L’Autorité du Messager et l’étendue de sa portée – 2

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Adaptation française synthétique du troisième chapitre de « The Authority of Sunnah » de Qâdhi Taqui Ousmâni

(suite – la première partie avait été publiée ici : http://muslimfr.com/lautorite-du-messager-saw-et-letendue-de-sa-portee/ )


L’autorité du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) en tant que commentateur du Qour’aane…

La seconde autorité qui a été déléguée au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) est celle de commentateur du Qour’aane. Il représente en fait l’autorité ultime en la matière. Le Qour’aane proclame:

« (…)Et vers toi, Nous avons fait descendre le Coran, pour que tu exposes clairement aux gens ce qu’on a fait descendre pour eux et afin qu’ils réfléchissent. »

(Sourate 16 / Verset 44)

Les termes sont on ne plus explicites: L’une des missions fondamentales confiées au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) consiste en l’explicitation du Message Coranique et de la Révélation qui lui a été envoyée.

Nul doute que les arabes de Makkah, qui étaient les interlocuteurs directs du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), n’avaient nullement besoin d’une quelconque traduction des termes contenus dans le texte coranique: Le Qour’aane fut révélée dans leur langue maternelle, et malgré l’ignorance qui prévalait en général à l’époque, leurs talents littéraires et leur parfaite maîtrise de la langue arabe est un fait irréfutable. Leurs oeuvres poétiques, ainsi que les discours et autres dictons pleins d’éloquence datant de cette époque constituent encore aujourd’hui la source première de la si riche littérature arabe… Ces premiers interlocuteurs de la Révélation comprenaient donc parfaitement le sens littéral du Qour’aane et n’avaient, pour cela, pas besoin de l’enseignement de qui que ce soit.

C’est pourquoi, la mission dont fut investie le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), portant sur l’explicitation du message du Qour’aane, consistait bien évidemment en autre chose qu’une simple explication des termes composant le texte coranique; il s’agissait plutôt de leur expliquer ce qu’Allah voulait de Ses serviteur en leur faisant parvenir Son Message, ce qui incluait bien évidemment l’ensemble des détails et des informations nécessaires à la bonne compréhension de ce Message Divin. Ces données indispensables ont été transmis au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) par le biais de laRévélation Non Lue (« Wahyi Ghaïr Matlou’« ) 1. Le Qour’aane a clairement énoncé:

« Quand donc Nous le récitons, suis sa récitation. A Nous, ensuite incombera son explication. »

(Sourate 75 / Versets 18 et 19)

Allah a ainsi promis au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) qu’Il expliciterait Lui-même Son Livre. Ainsi, les commentaires du Qour’aane qui ont été faits par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) reposent sur ces explications émanant d’Allah Lui-même. C’est ce qui explique pourquoi le « Tafsîr »(exégèse, commentaire, interprétation) venant du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) concernant n’importe quel verset du Qour’aane sera de loin supérieur à n’importe quel autre « Tafsîr ».

Bref, ce qui a été démontré jusqu’à présent, c’est que l’interprétation coranique du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) est la référence; elle représente donc l’autorité ultime en la matière, comme affirmé précédemment.

Quelques exemples d’exégèse prophétique…

Afin de clarifier encore plus ce point, je vais citer quelques exemples d’interprétation du Qour’aane rapportés du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). En étudiant ces exemples, nous aurons également l’occasion de constater que le fait de se détourner de la « Sounnah » du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) revient à se priver d’un bienfait d’une valeur inestimable.

