Ad Douâ bil Wassîlah : Distinguer le licite de l’illicite

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Le musulman doit toujours veiller à adresser ses invocations et ses prières exclusivement à Allah : Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a en effet clairement rappelé dans un Hadith que le douâ (invocation) constitue une ibâdah. Et l’adoration (al ibâdah) ne peut être vouée qu’à Dieu de façon exclusive; c’est là l’essence même du tawhîd (la foi en l’unicité divine), que le croyant témoigne d’ailleurs oralement plusieurs fois par jour quand il récite lafâtihâh : « C’est Toi [Seul] que nous adorons, et c’est Toi [Seul] dont nous implorons secours. »

Néanmoins, lorsque le musulman adresse sa prière à Allah, il peut parfois choisir de formuler son douâ par l’intermédiaire ou par la cause de certaines choses, et ce, afin d’augmenter la valeur de son propos et les chances de leur acceptation par Son Seigneur. C’est ce genre de formulation particulière que l’on désigne en arabe par l’expression « ad douâ bil wassîlah »… Parmi ce genre de douâ justement, quels sont ceux qui sont autorisés et quels sont ceux qui ne le sont pas ?… Telle est la question qui va être développée brièvement dans les lignes suivantes, à la lumière des écrits de nos oulémas :

  • S’adresser à Allah par la wassîlah (l’intermédiaire) de Ses Attributs de Perfection et de Ses Plus Beaux Noms est non seulement permis en Islam, mais même recommandé. Voici ce qu’on peut lire dans le Qour’aane :

    « C’est à Allah qu’appartiennent les noms les plus beaux. Invoquez-Le par ces noms et laissez ceux qui profanent Ses noms : ils seront rétribués pour ce qu’ils ont fait. »

      (Sourate 7 / Verset 180)

    Bon nombre de formules de douâ de ce genre sont présentes dans nos références premières. C’est le cas par exemple de l’invocation suivante, rapportée du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) :

    أسألك بكل اسم هو لك سميت به نفسك أو أنزلته في كتابك أو علمته أحدا من خلقك أو استأثرت به في علم الغيب عندك أن تجعل القرآن ربيع قلبي ونور بصري وجلاء حزني

    « Ô Allah !(…) Je Te demande par tous les Noms que Tu t’es Toi-même donné, ou que Tu a révélé dans un Livre, ou que Tu as enseigné à une de Tes Créatures, ou que Tu as gardé exclusivement auprès de Toi dans la Connaissance Invisible (‘ilm oul ghaïb), que Tu fasses du Qour’aane la fraîcheur de mon cœur, et la lumière de ma vue, et (la cause de) l’éloignement de ma tristesse et de mes soucis. »

      (Moustadrak Hâkim, Sahîh ibn Hibbân)

  • S’adresser à Allah par la wassîlah (cause) des bonnes actions qu’une personne a elle-même eu l’opportunité d’accomplir est également autorisé : Il n’y a aucune divergence entre les oulémas à ce sujet; c’est d’ailleurs ce genre de douâ qui a été fait par les trois personnes dont le récit est relaté dans le Hadith suivant, rapporté par Abdoullâh ibn Oumar (radhia Allâhou anhou) :

     Trois hommes parmi ceux qui vous ont précédé se mirent en route (et ce) jusqu’à l’arrivée de la nuit qui les fit entrer dans une grotte. Un (gros) rocher se détacha de la montagne et obstrua l’entrée de la grotte. Ils dirent alors : « Vous ne serez libérées de ce rocher que si vous invoquez Allah le Très Haut par le biais de vos pieuses actions. »

      L’un d’eux dit : « Ô Allah ! J’avais deux parents âgés et je ne donnais jamais à quiconque le lait à boire avant eux, ni à ma famille, ni à mes esclaves. Un jour je me suis éloigné à la recherche de l’herbe (pour que puissent paître mes animaux)… Je ne pus revenir auprès d’eux (mes parents) qu’après qu’ils soient allés se coucher. J’ai trait pour eux leur part de lait et je les ai trouvés endormis. Il m’a répugné de les réveiller ou de donner leur lait aux miens ou aux esclaves. J’ai donc attendu, en tenant le bol dans ma main, leur réveil, et ce, jusqu’à l’aube, alors que mes enfants criaient de faim à mes pieds. (Finalement,) ils se réveillèrent et burent leur lait. Ô Allah ! Si j’ai fait cela pour la recherche de Ton agrément, libère-nous de cette épreuve dans laquelle nous sommes à cause de cette pierre. » Le rocher se déplaça un peu mais pas assez pour les laisser sortir.

