Le Ta’wîdh en question…

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Question : J’ai entendu dire qu’il est strictement interdit de s’accrocher au cou ou sur une autre partie du corps des « amulettes » (si je peux m’exprimer ainsi) contenant des versets du Qour’aane dans le but de se protéger des maux etc… Pouvez-vous confirmer cette interdiction ?

Réponse : Il est vrai qu’une partie des savants condamne totalement le port d' »amulette » (appelée en arabe « Ta’wîdh ») contenant des versets du Qour’aane ou des invocations. Ils affirment que cette méthode de recherche de protection auprès d’Allah n’a pas été enseignée par le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) et qu’elle peut conduire progressivement les gens vers le « Chirk » (association à Allah). 1 Si une personne désire obtenir la protection de la part d’Allah contre les maux, ou si elle cherche une méthode de guérison efficace, elle se doit de lire les versets du Qour’aane et non pas de les utiliser d’une autre façon (en les écrivant par exemple sur un morceau de papier pour les suspendre au cou ou sur le bras…) .

 Selon le rapport de Sayyid Sâbiq (rahimahou Allah) dans son « Fiqh ous Sounnah », cet avis est celui de Ibn Mas’oûd (radhia Allâhou anhou), de Houdheïfa (radhia Allâhou anhou) et de certains savants châféites. C’est également l’un des deux avis rapportés de l’Imâm Ahmad (rahimahou Allah) (Réf: « Fiqh ous Sounnah » – Volume 1 / Page 364). Parmi les savants contemporains, cette opinion est celle qui a été défendue en général par les oulémas d’Arabie Saoudite (entre autres)…  

Mais il est important de noter qu’il existe également d’autres savants qui sont d’avis qu’il est permis, sous certaines conditions, d’avoir recours à ce genre de traitement ou de protection (qui consiste donc à écrire des versets du Qour’aane à l’encre sur quelque chose, puis de les laver et donner l’eau ainsi obtenue à boire à une personne souffrante; autre méthode utilisée: écrire des passage du Qour’aane ou des invocations sur un papier et accrocher celui-ci au cou ou au bras d’une personne…). Ces savants 2 se basent sur quelques Traditions, rapportées notamment dans le « Moussanaf » de Ibn Abi Chaybah (rahimahou Allah) (Volume 5 / Pages 40 et suivantes), qui relatent au sujet du célèbre Compagnon Abdoullâh Ibn Amr Ibn al ‘Âs (radhia Allâhou anhou), ainsi qu’au sujet d’illustres Tâbi’ines (rahimahou Allah) qu’ils avaient eux même agi en ce sens ou qu’ils avaient autorisé le recours à ce genre de méthodes:

1- Amr oubnou Chouaïb (rahimahou Allah) rapporte ainsi de son père, qui tient cela de son grand-père que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa
sallam) a dit: « Lorsque l’un d’entre vous est effrayé lors de son sommeil, alors qu’il récite (ceci): « Bismillah Aoûdhou bikalimâtillâhit tâmmâti min ghadhabih wa soû’i ‘iqâbih wa min charri ‘ibâdih wa min charrich chayâtîn wa an yahdhouroûn. » (Le narrateur raconte) Aboullah Ibn Amr (radhia allâhou anhou) enseignait cette invocation à celui de ses enfants qui avait atteint l’âge de compréhension. Pour celui qui n’avait pas encore cet âge, il l’écrivait et le suspendait sur lui. 2- Abou Ismah (rahimahou Allah) rapporte pour sa part qu’il a questionné une fois Saïd ibn al Moussayib (rahimahou Allah) (l’illustre Tâbi’ï rahimahou Allah) au sujet du « Ta’widh » (amulette contenant un ou des versets du Qour’aane et que l’on attache sur soi). Celui-ci répondit: « Il n’y a aucun mal à cela, quand il se trouve (enroulé) dans un morceau de cuir (ou de peau). »3- Il est encore rapporté au sujet de Moudjâhid (rahimahou Allah)(un autre Tâbi’i (rahimahou Allah) très connu, élève de Ibnou Abbass (radhia allâhou anhou)) qu’il écrivait des « Ta’widh » pour les gens et les accrochaient sur eux.(D’autres Traditions allant dans le même sens sont rapportées de Ibn Abbâs (radhia Allâhou anhou) (« Mousannaf Ibn Abi Chaybah » – Volume 5 / Page 39), de Aïcha (radhia Allâhou anha) (« Mousannaf Ibn Abi Chaybha » – Volume 5 / Page 40), Atâ (rahimahou Allah), Abou Dja’far (rahimahou Allah), Mouhammad Ibn Sîrîn (rahimahou Allah) (pour ces derniers, voir les écrits de l’Imâm Qourtoubi (rahimahou Allah) dans son « Tafsîr » – Volume 10 / Page 320 – A consulter également: « Sounan oud Dâramiy » – Volume 1 / Page 281).)

