Ali (radhia Allâhou anhou) face à une situation délicate…

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 (A lire avant cet article: al fitnah baynas sahâba: Le début des troubles…)

Le meurtre du Calife Outhmân (radhia Allâhou anhou) est une tragédie horrible: même ceux qui l’ont tué finissent par regretter leur acte ignoble. Tous les Compagnons (radhia Allâhou anhoum) présents sont bien évidemment très affectés. 1 Ali (radhia Allâhou anhou) adresse des reproches très durs à ceux qui étaient là pour garder la maison du Calife, en l’occurrence ses fils Hassan (radhia Allâhou anhou) et Houssaïn (radhia Allâhou anhou), mais aussi Abdoullâh ibnou Zoubaïr (radhia Allâhou anhou) et Mouhammad ibnou Talha (radhia Allâhou anhou)…2

Après le martyr de Outhmân (radhia Allâhou anhou), les gens viennent auprès de Ali (radhia Allâhou anhou) et lui demandent de se charger de la responsabilité du califat. Il refuse en plusieurs fois, puis, face à leur insistance et réalisant la nécessité qu’un chef soit désigné rapidement pour l’intérêt de la communauté musulmane entière, il finit par accepter de devenir Calife le samedi 19, le lundi 21 ou le vendredi 25 dhoul hidjjah de l’an 35. 3

Il est cependant confronté à une situation très délicate: une bonne partie de ceux qui lui prêtent allégeance à ce moment sont des insurgés, parmi lesquels se dissimulent les meurtriers de Outhmân (radhia Allâhou anhou). Un certain nombre de Compagnons (radhia Allâhou anhoum) vont d’ailleurs attendre un peu avant de faire la bay’ah 4.

L’une des premières mesures que prend Ali (radhia Allâhou anhou) consiste à relever de leurs fonctions les différents responsables et gouverneurs que Outhmân (radhia Allâhou anhou) avait désigné: Il considérait en effet que l’une des sources principales qui avait provoqué le mécontentement contre le Calife défunt était justement la mauvaise attitude et les injustices de bon nombre d’entre eux… Cette décision de sa part n’apparaît cependant pas judicieuse, dans les circonstances actuelles, pour des Compagnons (radhia Allâhou anhoum) qui sont présents à ses côtés (comme Moughîra ibnou chou’ba (radhia Allâhou anhou) et Abdoullâh ibn abbâs (radhia Allâhou anhou))5

Mais un problème très sensible va alors se présenter -et c’est justement ce problème qui va être à l’origine de la division et de la discorde qui va opposer des Compagnons (radhia Allâhou anhoum) entre eux: quelle attitude le nouveau Calife doit-il adopter, dans l’immédiat, par rapport aux meutriers de Outhmân (radhia Allâhou anhou) Certains (parmi lesquels les parents de Outhmân (radhia Allâhou anhou), mais aussi bon nombre de Compagnons (radhia Allâhou anhoum), dont Mouâwiyah, Oubâdah ibnous Sâmit, Aboud Dardâ, Amrou ibnou Ambasah, Talhâ, Zoubeïr (radhia Allâhou anhoum)…) désirent que l’autorité en place trouve au plus vite les meurtriers du Calife défunt et leur applique le talion.6

Ali (radhia Allâhou anhou), lui, pense qu’il faut patienter un peu: dans les conditions actuelles, il n’est pas aisé de trouver les responsables de ce crime –d’autant plus que les seuls témoins connus présents à ce moment, l’épouse de Outhmân (radhia Allâhou anhou) -Nâïlah (radhia Allâhou anha)- et Mouhammad ibn Abi Bakr (radhia Allâhou anhou), affirment ne pas connaître l’identité exacte des coupables; d’ailleurs Mouâwiyah (radhia Allâhou anhou) lui-même, lorsqu’il sera Calife, n’arrivera pas à retrouver ces coupables 7 et les punir pour leur geste ignoble. Dans un premier temps, il convient de laisser la situation se stabiliser un peu et agir en priorité pour affermir et renforcer l’autorité califale; ce n’est que par la suite qu’une action efficace pourra être menée contre les meurtriers de Outhmân (radhia Allâhou anhou). L’attitude de Ali (radhia Allâhou anhou) est cependant mal comprise par les premiers 8surtout que les insurgés –responsables de la tragédie- sont toujours présents en force à ses côtés. 9