1- La prière rituelle (« Salâh ») en Islam est un acte de dévotion et d’adoration bien connu, qui représente unanimement le pilier le plus important après la profession de foi. Dans le Qour’aane, l’emphase est mis en plus de soixante treize endroits sur la nécessité d’accomplir correctement la Salâh. Néanmoins, malgré ce nombre impressionnant de versets exhortant à la prière, on ne trouve, dans le Qour’aane toujours, aucun passage indiquant de façon détaillée la façon d’accomplir cette prière rituelle… Il est vrai que certains actes essentiels de la prière, tel que le « Roukou' » (génuflexion), les « Soujdoûd » (prosternations) et le « Qiyâme » (position debout) ont été mentionnés. Mais à aucun endroit mention n’est faite de la méthode complète suivant laquelle on doit faire la « Salâh »: Celle-ci, nous ne l’avons apprise que par le biais de la « Sounnah » du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). Ignorer la « Sounnah » revient à tirer un trait sur l’ensemble des détails et explications pouvant nous éclairer sur la façon correcte de prier. Mieux encore: Personne n’est en mesure d’extraire une méthode alternative pour accomplir la Salâh du Qour’aane uniquement .

Il est donc très important de souligner que ce n’est par hasard que le Qour’aane, malgré les soixante treize exhortations qu’il contient à l’égard du respect de la Salâh, s’est complètement tu quand à la façon détaillée d’accomplir celle-ci : Cet état de fait vise volontairement à mettre en valeur l’importance de la « Sounnah »… Ainsi, en n’apportant pas les indications nécessaires pour permettre l’accomplissement de la prière rituelle – un des plus importants piliers de l’Islam –, c’est comme si le Qour’aane lui-même faisait allusion au fait qu’il n’a été révélé que pour exposer les fondements, les bases essentielles de la pratique religieuse… L’exposition en détail de ces fondements a été laissée au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam)…

2- Dans le Qour’aane, il est également indiqué, concernant la prière rituelle toujours, que celle-ci ne peut être accomplie qu’en des moments bien déterminés. Allah dit :

« (…) Puis lorsque vous êtes en sécurité, accomplissez la Salâh (normalement), car la Salâh demeure, pour les croyants, une prescription, à des temps déterminés. »

(Sourate 4 / Verset 103)

A la lumière de ce verset, il ressort clairement que la Salâh ne peut se faire qu’à des heures précises… La question qui se pose alors naturellement est de savoir quels sont ces horaires: Sur ce point, le texte coranique est silencieux. A vrai dire, on ne trouve nulle part dans le Qour’aane une quelconque évocation concernant le fait que les prières rituelles obligatoires sont au nombre de cinq chaque jour… C’est uniquement à travers la Sounnah du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) que nous avons appris le nombre exact des prières quotidiennes et leurs horaires spécifiques.

3- Il en est de même pour le nombre de Rak’ates (cycles) composant chacune de ces prières. Il n’est mentionné à aucun endroit dans le texte coranique qu’il y a deux Rak’ates (obligatoires) dans la prière du matin (Fadjr), quatre dans celle de l’après-midi (Dhouhr), de la fin de l’après midi (Assr) et de la nuit (Ichâ); c’est uniquement dans la Sounnah que ces informations sont mentionnées. Si on ne croit pas à la Sounnah, tous ces détails indispensables concernant le premier pilier pratique même de l’Islam restent complètement inconnus, ce qui a pour conséquence de rendre le concept de la « Salâh » tellement vague et imprécis que son application pratique n’est pas possible.

4- Le même raisonnement est valable concernant la Zakâh (aumône obligatoire purificatrice), le second pilier(pratique) de l’Islam, qui est la plupart du temps liée à la Salâh dans le texte coranique. L’injonction « Payez la Zakâh » est présent en plus de trente endroits dans le Qour’aane. Mais qui est concerné par cette obligation ? Quels sont les biens soumis à l’imposition ? Quelle est la limite imposable ? Toutes ces questions restent sans réponses si la Sounnah du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) n’est pas prise en considération. C’est bien le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) qui a fourni tous ces explications nécessaires concernant la Zakâh.

5- Le jeûne du Ramadhân est considéré comme étant le troisième pilier (pratique) de l’Islam. Ici encore, seuls les principes fondamentaux sont présents dans le Qour’aane. L’explicitation de la plupart des détails indispensables a été laissée au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), détails qu’il a transmis par ses propos et ses gestes. Quels sont les actes, à part la consommation de nourriture, la boisson et les rapports intimes, qui sont interdits ou licites durant le jeûne ? Dans quels cas est-il permis de rompre un jeûne durant la journée ? Quels sont les types de traitements auxquels on peut avoir recours en état de jeûne ? Tout cela, et bien d’autres détails similaires, ont été mentionnés (implicitement ou explicitement) par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam).

