« Bid’ah » ou « Sounnah Hassanah »…?

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Distinguer une « Bid’ah » (innovations religieuses blâmables) d’une « Sounnah Hassanah » (pratiques instituées louables) n’est pas une chose aisée… Les appréciations à ce sujet divergent très souvent, ce qui est à l’origine de pas mal d’incompréhensions… Dans les lignes suivantes, nous allons passer en revue quelques principes de base qu’il convient de considérer lorsqu’on s’avance justement à émettre un jugement concernant une pratique relativement nouvelle, qui n’est pas explicitement mentionnée dans nos références premières…
Déjà, la première chose à faire consiste à définir clairement ce qu’est une « Bid’ah ».

Littéralement, le mot « Bid’ah » signifie « innovation« , « nouvelle chose« .

Dans le vocabulaire religieux:

  • toute pratique nouvelle (c’est à dire inventée après le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallâm)),
  • en rapport avec la religion,
  • qui ne trouve aucune justification ni fondement, ni dans le Qour’aane, ni dans les Hadiths, ni dans la pratique du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallâm)    (de façon explicite ou implicite) malgré le fait que les causes pouvant la justifier existaient et étaient déjà présentes alors,
  • et qui est pratiquée (ou délaissée) dans le but de se rapprocher d’avantage d’Allah et dans l’espoir d’obtenir des récompenses est appelée « Bid’ah ».

(Cette définition, dans laquelle chaque terme et chaque expression a son importance, a été établie d’après les explications données par Allâmah Châtbiy r.a. , dans son célèbre ouvrage « Al I’tisâm » et d’après les écrits de Moufti Chafi’ r.a. dans son livret « Sounnat wa bid’at »).

D’après cette définition de la « Bid’ah« , on peut déjà établir ce qui peut être considérée comme « Bid’ah » de ce qui ne l’est pas :

Comme la « Bid’ah » concerne exclusivement les pratiques auxquelles on reconnaît une dimension religieuse et méritoire et par l’intermédiaire de laquelle on cherche à se rapprocher d’Allah ou à obtenir Son agrément, alors qu’il n’existe pour cela aucune forme de justification (explicite ou implicite) ni dans le Qour’aane, ni dans la Sounnah, donc :

  • On ne peut raisonnablement pas parler de « Bid’ah« , entre autres, en ce qui concerne les faits et gestes qui n’ont pas de lien avec le domaine religieux (« Ibâdates ») et qui relèvent plutôt des usages (licites) en cours au sein d’une communauté en matière de relations sociales.
  • On ne peut non plus parler de « Bid’ah » pour les innovations en rapport avec le domaine matériel.
  • On ne qualifiera pas de « Bid’ah » également (par exemple) les taxes sur les biens matériels qu’un gouvernement islamique peut instituer sans réelle nécessité, même s’ils présentent des similitudes avec des pratiques religieuses instituées telles que la Zakâte, et ce, pour la simple raison que la mise en place de ces taxes n’a aucune dimension cultuelle et rituelle, et l’on ne cherche pas par là à se rapprocher davantage d’Allah. En d’autres mots, la seule similitude entre une pratique nouvelle et un acte religieux prescrit ne suffit pas pour faire de cette pratique une «Bid’ah».

De même, les pratiques en rapport direct avec la religion qui n’existaient pas forcément sous la forme que nous connaissons à l’époque de la Révélation mais qui trouvent quand même leur fondement dans les références premières ne sont pas considérées comme « Bid’ah« . On peut classer dans cette catégorie certaines sciences religieuses avec tous les développements (élaboration de termes spécifiques etc…) et les ramifications qu’elles ont connu avec le temps, telle que les « Ousoûl oul Fiqh » (science portant sur les fondements de la jurisprudence) etc. A mon humble avis, la « Sounnah Hassanah » qui a été louée dans certains Hadiths par le Prophète Mouhammad(sallallâhou alayhi wa sallâm)   relève de cette catégorie.

Par ailleurs, les pratiques et institutions n’existant pas à l’époque du Prophète Mouhammad(sallallâhou alayhi wa sallâm) parce que la nécessité ne se faisait pas ressentir, et qui ont été inventées et établies par la suite afin de répondre à un besoin nouvellement apparu, afin de servir d’intermédiaire dans l’accomplissement et la réalisation d’un objectif d’intérêt général ne sont pas non plus considérées comme étant des « Bid’ahs« . Le principe d' »Al Maslahah Al Moursalah » (« intérêt général indéterminé« , c’est à dire sur lequel les références premières ne se prononcent pas et n’indiquent pas si cet intérêt doit être pris en considération ou non), qui est à l’origine de telles pratiques, compte d’ailleurs pour de nombreux juristes parmi les sources du droit musulman. A titre d’exemple, on pourrait citer dans cette catégorie:

  • La compilation du Qour’aane en un seul et unique manuscrit par Abou Bakr (radhia Allâhou anhou).
  • La vocalisation du Qour’aane.
  • L’institution du premier appel à la prière par Ousmân (radhia Allâhou anhou).
  • La mise en place de « Mihrâb » dans les mosquées (afin d’indiquer la direction de la Qiblâh).
  • L’établissement et le développement de sciences contribuant à une meilleure compréhension du Qour’aane et des Hadiths, telle que le « ‘Ilm Sarf » (morphologie de la langue arabe), « ‘Ilm Nahw » (grammaire), « ‘Ilm Balâghah » (rhétorique) etc… (Les ouvrages de « Ousoûl oul Fiqh » contiennent de nombreux exemples de règles établies suivant le principe d’intérêt général)

A mon humble avis toujours, ces pratiques instituées afin de servir l’intérêt général peuvent également être considérées comme étant des « Sounnahs Hassanahs« .

La différence entre ces pratiques motivées par l’intérêt général et la « Bid’ah » tient principalement dans le fait que les premiers ne constituent pas des buts en soi: Ils servent d’intermédiaire à la réalisation d’un devoir religieux, contribuent à répondre à une nécessité ou à éviter un mal… Les « Bid’ahs« , elles, sont institués comme pratiques à part entière avec pour objectif de se rapprocher d’avantage d’Allah et d’obtenir des récompenses.

On comprend également, de ce qui a été évoqué plus haut que, si la nécessité justifiant un acte était déjà présente à l’époque du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallâm) et que, malgré cela, elle n’a pas été pratiquée par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallâm), son institution après l’époque de la Révélation constituera une « Bid’ah« .

Toute forme de « Bid’ah » (considérée comme telle) est strictement interdite et condamnée en Islam. Pour comprendre la gravité de ce péché, il faut se rappeler qu’innover en matière de religion suppose que l’Islam n’était pas complet à l’époque du Prophète Mouhammad   et des Compagnons    et c’est pour cette raison qu’il a fallu que d’autres personnes inventent de nouvelles pratiques religieuses.

Suivant cette définition, il n’est donc pas question d’une éventuelle classification entre de « bonnes » (Hassanah) et de « mauvaises » (Sayyiah) « Bid’ahs« . En effet, les mots du Prophète Mouhammad   sont très clairs : « Toute Bid’ah est perdition. » (Mouslim).

Cependant, on peut éventuellement employer le terme de « bonne innovation » (« Bid’ah Hassanah« ) dans un sens purement littéral pour certaines pratiques que l’on a vu plus haut, comme cela a été fait d’ailleurs par Oumar (radhia Allâhou anhou)  , lorsqu’il évoquait la Salât de Tarâwîh.

Wa Allâhou A’lam !

Et Dieu est Plus Savant !