéficie d’une opportunité extraordinaire pour revitaliser et redonner un peu d’énergie à sa relation avec Allah (ce qui, vu l’insouciance et la négligence dont nous faisons preuve pendant le reste de l’année, est plus qu’une priorité…), et ce, pour au moins quatre raisons :

  • Tout d’abord, parce que le Ramadhân est un mois durant lequel le croyant peut, à travers la pratique du jeûne, réapprendre trois devoirs essentiels[1], en l’occurrence :
  • la conscience permanente qu’Allah est informé de tous nos faits et gestes,
  • le respect et la valorisation des ordres d’Allah,
  • l’abandon de ce qu’Allah a interdit.

En effet, contrairement à ce qui passe avec des rituels comme la salât ou la zakât (par exemple), nous témoignons en général bien plus de rigueur dans l’accomplissement du sawm : en effet, lorsque nous sommes en train de jeûner et qu’il nous arrive d’avoir très faim ou très soif, nous respectons malgré tout cette obligation divine et nous nous abstenons de manger ou de boire quoique ce soit, et ce, même si nous avons à portée de main un aliment très appétissant ou une boisson fraîche et que nous sommes certains que personne ne nous voit… En d’autres mots, le jeûne est l’une de ces trop rares occasions où, au plus profond de notre cœur, la volonté d’obéir à Allah arrive à dominer nettement etdurablement (pendant plus de douze heures chaque jour, tout au long du mois…) le désir de satisfaire nos propres désirs.

  • Ensuite, Ramadhân est le mois durant lequel nous avons l’opportunité de nous rapprocher de Notre Créateur Miséricordieux quotidiennement en quarante occasions de plus que d’habitude, et ce, par la pratique du Tarâwîh. Les vingt rak’âtes qui sont accomplies tout au long de cette prière comportent en effet quarante soudjoûd, et la prosternation est, selon les dires du Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam), le moment où le croyant se rapproche le plus d’Allah.[2]

Et cela est loin d’être quelque chose de négligeable. Dans un autre Hadith, le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) rapporte d’Allah les propos suivants :

مَنْ تَقَرَّبَ مِنِّى شِبْرًا تَقَرَّبْتُ مِنْهُ ذِرَاعًا وَمَنْ تَقَرَّبَ مِنِّى ذِرَاعًا تَقَرَّبْتُ مِنْهُ بَاعًا وَمَنْ أَتَانِى يَمْشِى أَتَيْتُهُ هَرْوَلَةً

« Celui qui se rapproche de Moi d’un empan, Je me rapproche de lui d’une coudée. Et celui qui se rapproche de Moi d’une coudée, Je me rapproche de lui d’une brasse. Et celui qui vient vers moi en marchant, Je viens à lui en courant. » (Sahîh Mouslim)

L’énoncé de cette seconde Tradition indique ainsi que la rétribution de la part d’Allah surpasse de loin les efforts que le croyant peut fournir pour se rapprocher de Lui : les rak’âtes du tarâwîh constituent à ce titre un moyen exceptionnel pour obtenir la Miséricorde et la Grâce divines.

  • Ramadhân, c’est est aussi le mois du Qour’aane : la portion de la Parole Divine que nous récitons au cours de ces trente jours dépasse de loin la tilâwah (récitation) que nous faisons habituellement en dehors duRamadhân. Et l’énoncé du Hadith suivant expose le mérite de cette pieuse action qui est souvent négligée au sein de notre communauté :

أَيُّكُمْ يُحِبُّ أَنْ يَغْدُوَ إِلَى بُطْحَانَ أَوِ الْعَقِيقِ فَيَأْخُذَ نَاقَتَيْنِ كَوْمَاوَيْنِ زَهْرَاوَيْنِ بِغَيْرِ إِثْمٍ بِاللَّهِ عَزَّ وَجَلَّ وَلاَ قَطْعِ رَحِمٍ  قَالُوا كُلُّنَا يَا رَسُولَ اللَّهِ قَالَ  فَلأَنْ يَغْدُوَ أَحَدُكُمْ كُلَّ يَوْمٍ إِلَى الْمَسْجِدِ فَيَتَعَلَّمَ آيَتَيْنِ مِنْ كِتَابِ اللَّهِ عَزَّ وَجَلَّ خَيْرٌ لَهُ مِنْ نَاقَتَيْنِ وَإِنْ ثَلاَثٌ فَثَلاَثٌ مِثْلُ أَعْدَادِهِنَّ مِنَ الإِبِلِ