6- Le Saint Qour’aane a dit, après avoir mentionné la façon de faire les ablutions:

« (…) Et si vous êtes « djounoub » (en état d’impureté majeure), alors purifiez-vous (par un bain); (…) »

(Sourate 5 / Verset 6)

Il est également mentionné dans le Qour’aane qu’il n’est pas permis à celui qui est « djounoub » de prier. Mais la définition de l’état de « djanâbah » (impureté majeure) n’est présente nulle part dans le Qour’aane; et il n’est pas précisé non plus comment la personne qui se trouve dans cet état doit se purifier. C’est le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) qui a expliqué tous ces aspects et a présenté les injonctions détaillées qui s’y rapportent.

7- L’injonction du Qour’aane concernant le Hadj, le quatrième pilier de l’Islam se présente en ces termes:

 » (…) Et c’est un devoir envers Allah pour les gens qui ont les moyens, d’aller faire le pèlerinage de la Maison. (…) »

(Sourate 3 / Verset 97)

Il est nullement indiqué ici combien de fois le pèlerinage est obligatoire ? Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a expliqué que cette obligation est acquittée par l’accomplissement du Hadj une seule fois au cours de la vie.

8- Le Saint Qour’aane dit:

 » (…) A ceux qui thésaurisent l’or et l’argent et ne les dépensent pas dans le sentier d’Allah, annonce un châtiment douloureux, (…) »

(Sourate 9 / Verset 34)

Ici, la « thésaurisation » est prohibée et la « dépense » est ordonnée. Mais le détail quantificatif d’aucune de ces deux notions n’est explicité. Jusqu’à quelle limite quelqu’un peut accumuler ses biens, et combien il lui est nécessaire de dépenser ? La réponse à ces deux questions est laissée au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), qui a présenté les règles à ce sujet.

9- Le Qour’aane, en listant les femmes avec qui le mariage est interdit, a étendu cette prohibition à l’union simultanée avec deux sœurs:

« Vous sont interdites (…) deux sœurs réunies – exception faite pour le passé. Car vraiment Allah est Pardonneur et Miséricordieux. »

(Sourate 4 / Verset 23)

Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), en commentant ce verset, a expliqué que cette interdiction ne se limite pas uniquement à ce cas spécifique. Le verset a plutôt énoncé un principe qui inclut également l’interdiction de s’unir en même avec une femme et sa nièce ou sa tante (paternelle ou maternelle).

10- Le Qour’aane dit:

« Vous sont permises, aujourd’hui, les bonnes nourritures (…) »

(Sourate 5 / Verset 5)

Ici les « bonne choses » ne sont pas explicitées. La liste détaillée des « bonnes choses » a seulement été donnée par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), qui a décrit les différents types de nourritures illicites aux musulmans, et n’entrant donc pas dans la catégorie des « bonnes choses ». S’il n’y avait pas eu de telle explications données par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), tout un chacun aurait pu interpréter l’expression « ‘bonnes choses » suivant ses désirs personnels, et l’objectif de cette révélation, visant justement à établir une distinction claire entre le bon et le mauvais, aurait été perturbé. Si chacun était libre de déterminer ce qui relève du bon ou du mauvais, ni une quelconque révélation, ni même un Messager n’aurait été nécessaires… C’est aussi bien à travers le texte coranique que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) que ce besoin a été satisfait.

Plusieurs autres exemples de ce genre peuvent encore être cités. Mais les quelques uns donnés plus haut sont peut être amplement suffisant pour illustrer la nature de l’explication et l’interprétation donnée par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) (des versets coraniques), ainsi que pour établir leur nécessité dans le cadre de la vie islamique, telle qu’elle a été prescrite par le Qour’aane à ses disciples.

Le Qour’aane nécessite-il des explications ?

