Les droits d’auteur en question…

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Question: Je voudrais savoir si le faite de copier des cassettes (vidéo, audio..) et des CD que l’on reçoit par ses copains est un acte « Haram » (illicite). Si oui, y a t il des conditions excusables (K7 de Qour’aane, chant islamique….) ?

Réponse: La question de savoir si, en Islam, on peut ou non reproduire des œuvres contenus sur des supports numériques ou magnétiques et protégées par un « copyright » dépend en réalité d’une autre question: Quelle est la position des juristes musulmans sur la légitimité du « copyright » en Islam ?

Il faut savoir qu’il y a des divergences à ce sujet:

– Certains savants pensent que les droits d’auteur et les droits de diffusion ne peuvent être considérés comme des droits à part entière en Islam, car ce sont là des « droits abstraits » (« Houqoûq Moudjarradah« ). Ils sont immatériels, et ne peuvent donc, à ce titre, faire l’objet de transaction.

– D’autres savants sont au contraire d’avis que ce genre de droits trouvent leur légitimité dans les références islamiques et peuvent faire l’objet de transactions, surtout quand on sait qu’au sein de nos sociétés, ces droits ont acquis une valeur matérielle reconnue et approuvée par la pratique courante et l’usage des gens (« ‘Ourf »). Qui de plus est, leur valeur matérielle est encore renforcée par les lois en vigueur qui les protègent. On ne peut donc plus les qualifier de simples « droits abstraits ». Ils doivent au contraire être assimilés à des biens matériels (« Amwâl ») et présentent donc les mêmes caractéristiques que n’importe quel autre bien: Ils peuvent être possédés, échangés, vendus, achetés et protégés.

Il est à noter que c’est la seconde opinion qui tend à se généraliser actuellement. C’est d’ailleurs cet avis qui a été adopté par l’Académie Islamique du Fiqh, lors de sa 5ème session annuelle (de 1988). Voici un extrait de la résolution qui a avait été émis sur ce point précis, à cette occasion:

« Les droits d’auteur, ou ceux qui sont liés à l’invention ou à l’innovation d’un produit sont protégés par la Chari’ah. Il peuvent faire l’objet de transactions de la part de ceux qui détiennent ces droits et il n’est pas permis de les violer. »

(Réf: « Al Fiqh oul Islâmiy » – Volume 9 / Page 559)

Il est à noter que cette règle concerne l’ensemble des productions protégées par un « copyright » et ne fait aucune distinction entre le fait qu’il s’agisse de produits avec un contenu religieux ou non : Ils ne peuvent faire l’objet de copie ou de reproduction sans l’autorisation de l’auteur ou du détenteur des droits.

Par rapport à cette règle, on pourrait quand même se demander si son application ne constituerait pas un frein à la propagation de la science islamique. En effet, en interdisant les reproductions des produits islamiques, on réduit considérablement leur cercle de diffusion.

A cette question, Moufti Taqi Ousmâni du Pakistan répond que si cela est tout a fait exact, il n’en reste pas moins que si on n’impose pas le respect du « copyright », on risque de porter un coup très dur à la créativité des auteurs musulmans (ou autres) et limiter le développement de nouveaux produits. Ce qui, à la longue, est encore plus préjudiciable à la communauté et à la société entière que ce qui a été évoqué plus haut. En effet, pourquoi les auteurs déploieraient-ils des efforts (physiques, financiers ou intellectuels) pour présenter de nouvelles œuvres (ou éventuellement pour améliorer ce qui existe déjà), si celles-ci ne leur rapportent pas de profit ?

Avant de conclure, je voudrai ajouter que pour nous qui vivons en France, la question de savoir si on peut reproduire des œuvres protégés par « copyright » ou non ne se pose pas vraiment: En effet, en tant que citoyen, on a le devoir de respecter les lois en vigueur dans le pays au sein duquel on réside et qui ne contredisent en aucune façon les commandements divins et la législation islamique, en vertu de l’engagement qui nous unit à ce pays.

(Réf: « Djadîd Fiqhi Masâïl » – Volume 1 / Pages 223-228)

Wa Allâhou A’lam !

Dieu est Plus Savant !