‘Ouqbah Ibnou ‘Âmir (radhia Allâhou anhou) raconte :

Le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) est sorti (de chez lui) alors que nous nous trouvions dans le souffah (espace se trouvant à l’arrière de la mosquée et qui était destinée à acceuillir les étrangers ou les personnes n’ayant pas toit). Il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) dit alors : « Lequel d’entre vous aimerait se rendre tous les matins à Bouthân –ou il a dit à al ‘Aqîq- (nom de deux emplacements situés à proximité immédiate de la ville de Médine et où les chameaux étaient vendus), et ramène de là bas deux chamelles aux bosses hautes et bien grasses (ce genre de chamelles comptait parmi les bien les plus précieux pour les arabes de l’époque) sans commettre aucun péché ni rompre aucun lien de parenté ? » Nous répondîmes : « Ô Messager d’Allah ! Nous tous (aimerions cela). » Il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) dit : « Que l’un d’entre vous se rende chaque matin à la mosquée et apprenne (ou récite (selon ce qui est mentionné dans une autre version de ce même Hadith)) deux versets du Livre d’Allah (‘azza wa djalla) est mieux pour lui que deux chamelles; et (s’il apprend ou récite) trois (versets, cela est mieux que) trois chamelles (et ainsi de suite). » (Sounan Abou Dâoûd)

Ce mois béni est donc également une période où nous pouvons, le temps de réciter quelques passages du Qour’aane, augmenter de façon considérable notre richesse dans l’Autre Monde.

  • Enfin, Ramadhân est le mois où nous pouvons très aisément tirer profit de la toute dernière partie de la nuit (étant donné que nous nous réveillons déjà avant l’aube pour prendre le souhoûr) pour :
  • accomplir le qiyâm oul layl, la salât la plus méritoire après les prières obligatoires. Et il ne faut pas oublier non plus que, en ce qui concerne les salât qui sont accomplies au cours des nuits du mois de Ramadhân, que ce soit le tarâwîh ou le tahadjoud, le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) a dit :

مَنْ قَامَ رَمَضَانَ إِيمَانًا وَاحْتِسَابًا غُفِرَ لَهُ مَا تَقَدَّمَ مِنْ ذَنْبِهِ

« Celui qui reste debout (pour prier durant la nuit du) Ramadhân avec foi et dans l’espoir d’obtenir la récompense (divine), verra ses péchés pardonnés. »(Sahîh Boukhâri)

  • invoquer Allah. Dans un Hadith, le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) affirme :

إِذَا مَضَى شَطْرُ اللَّيْلِ أَوْ ثُلُثَاهُ يَنْزِلُ اللَّهُ تَبَارَكَ وَتَعَالَى إِلَى السَّمَاءِ الدُّنْيَا فَيَقُولُ هَلْ مِنْ سَائِلٍ يُعْطَى هَلْ مِنْ دَاعٍ يُسْتَجَابُ لَهُ هَلْ مِنْ مُسْتَغْفِرٍ يُغْفَرُ لَهُ حَتَّى يَنْفَجِرَ الصُّبْحُ

Lorsque le moitié ou les deux tiers de la nuit sont passés, Allah –tabâraka wa ta’âlâ- descend vers le ciel le plus proche et Il dit alors :

« Y a-t-il quelqu’un qui demande pour que sa requête soit exaucée ? Y a-t-il quelqu’un qui invoque pour qu’il soit accepté ? Y a-t-il quelqu’un qui implore le pardon pour qu’il soit pardonné ? » Et cela dure jusqu’à l’apparition de l’aube. (Sahîh Mouslim)

Ainsi, durant la dernière partie de chaque nuit, c’est Allah Lui-même qui invite le croyant à se tourner vers Lui avec la promesse que ce qu’il recherche lui sera accordé.

  • verser des larmes devant Allah en Lui demandant pardon pour ses fautes et ses péchés : le calme et la quiétude qui règnent durant ces instants peuvent très fortement nous y aider. Et dans un Hadith, le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) a affirmé que la personne qui , dans la solitude, pleure en pensant à Allah fera partie de ceux qui aurons l’immense honneur de se retrouver parmi les sept catégories d’individus qui se trouverons à l’ombre du Trône d’Allah.