Allâmah Ibn Taymiyyah (rahimahou Allah) indique dans une de ses « Fatâwas » :« Il est permis d’écrire, pour celui qui est souffrant, une partie du Qour’aane ou des « Adhkâr » à l’encre pure, de laver ensuite cette encre et de donner l’eau qui en ressort à boire au malade. Cela est explicitement mentionné par l’Imam Ahmad (rahimahou Allah) ainsi que d’autres savants. »

Ensuite Ibn Taymiyyah (rahimahou Allah) cite une tradition rapportée de Ibnou Abbas (radhia allâhou anhou) 3  dans laquelle il est fait mention d’une doua contenant quelques versets du Qour’aane qui peut être écrite afin de faciliter à la femme l’accouchement. Dans une autre version, il est précisé que ce doua sera écrit sur un récipient pur et propre, à partir duquel on donnera la femme à boire. Dans une autre version encore de ce « Athar » (narration) de Ibnou Abbas (radhia Allâhou anhou), Ali ibnil hassan ibn chaqiq (rahimahou Allah) (qui est celui qui rapporte la tradition) ajoute « qu’on peut rédiger cette invocation sur une feuille et l’attacher sur l’épaule de la femme. » Ali ajoute: « Nous avons fait l’expérience (de cette pratique) et nous n’avons rien trouvé de plus satisfaisant que cela. Puis lorsque la femme a accouché, on l’enlève rapidement (c’est à dire l’invocation écrite), (…) on la brûle. » (Réf: « Madjmoû oul Fatâwa »- Volume 19 / Page 64)

Il est à noter cependant que les savants qui autorisent l’usage des « Ta’widhs » précisent deux choses très importantes:

  •  Le « Ta’widh » en lui-même ne possède aucun pouvoir. Le Seul détenteur de la puissance de protection et le Seul capable d’aider est Allah. En fait, l’amulette ne joue qu’un rôle d’intermédiaire. Quiconque attribue à l’amulette un pouvoir propre commet le « Chirk » (association à Allah). C’est au sujet de ce genre de croyances que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) disait: « al rouqâ, at tamâim, at touwalah (qui sont différentes sortes de talismans qui étaient utilisés par les juifs de Médine et les arabes païens) font partie du Chirk ».  Donc, s’il y a un risque que le port de ce genre de « Ta’widh » puisse conduire quelqu’un à développer des croyances erronées, il ne lui sera pas permis d’y avoir recours.
  • Il faut faire extrêmement attention à ne pas aller à n’importe quel endroit en portant un « Ta’widh », car celui-ci contient des versets du Qour’aane ou des invocations. Ainsi, si une personne porte une amulette de ce genre, il lui sera nécessaire de l’enlever avant d’entrer aux toilettes par exemple.

(Réf: « Takmilah Fath oul Moulhim »
de Moufti Taqui Outhmâni – Volume 4 / Pages 317 et 318)

Wa Allâhou A’lam ! 

Et Dieu est Plus Savant !


1- D’ailleurs, il y a un Hadith de Ibnou Mas’oûd (radhia Allâhou anhou) qui mentionne de façon explicite que la « rouqyâ (méthode de traitement consistant en des invocations qui sont récitées sur le malade), les amulettes (« tamâïm ») et autres talismans (« touwalah ») relèvent du « chirk » (Abou Dâoûd – Hadith 3883). Les savants qui condamnent l’usage d’amulettes contenant des versets du Qour’aane considèrent que ceux-ci sont également concernés par ce Hadith (ainsi que d’autres allant dans le même sens) énonçant, selon eux, une interdiction générale. Néanmoins, les savants qui autorisent l’utilisation de « Ta’widh » basé sur le Qour’aane ou les invocations affirment que ce dont il est question dans ce Hadith, ce sont les « rouqyâ » qui font appel à des incantations sataniques(comme cela est mentionné d’ailleurs dans cette même Tradition). Pour ce qui est des « rouqyâ » composés de versets du Qour’aane et autre invocation licite, ceux-là sont tout à fait permis et même rapportés du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). Par ailleurs, selon eux toujours, les talismans et amulettes qui sont condamnées dans cette Tradition sont ceux que les païens utilisaient à l’époque en leur reconnaissant un pouvoir propre, ce qui bien évidemment relève du « chirk » (Voir l’explication du Hadith donnée par Ach Chawkâni dans son « Nayl oul Awtâr » – Volume 8 / Page 177).- Retour 2- Selon le rapport de Sayyid Sâbiq (rahimahou Allah) toujours, cet avis est, entre autres, celui de Aïcha (radhia Allâhou anhâ), de l’Imâm Mâlik (rahimahou Allah) et de la majorité des savants châféites; c’est encore la seconde opinion rapportée de l’Imâm Ahmad (rahimahou Allah) – Retour3- Plusieurs chaînes de transmission de ce rapport de Ibnou Abbâs (radhia Allâhou anhou) sont mentionnées par Ibn Taymiyah (rahimahou Allah) dans sa Fatwa (voir ci-dessous); à noter que cette Tradition qu’évoque Ibn Taymiyah (rahimahou Allah) est également présente dans le « Mousannaf Ibn Abi Chaybah » – (Volume 5 / Page 39)Retour