Peu à peu, les proches de Outhmân (radhia Allâhou anhoum) –les banou oummaya, ainsi que des Compagnons (radhia Allâhou anhoum) comme Talha (radhia Allâhou anhou) et Zoubaïr (radhia Allâhou anhou) quittent Médine pour se diriger vers Makkah, où se trouvent notamment les épouses du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam): celles-ci avaient en effet fui les troubles qui secouaient Médine lorsque les insurgés y étaient venus et elles étaient allé accomplir le hadj. Sur le chemin du retour vers Médine, en apprenant la mort du Calife, elles avaient fait demi-tour et étaient, depuis, restées à Makkah. 10

L’an 36 de l’Hégire débute et Ali (radhia Allâhou anhou) réalise qu’il aura à faire à des épreuves difficiles pour établir son autorité sur l’ensemble des musulmans, surtout lorsque Sahl ibnou hounaïf, qu’il a désigné pour remplacer Mouâwiya (radhia Allâhou anhou) en Syrie est stoppé à Taboûk et renvoyé par les partisans de ce dernier. 11

Ali (radhia Allâhou anhou) envoie alors plusieurs lettres à Mouâwiyah (radhia Allâhou anhou) pour lui réclamer allégeance, mais celui-ci ne lui répond pas, et ce jusqu’à ce que trois mois s’écoulent depuis le martyr de Outhmân (radhia Allâhou anhou). Après quoi, Mouâwiyah (radhia Allâhou anhou) envoie un émissaire à Médine; celui-ci décrit alors la situation qui prévaut en Syrie: les gens désirent ardemment que les coupables du meurtre du Calife soient châtiés; leur volonté de vengeance et leur colère sont d’autant plus exacerbés que, depuis le martyr de Outhmân (radhia Allâhou anhou), la chemise que celui-ci portait lorsqu’il a été tué –couverte de sang, ainsi que les doigts sectionnés de Nâïla (radhia Allâhou anha) sont exposés sur le mimbar (chaire) de la mosquée de Damas. 12

Face au refus de Mouâwiyah (radhia Allâhou anhou) d’obtempérer, Ali (radhia Allâhou anhou) prend la résolution d’aller le combattre, étant donné qu’il n’accepte pas de se soumettre à l’autorité légitime. Il envoie pour cela des émissaires dans différentes régions, afin de rallier les gens à ses côtés. Son fils Hassan (radhia Allâhou anhou) le conseille de changer d’avis et de ne pas entamer une action qui n’aura pour conséquence que de faire couler le sang des musulmans et d’entraîner la division entre eux. Mais Ali (radhia Allâhou anhou) refuse de l’écouter; il prépare activement et organise ses troupes. Lorsqu’il est sur le point de quitter Médine, il apprend une nouvelle inquiétante qui l’oblige à modifier ses plans 13: une coalition dirigée par Aïcha (radhia Allâhou anha), accompagnée et conseillée par Talha (radhia Allâhou anhou) et Zoubeïr (radhia Allâhou anhou), a quitté Makkah pour se diriger vers Bassorah dans le but de rallier d’autres personnes à leur cause: réclamer le jugement et l’exécution des meurtriers de Outhmân (radhia Allâhou anhou) suivant la loi du talion… 14

(Suite de l’article à lire ici : Les batailles du chameau et de Siffîn )

Wa Allâhou A’lam !


Notes:

1- Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 189 et 198

2- Réf: « siyarous sahâba » – Volume 1 / – Page 268

3- Les rapports divergent quelque peu à ce sujet. Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 226 et 227

4- Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Page 227

5- Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Page 229 et « siyarous sahâba » – Volume 1 / – Page 269

6- Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 228 et 229

7- Réf: « siyarous sahâba » – Volume 1 / – Pages 268 et 269 et « Minhâdj ous sounnah an nabawiyah » – Djouz 4 / Pages 407 et 408.

8- Réf: « siyarous sahâba » – Volume 1 / – Page 270

9- Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Page 230

10- Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Page 230

11- Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Page 229

12- Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Page 230

13- Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Page 230

14- Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 231 et 234