Nous avons donc tous un devoir de reconnaissance envers Allah pour nous avoir permis de parvenir jusqu’à ce mois de Ramadhân. Et il ne peut y avoir de meilleure façon pour exprimer notre gratitude qu’en évitant de gâcher ces précieux instants et s’efforçant, au contraire, de mettre de côtés toutes les chances pour tirer profit de ces jours et ces nuits bénis. Pour cela, voici quelques conseils énoncés par les oulémas :

  • Il est essentiel que chacun d’entre nous accueille le mois de Ramadhân avec un repentir sincère. Nul doute que, durant ce mois, les portes de la Miséricorde Divine sont grandes ouvertes. Mais pour que l’on puisse bénéficier pleinement de celle-ci encore faut-il que nous écartions les énormes murs que représentent les dizaines, centaines et milliers de péchés que nous avons commis et qui s’interposent lourdement entre nous et la rahmat divine.[3]
  • Il est également très important de prendre la ferme résolution dès à présent de gérer intelligemment notre temps pendant ce mois béni, en nous consacrant le plus possible à l’adoration d’Allah (sawm, tilâwat, qiyâm oul layl, tarâwîh, adhkâr, sadaqah…), et ce, avec constance, rigueur, patience et dévotion. N’oublions pas que, dans Sa Clémence Infinie, Allah peut accorder la récompense d’une œuvre pie à quelqu’un qui a la niyyat sincère d’accomplir celle-ci mais qui, finalement, ne peut concrétiser son intention pour une raison indépendante de sa volonté.
  • Il faut aussi faire très attention à ce que notre sawm soit bien plus qu’une simple privation de nourriture et de boisson; il s’agit pour le jeûneur de s’abstenir de tout ce qu’Allah a interdit, comme regarder des choses illicites, écouter ou tenir des propos condamnés, procéder à des transactions harâm, consommer de la nourriture qui n’est pas licite… L’avertissement du Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) est très clair à ce sujet :

مَنْ لَمْ يَدَعْ قَوْلَ الزُّورِ وَالْعَمَلَ بِهِ فَلَيْسَ لِلَّهِ حَاجَةٌ فِي أَنْ يَدَعَ طَعَامَهُ وَشَرَابَهُ

« Celui qui ne délaisse pas les propos mensongers et les actions de ce genre, Allah n’a pas besoin qu’il abandonne sa nourriture et sa boisson. »(Sahîh Boukhâri)

En effet, le but du jeûne n’est pas simplement de faire connaître au musulman la faim et la soif : il s’agit aussi par ce rituel de briser la domination qu’exerce sur nous notre nafs ammârah (aspect de notre personnalité qui nous incite constamment à faire ce qui condamné); c’est pourquoi, celui qui se limite à ne pas manger et à ne pas boire, et qui ne fait aucun effort réel pour s’abstenir des péchés passe à côté de l’essentiel : il se retrouve ainsi privé de la pleine récompense du sawm.

Qu’Allah nous donne l’opportunité de profiter au mieux de ce mois béni qui débute. Qu’Allah agréé nos actes et nos ‘ibâdât.

Âmine !

 


Notes :

[1] Et respecter ces trois impératifs, c’est parvenir à la véritable taqwâ (crainte révérencielle de Dieu) : en commentant le passage coranique qui ordonne aux croyants de craindre Allah comme il se doit, Ibnou Mas’oûd (radhia Allâhou anhou) dit en substance que cela consiste à ne pas Lui désobéir, à penser constamment à Lui et à faire preuve de gratitude envers Lui (en pratiquant ce qu’Il a ordonné)..

[2] أَقْرَبُ مَا يَكُونُ الْعَبْدُ مِنْ رَبِّهِ وَهُوَ سَاجِدٌ

« Le moment où le serviteur est le plus proche de Son Seigneur est lorsqu’il est en prosternation. » (Sahîh Mouslim)

[3] Il ne faut pas oublier que, en ce qui concerne les péchés qui impliquent une violation des droits d’autrui, le repentir sincère pardon impose que l’on répare également le mal commis.