Avant de conclure ce présent exposé, il serait pertinent de répondre à une objection qui est souvent soulevée par rapport à l’explication du Qour’aane: Le Livre Sacré a-t-il besoin que son contenu soit explicité par quiconque ? En plusieurs endroits, le Qour’aane semble apparemment affirmer que ses versets, qui sont aisés à comprendre et clairs dans leur sens, ne nécessitent pas d’explications. Tout commentaire « extérieur » au Qour’aane est donc inutile. Pourquoi, dès lors, l’emphase est-il tant mis sur les interprétations prophétiques ?

La réponse à cette objection est présente dans le Qour’aane même. Une étude globale de l’ensemble des versets en rapport avec le sujet révèle que le Qour’aane traite essentiellement de deux types d’énoncés:

– Le premier est celui des textes d’ordre général concernant des réalités simples, ce qui inclut les récits historiques concernant les prophètes précédents et leurs nations, les passages évoquant les faveurs divines sur l’ensemble de l’humanité, la création des cieux et de la terre, les manifestations de la sagesse et du pouvoir d’Allah dans la création, les délices du paradis et les tourments de l’enfer, et autres sujets de nature similaire.

– Le deuxième type d’énoncés regroupe tout ce qui a trait aux lois de la Char’iah et leurs causes (‘illah), aux principes et fondements juridiques, aux détails concernant la législation musulmane, aux sagesses liées à certaines injonctions et autres sujets d’ordre scientifiques de ce genre.

Le premier type d’énoncés, qui est désigné dans le Qour’aane par le terme « dhikh » (littéralement, « rappel », « sermon », « conseil »), est, sans aucun doute, tellement simple à comprendre que même une personne illettrée peut y avoir accès et y tirer profit, sans avoir recours à l’aide de qui que ce soit. C’est au sujet de ce genre d’énoncés que le Qour’aane dit:

« En effet, Nous avons rendu le Coran facile pour la méditation -« Dhikr ». Y a-t-il quelqu’un pour réfléchir? »

(Sourate 54 – Verset 22)

L’expression « lidh dhikri » (présent dans le verset cité) indique bien que la facilité du Qour’aane est en rapport avec les énoncés simples qui ont été évoqués plus haut. L’emphase est ainsi mis essentiellement sur le fait de retenir des leçons du Qour’aane et la facilité qu’il présente à ce niveau uniquement. On ne peut en aucun cas déduire de ce passage qu’il est tout aussi aisé de mener des déductions d’ordre juridique ou d’interpréter les passages coraniques en rapport avec les principes législatifs ou doctrinaux. S’il en était ainsi, c’est-à-dire que même l’interprétation de ce genre d’énoncés coraniques était à la portée de tout un chacun, et ce, malgré un niveau de connaissance très faible, alors le Qour’aane n’aurait jamais assigné au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) la responsabilité d’enseigner et d’expliquer le Livre. Les versets qui ont été cités précédemment, et qui présentent le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) comme étant celui qui « enseigne » et qui « expose clairement » le Qour’aane indiquent de façon très explicite que le Livre d’Allah nécessite la présence d’un Messager pour l’expliciter et l’interpréter correctement. Concernant ce type d’énoncés qui demandent des commentaires, le Qour’aane lui-même dit:

« Telles sont les paraboles que Nous citons aux gens; cependant, seuls les savants les comprennent. »

(Sourate 29 / Verset 43)

Bref, il ressort clairement de cet exposé que le fait qu’il existe des énoncés du premier type (qui soient clairs et aisés à comprendre) n’exclut en rien la nécessité d’un Prophète (alayhis salâm), qui est à même d’expliquer l’ensemble des principes légaux et des impératifs pratiques découlant des injonctions contenus dans le Qour’aane.

(A suivre…)

Wa Allâhou A’lam

Et Dieu est Plus Savant !


1- Les savants distinguent deux types de Révélation ayant été reçus par le Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam) de la part d’Allah: Le premier, contenu dans le texte coranique, est appelé « révélation lue » (Wahiy Mat’lou’); le second, qui ne fait pas partie du Qour’aane, est désigné par l’appellation de « Wahy Ghayr Matlou' » (révélation non lue).