Le don d’organes est-il autorisé ?

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Question: Est-ce que je peux donner mes organes quand je serai décédé ou est-ce que je dois les garder avec moi dans ma tombe? Ceci est une question fortement controversée parmi le monde islamique.

Réponse: Comme vous le faites justement remarquer, la question du don d’organe fait l’objet de nombreuses divergences parmi les savants musulmans. Pour simplifier, vous trouverez dans les lignes suivantes les principaux avis exprimés sur les différents aspects de cette question.


Voici d’abord un extrait du compte rendu qui a été publié à la suite du deuxième séminaire sur le droit musulman, qui s’est déroulé à Delhi les 1er, 2 et 3 Avril 1989, concernant la transplantation d’organe (il est important de rappeler que ce compte rendu exprime l’opinion de la quasi-totalité des participants du séminaire, qui adhèrent tous au fiqh de l’école hanafite):

  • La vente d’organes humains est interdite.
  • Si un malade se trouve dans la situation suivante:
    • il a complètement perdu l’usage d’un de ses organes
    • si une transplantation d’organe n’est pas effectuée, il y a un fort risque qu’il décède
    • aucune prothèse ne peut palier la déficience dont il est victime
    • des médecins expérimentés ont la certitude qu’il n’y a aucun moyen de sauver sa vie, excepté par une transplantation d’organe
    • les médecins sont à peu prêt sûrs qu’à la suite d’un transplantation, sa vie sera sauvée
    • un organe sain est disponible

dans un tel cas extrême de nécessité, il sera permis à ce malade d’avoir recours à une transplantation d’organe.

  • Si une personne en bonne santé arrive à être persuadée (à la suite de diagnostiques émis par des médecins expérimentés) que s’il se sépare d’un des organes présents en double dans son corps (comme ses reins etc…), sa santé ne sera pas affectée, alors il a le droit de faire don d’un de ses organes à un membre de sa famille qui risque de mourir s’il n’a pas immédiatement recours à une transplantation (et il ne dispose pas non plus d’aucune autre alternative en matière de traitement).
  • Il n’est pas permis au mourant de léguer ses organes pour un éventuel prélèvement après la mort.(Référence: « Djadîd fiqhi masâil Volume 2 – Pages 408/409) -Il faut savoir que le dernier point ne fait pas l’unanimité. Certains savants, comme Cheikh Khâlid Saïfoullah (éminent savant indien de l’école hanafite), autorisent le prélèvement des organes du corps d’une personne défunte, à condition qu’elle ait donnée pour cela son accord durant sa vie; de même, il sera nécessaire d’avoir au préalable le consentement de ses héritiers. (Référence: « Al halâl wal harâm » (Pages 182 – 183)

Voici à présent la traduction partielle d’une Fatwa émise par le Conseil International du Droit Musulman (Madjma’ al-Fiqh al Islâmi) en 1988 (l’intégralité de la Fatwa en arabe est publiée ici : http://islamqa.info/ar/107690 ) :

  • Il est permis de transplanter et de greffer un organe à partir d’une partie du corps d’une personne vers une autre partie de son corps, en veillant à ce que les bienfaits issus de cette opération dépassent les éventuels maux qu’elle pourrait occasionner, et à condition que cela est fait afin de remplacer la perte d’un organe, pour restaurer son apparence ou sa fonction régulière, ou encore afin de corriger un défaut occasionnant un état de détresse psychologique.
  • Il est permis de transplanter un organe ou un tissu à partir d’une personne sur une autre, si cet organe ou ce tissu est capable de se régénérer seul, comme la peau ou le sang par exemple, à condition que le donneur est mature et comprend parfaitement ce qu’il est en train de faire. Il est nécessaire aussi que les autres conditions essentielles de la sharia’ (portant sur ce genre de don) soient respectées.
  • Il est permis d’utiliser un organe ou un tissu qui a été prélevé d’une personne pour cause de maladie afin d’en faire profiter une autre. Il est ainsi autorisé d’utiliser pour une transplantation la cornée d’un œil qui a été retiré pour cause de maladie.
  • Il est interdit de prélever un organe vital (comme le cœur, par exemple) d’une personne vivante pour le transplanter sur une autre.
  • Il est interdit de prélever un ou plusieurs organes d’une personne vivante quand cela peut affecter une de ses fonctions essentielles et primordiales, même si cela ne met pas sa vie en danger (comme c’est le cas, par exemple, si les cornées des deux yeux sont prélevées). Cependant, si un tel prélèvement n’occasionne qu’une affectation partielle de ce genre de fonction, la question de savoir le caractère licite ou illicite de cet acte est encore à l’étude parmi les savants.
  • Il est permis de prélever un organe à partir du corps d’une personne décédée et de le transplanter sur une personne dont la vie ou la préservation d’une de ses fonctions essentielles et primordiales dépendent de cet organe, à condition que la permission de ce prélèvement soit donnée par la personne durant son vivant, ou par ses héritiers, ou par le responsable des musulmans, dans le cas où l’identité du défunt n’est pas établie ou qu’il n’a pas d’héritiers.
  • Une précaution particulière doit être prise afin de s’assurer qu’un réel accord inconditionnel a été obtenu dans le cas mentionné ci-dessus, et que ce transfert d’organe n’a pas fait l’objet d’une transaction financière quelconque, car le commerce d’organes n’est en aucun cas autorisé.

Il est à noter que plusieurs autres structures regroupant des jurisconsultes musulmans à travers le monde ont émis des Fatâwa qui vont dans le même sens que celui adopté par le Conseil International du Droit Musulman.

Wa Allâhou A’lam !

Dieu est Plus Savant !