      Le second dit : « Ô Allah ! J’avais une cousine qui était la personne qui m’était la plus chère -dans une autre version, il est dit : « que j’aimais aussi fort que les hommes peuvent aimer les femmes »- Je la désirais mais elle se refusait toujours à moi… jusqu’à ce qu’elle fut affectée par une année de grande disette. Elle vint alors à moi. Je lui offris alors cent vingt dînâr à condition qu’elle accepte de se donner à moi. Elle accéda à ma requête. Puis, lorsque je fus pleinement capable (de la posséder) –dans une autre version, il est rapporté : « Lorsque je me suis placé entre ses jambes »- elle dit : « Crains Allah et ne brise le sceau (c’est-à-dire ne me possède) que de façon légitime (c’est-à-dire dans le cadre du mariage) ! » Je la laissai alors, bien qu’elle fût pour moi la personne la plus chère et je lui ai quand même laissé l’or que je lui avais donné. Ô Allah ! Si j’ai fait cela pour la recherche de Ton agrément, libère-nous de cette épreuve dans laquelle nous sommes. » Le rocher se déplaça encore un peu mais pas assez pour les laisser sortir.

    Le troisième dit : « Ô Allah ! J’ai employé des gens à qui j’ai donné leurs salaires à l’exception d’un homme, qui laissa ce qui lui revenait et partit. J’ai alors fait fructifier son salaire jusqu’à en faire une grande fortune. Après un certain temps, il vint me voir et dit : « O esclave d’Allah ! Donne-moi mon salaire ! » Je lui dis : « Tout ce que tu vois là comme chameaux, bovins, ovins et esclaves est (le fruit) de ton salaire. » Il dit : « O esclave d’Allah ! Ne te moques pas de moi ! » Je dis : « Je ne me moque point de toi. » Il prit alors tous les biens et les conduisit avec lui sans rien en laisser. Ô Allah ! Si j’ai fait cela pour la recherche de Ton agrément, libère-nous de cette épreuve dans laquelle nous sommes. » Le rocher s’écarta alors et ils sortirent en marchant.

    (Rapporté par Boukhâri et Mouslim)

    Selon les moufassiroûn (commentateurs du Coran), la « wassîlah » (intermédiaire) que le verset suivant du Qour’aane invite les croyants à adopter pour se rapprocher de Dieu consiste justement en la foi et les bonnes actions :

     « Ô les croyants ! Craignez Allah, cherchez le moyen (al wassîlah) de vous rapprocher de Lui et luttez pour Sa cause. Peut-être serez-vous de ceux qui réussissent ! »

     (Sourate 5 / Verset 35)

  • S’adresser à Allah par la wassîlah (l’intermédiaire) des invocations d’un pieux serviteur vivant est aussi unanimement considéré comme étant permis : Des Traditions authentiques relatent en effet que les Compagnons (radhia Allâhou anhoum) avaient plus d’une fois demandé au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) d’invoquer Allah pour eux. Il est ainsi rapporté, par exemple, qu’un homme lui demanda une fois, alors qu’il (sallallâhou alayhi wa sallam) était debout en train de faire la khoutbah (sermon) du vendredi, d’implorer Allah pour qu’Il fasse pleuvoir, étant donné les difficultés considérables que leur occasionnait l’absence de pluie. Le Messager d’Allah (sallallâhou alayhi wa sallam) formula immédiatement des prières à ce sujet. Anas (radhia Allâhou anhou) relate que, à ce moment, le ciel était complètement dégagé. Puis, tout à coup, un nuage apparut, commença à s’étendre et recouvrit complètement le ciel. Il commença ensuite à pleuvoir, et, pendant toute une semaine, les gens ne virent plus du tout le soleil. Le vendredi suivant, le même homme revint et fit alors part au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) des difficultés qu’occasionnaient cette fois-ci les pluies incessantes. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) invoqua Allah à nouveau, et son douâ fut immédiatement accepté : Le soleil refit son apparition… (Sens d’un Hadith rapporté par Boukhâri et Mouslim) 

