Peut-on remettre le Qour’aane à un non musulman ?

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Question: Avons-nous le droit de mettre le Saint Coran entre les mains des gens non musulmans qui semblent attirés vers l’Islam et qui demandant à Le lire. Serons-nous responsables de ce qu’ils en font?

Réponse: Il y a, à ce sujet, différents avis qui ont été émis par les savants musulmans:

  • Selon Cheikh Al Outheymin, éminent savant d’Arabie Saoudite, il n’y a aucun mal à donner à un non musulman un exemplaire du Qour’aane qui ne contient que la traduction et pas le texte original en arabe. Par contre, si l’ouvrage contient également le texte du Qour’aane en arabe; dans ce cas, selon son opinion, il ne sera pas permis de le confier à un non musulman.
  • Cheikh Abdoul Rahîm Lâdjpoûri, illustre savant hanafite indien, exprime dans une de ses « Fatâwa » la position de l’école hanafite à ce sujet. Il écrit : « Si un non musulman éprouve de la considération à l’égard du Qour’aane et que l’on aie confiance en ce qui le concerne qu’il ne manquera pas de respect envers le Livre d’Allah, dans ce cas il est permis de lui en offrir un exemplaire afin qu’il puisse le lire. Il est possible que cela soit un moyen pour lui de trouver la guidée. Cependant, on lui rappellera qu’il s’agit là de la Parole de Dieu et qu’il serait un manque de respect que de le toucher en état d’impureté. C’est pourquoi, on lui demandera de se purifier (en prenant un bain ou en faisant les ablutions, ce qui sous entend qu’on devra lui expliquer la façon de procéder) avant de le lire. Ce sera là également un moyen supplémentaire pour augmenter la valeur et l’importance du Qour’aane au sein de son cœur. Cette « Fatwâ » est basée d’après l’opinion émise par l’Imam Mouhammad r.a. (élève de l’Imâm Abou Hanifa r.a.) « qui autorise au non musulman de toucher le Qour’aane à condition qu’il ait pris d’abord un bain. De même, il est tout à fait permis d’enseigner à un non musulman la récitation du Qour’aane ou le droit musulman, car on peut espérer que par ce moyen il soit guidé » (Réf: « Raddoul Mouhtâr » – Volume 1 / Page 164) . »  (Réf: « Fatâwa Rahîmiyah »- Volume 6 / Page 285)

Il est à noter que cette « Fatwa » est également confirmée par le récit de la conversion de Oumar (radhia Allâhou anhou), qui relate que celui-ci a pu lire des feuillets du Qour’aane après avoir pris un bain et avant d’avoir récité la « Chahâdah ».

Il y a cependant un doute qui subsiste par rapport à ce second avis :

Pourquoi demander au non musulman de se purifier extérieurement avant de prendre le Qour’aane alors que spritiuellement, il est coupable de la plus grande impureté, l’association à Allah ? N’est-il pas enseigné dans les Hadiths que les actions ne valent que par leurs intentions? Quelle serait alors l’intention du non musulman ?

Pour bien comprendre la réponse à cette objection, il est nécessaire de rappeler une chose:

Afin de pouvoir toucher le Qour’aane, la purification qui est obligatoire est celle du corps. Si la purification du cœur était nécessaire, il y aurait beaucoup parmi les musulmans qui eux mêmes qui ne pourraient plus toucher le Qour’aane (à cause de certaines de leurs croyances erronées, de leurs péchés…). En fait, si la purification rituelle est nécessaire (selon la grande majorité des savants), c’est principalement en raison du Hadith suivant :

« Ne touche le Qour’aane que celui qui est pur. »

Certains savants ont également présenté comme argument pour justifier la nécessité de se purifier avant de toucher le Qour’aane le passage coranique qui dit:

« Et c’est certainement un Coran noble, dans un Livre bien gardé que seuls les purifiés touchent « 

(Sourate 56 / Versets 77 à 79).

Notons cependant que l’argumentation à partir de ce passage a été remise en question par d’autres oulémas.

En tout état de cause, dans le Hadith et le verset cités, il est bien question de la pureté extérieure et rituelle.

Il faut aussi se rappeler que la seconde « Fatwa » sus-mentionnée est conforme à l’opinion de l’Imâm Mouhammad Ach Chaybâni r.a., qui, sur la question du « Niyyah » (intention) pour le Woudhoû, partage l’avis de l’Imâm Abou Hanîfah r.a. , et ne considère donc pas l’intention comme une condition obligatoire pour la validité de la pureté rituelle (cet avis n’est cependant pas partagé par de nombreux autres savants des autres écoles de jurisprudence). Les juristes hanafites affirment en effet que le caractère purificateur de l’eau ne dépend pas de l’intention de celui qui se lave. Un non musulman qui prend un bain verra donc son corps purifié, même si son âme ne l’est pas. Et comme nous l’avons vu, en ce qui concerne le toucher du Qour’aane, ce qui est obligatoire, c’est la purification extérieure.

Par ailleurs, il est rapporté dans les Hadiths qu’à l’époque du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) une délégation de la tribu des « Banoû Saquîf » vint rencontrer le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) . Ces gens étaient encore des polythéistes. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) les hébergea dans la moquée. Les Compagnons (radhia Allâhou anhoum) questionnèrent le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) en ces termes: « Ô Envoyé d’Allah ! Ce sont là des gens impurs (intérieurement). » Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) répondit : « L’impureté (spirituelle) de ces gens n’a aucun effet sur la terre de la mosquée. »

L’interdiction de donner le Qour’aane aux non musulmans repose principalement sur deux raisons:

  1. Le non respect de la pureté rituelle de leur part.
  2. Le très fort risque qu’ils ne respecteront pas le Qour’aane comme il se doit.
D’après la règle énoncée par l’Imâm Mohammad r.a. de l’école hanafite et citée plus haut, il est justement dit que si le non musulman respecte ces deux conditions (purification extérieure et respect du Qour’aane), il est permis de lui donner le Qour’aane. C’était exactement ce qui s’était passé avec Oumar (radhia Allâhou anhou) qui n’était pas encore musulman, et qui était donc impur au niveau des croyances: après qu’il ait pris un bain, on lui a confié les feuillets du Qour’aane (en sachant bien sûr qu’il allait les respecter). Le récit relate également qu’on avait refusé de lui donner les feuillets du Qour’aane avant qu’il ne prenne son bain.

Wa Allâhou A’lam !

Dieu est Plus Savant !