Les Chroniques de Tabari : Fiables ou non ?

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Question : J’aimerais en savoir un peu plus concernant l’ouvrage intitulé « Les Chroniques de « Tabari ». Tous les textes qu’il contient sont-ils authentiques ?… ou plutôt, peut on avoir confiance dans les récits qui s’y trouvent ? Est-ce que l’auteur de ce livre, le dénommé Tabari, est un savant reconnu ?

Réponse : Mouhammad Ibnou Djarîr At Tabari (rahimahoullâh) est un célèbre savant et historien sunnite du 10ème siècle (838-923). Parmi les ouvrages qu’il rédigea, l’un des plus connus est celui qui traite de la chronologie universelle, intitulée en arabe « Târîkh oul Roussoul wal Mouloûk ». Cette dernière œuvre a été résumée en langue persane -une quarantaine d’années après sa mort- par un savant samanide du nom de al Bal’ami. C’est cette version abrégée qui a ensuite connu une très grande notoriété; et c’est celle-ci qui a été traduite au 19ème siècle en français par H. Zotenberg, et qui est proposée encore aujourd’hui au public francophone sous le titre de « La Chronique – Histoire des Prophètes et des Rois ». (Réf : « Encyclopedia Britannica » (1911) Volume 26 – Page 322)

Les savants reconnaissent que l’œuvre originale de At Tabari (rahimahoullâh) constituait un recueil d’Histoire de référence pour les musulmans. Néanmoins, il est essentiel de souligner qu’At Tabari (rahimahoullâh) a présenté de façon systématique les chaînes de transmission des différents récits qu’il a cité dans son Târîkh. Et comme le rappellent les oulémas, « man asnadaka faqad ahâlaka », c’est-à-dire que « celui qui t’a fourni sa chaîne de transmission » (de ce qu’il t’a rapporté), alors il t’a confié la responsabilité (de vérifier le bien fondé de l’information communiquée).

En agissant de la sorte dans sa chronique, At Tabari (rahimahoullâh) a exposé au lecteur la nature exacte de son travail : Il s’est attaché à réunir tous les rapports historiques qu’il a pu trouver, et ce, indépendamment de leur degré de fiabilité. Quand on garde à l’esprit cette réalité, on comprend qu’il est tout à fait possible et concevable de trouver dans son œuvre des récits non authentiques ou de faible crédibilitéIl revient donc au lecteur d’analyser les chaînes de transmission ou le contenu des différents rapports historiques qu’il a cités, pour se faire ainsi une idée réelle de leur degré de fiabilité. Cette nécessaire rigueur à adopter au niveau de l’analyse concerne, je le rappelle encore, l’œuvre originale de At Tabari (rahimahoullâh).

Pour ce qui est de la version abrégée par al Bal’ami et traduite en français, il est évident que quiconque désire s’y référer pour connaître l’Histoire des premiers temps de l’Islam doit faire extrêmement attention… En effet, non seulement les chaînes de transmission des différents récits cités ne s’y trouvent plus, mais bien plus grave encore, des oulémas sunnites (tels que Châh Abdoul Aziz Al Mouhaddith Ad Dhalawi. Voir « Touhfah Ithnâ Achariyah – Page 144) ont souligné que l’auteur ne s’est pas contenté de faire un travail de synthèse :

Il a intégré dans son ouvrage des ajouts personnels et a procédé à des modifications dans le contenu de certains récits. Et quand on constate combien son résumé de la chronique de Tabari est utilisé par les propagandistes chiites duo-décimains et les détracteurs de l’Islam dans leurs attaques visant à discréditer l’action des Compagnons (radhia Allâhou anhoum) et à salir leur honneur et leur mémoire, on peut se faire une idée assez claire des altérations du texte original auxquelles il s’est livré.

Bref, le conseil le plus judicieux que je puis donner au lecteur non arabophone qui ne dispose pas de moyens fiables pour vérifier systématiquement les récits présents dans la traduction française de l’ouvrage d’al Bal’ami est d’éviter à tout prix de le consulter, et encore moins de chercher à partir de celui-ci à en savoir un peu plus sur l’Histoire de l’Islam et des musulmans : C’est là le meilleur moyen pour éviter de perdre un temps précieux, mais aussi et surtout de protéger sa foi et son îmân.

Wa Allâhou A’lam !