  • S’adresser à Allah par la wassîlah (cause) de la personne d’un pieux serviteur vivant ou mort c’est-à-dire que l’on fasse par exemple l’invocation suivante : « Ô Allah ! Je te demande (telle chose) par la cause du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam)… » : Le statut de ce genre de douâ a toujours fait l’objet de profondes divergences entre les oulémas. Pour simplifier, on peut distinguer deux avis principaux sur la question…
  • Un groupe de oulémas est d’avis que ce genre de tawassoul est autorisé. On attribue cette opinion à l’Imâm Mâlik (rahimahoullâh) 1, Ach Chawkâni (rahimahoullâh) 2, An Nawawi (rahimahoullâh), Al Qoustoulâni (rahimahoullâh), As Soubouki (rahimahoullâh) 3… Selon le rapport de « al mawsoûat oul fiqhiyah », cette opinion serait celle qui fait autorité chez les savants mâlékites et châféïtes, ainsi que chez certains hanafites (ceux des générations postérieures, al mouta’akh-khiroûn), comme en témoigne les formules d’invocations et de salutations au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) présentes dans leurs ouvrages de fiqh. Al ‘izz ibn abdis salâm (rahimahoullâh) (et il est possible que telle était également la position de l’Imâm Ahmad (rahimahoullâh)) limitait pour sa part la permission de ce type de tawassoul à la seule personne du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) 4. Les trois principaux arguments présentés pour soutenir cet avis sont les suivants :

1- Ouhtmân ibn Houneïf (radhia Allâhou anhou) rapporte qu’un homme aveugle vint une fois auprès du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et lui demanda d’invoquer Allah pour sa guérison. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) lui suggéra de faire preuve de patience; néanmoins, s’il le désirait vraiment, il (sallallâhou alayhi wa sallam) prierait pour lui. L’homme réitéra alors sa demande. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) lui ordonna d’aller faire correctement les ablutions, puis de faire l’invocation suivante :

 « Ô Allah ! Je Te demande et je me tourne vers Toi par Ton Prophète Mouhammad, le Prophète de la miséricorde. Ô Mouhammad ! Je me tourne vers Ton Seigneur par toi pour mon présent besoin afin que celui-ci soit satisfait. Ô Allah, accepte donc son intercession en ma faveur. »

(Tirmidhi, Hâkim, Ibnou Mâdja, Nasaï)

Après avoir cité ce Hadith, Ach Chawkâni (rahimahoullâh) écrit en substance :

« Et il y a dans cette Tradition Prophétique une preuve de la permission d’invoquer Allah par le tawassoul (cause) du Messager d’Allah (sallallâhou alayhi wa sallam), avec la conviction que Celui qui agit, c’est Allah; Il est Celui qui donne ou qui retient. Rien ne se réalise sans Sa volonté. » 5

2- Dans une autre Tradition, il est rapporté que le même Outhmân ibnou Houneïf (radhia Allâhou anhou) enseigna à un homme qui avait des problèmes pour attirer l’attention du Calife Outhmân (radhia Allâhou anhou) vers ses problèmes personnels l’invocation mentionnée dans le Hadith précédent, en l’occurrence :

 « Ô Allah ! Je Te demande et je me tourne vers Toi par Ton Prophète Mouhammad, le Prophète de la miséricorde. Ô Mouhammad ! Je me tourne vers Ton Seigneur par toi afin qu’Il réalise mon besoin (…). »

(Rapporté par Tabrâniy (rahimahoullâh) dans « al mou’djam as saghîr » et « al mou’djam al kabîr »)

Dans ce récit, on apprend que Outhmân ibn houneïf (radhia Allâhou anhou) suggéra à quelqu’un de faire douâ par la wassîlah du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), et ce, après qu’il ait quitté ce monde.

3- Anas (radhia Allâhou anhou) rapporte que Oumar (radhia Allâhou anhou) faisait l’invocation suivante lors de la sécheresse : « Ô Allah ! Nous nous adressions à Toi par la wassîlah de notre Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam) (natawassalou ilayka binabyyinâ) et Tu nous envoyais de la pluie. Nous nous adressons à Toi à présent  par l’intermédiaire de l’oncle de notre Prophète, envoie nous de la pluie. » (Boukhâri)

Ce Hadith mentionne de façon très explicite la pratique de Oumar (radhia Allâhou anhou) qui consistait à invoquer Allah par la wassîlah du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et de Abbâs (radhia Allâhou anhou).

  • Un groupe de oulémas est d’avis que ce type de tawassoul est interdit. C’est là l’opinion de Ibnou Taymiyah (rahimahoullâh) notamment; certaines références juridiques de l’école hanafite indiquent que l’avis de l’Imâm Abou Hanîfah (rahimahoullâh) ainsi que celui des anciens oulémas hanafites allait également dans ce sens 6… Pour ces savants, il n’existe aucune preuve authentique et explicite permettant d’établir une permission à ce sujet. Et dans le domaine de l’adoration (duquel relève l’invocation et le douâ), seuls sont autorisés les actes et rituels qui sont établis du Qour’aane, de la Sounnah ou de la pratique des Compagnons (radhia Allâhou anhoum)…

En ce qui concerne les trois arguments avancés par ceux qui autorisent ce genre de tawassoul, voici en substance ce que répondent certains savants du second groupe 7:

1- Dans le premier Hadith, c’est-à-dire celui relatant l’histoire de l’aveugle, la formule de douâ qui est enseignée à ce dernier consiste en une wassîlah par l’invocation du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et non par sa personne. Les deux points suivant le prouvent :

  1. Dans l’énoncé du Hadith, il est clairement indiqué que l’aveugle vient au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) en lui demandant de prier Allah pour lui : Ce qu’il recherche donc, c’est bien l’invocation du Messager de Dieu (sallallâhou alayhi wa sallam). En guise de réponse, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) lui dit : « Si tu le désires, je prie pour toi; et si tu veux, tu peux faire preuve de patience, ce qui est d’ailleurs préférable pour toi. » Suite à quoi l’aveugle réplique : « Invoque-Le. » En considérant cet échange, il est évident que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) accepte finalement d’invoquer Allah en sa faveur (et c’est en cela que consiste la wassîlah par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam)) Cependant, en sus des douâs qu’il (sallallâhou alayhi wa sallam) va formuler, il (sallallâhou alayhi wa sallam) l’exhorte également à prier Dieu lui aussi, après avoir fait les ablutions correctement.
  2.  Parmi les termes composant le douâ que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) demande à l’aveugle de faire, il y a cette expression qui est présente : « Ô Allah ! Accepte son intercession (c’est-à-dire celle du Messager (sallallâhou alayhi wa sallam)) en ma faveur. » Cette phrase n’a de sens que si on considère qu’il y a une intercession devant Dieu en faveur de l’aveugle de la part du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). Et cette intercession est justement synonyme d’invocation… Ce qui confirme encore qu’il est bel et bien question ici d’une wassîlah par le douâ du Messager de Dieu (sallallâhou alayhi wa sallam) et non par sa personne.

2- Pour ce qui est du second argument, si le Hadith auquel allusion est faite dans la Tradition 8 est considéré authentique par les experts (comme le souligne d’ailleurs At Tabrâniy (rahimahoullâh) lui même après l’avoir cité…), la validité du reste du récit 9 pose néanmoins problème selon certains savants : Al Albâni (rahimahoullâh) souligne ainsi que cette partie n’est citée que par un seul rapporteur… Celui-ci contredit ainsi, en ajoutant ce récit au Hadith, d’autres rapporteurs plus fiables que lui. Ce qui est d’autant plus gênant que ce narrateur a lui-même fait l’objet de critiques au niveau de sa capacité de mémorisation par certains experts… 10

3- Dans le troisième Hadith, il n’est pas non plus question de la wassîlah par la personne du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) ou par la personne de Abbas (radhia Allâhou anhou). Il s’agit là encore d’une wassîlah par leurs invocations… En effet, si jamais il s’agissait d’une wassîlah par la personne (ou par le statut) du Messager de Dieu (sallallâhou alayhi wa sallam), celle-ci aurait été encore possible même après que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) eut quitté ce monde… Pourquoi, dès lors, Oumar (radhia Allâhou anhou) aurait –il délaissé la wassîlah par la meilleure créature de Dieu (sallallâhou alayhi wa sallam) et se serait tourné pour cela vers un de ses proches, en l’occurrence Abbas (radhia Allâhou anhou) ?… 11

  • S’adresser à Allah par la wassîlah de l’amour, de l’attachement ou de la considération que l’on porte pour une personne pieuse, ou encore de la foi que l’on a en Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) : Les oulémas s’accordent sur la permission de ce genre de douâ. Certains savants (comme Ibnou Taymiyah (rahimahoullâh)) pensent que les invocations rapportées de certains Compagnons (radhia Allâhou anhou) (comme Outhmân ibn Houneïf (radhia Allâhou anhou), si on admet la validité du récit cité plus haut) ou de certains illustres savants (comme l’Imâm Ahmad (rahimahoullâh)) et qui incluent une wassîlah par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) après son départ de ce monde sont à rattacher en fait à cette catégorie de douâ. 12

Parmi les oulémas contemporains, l’avis de Moufti Taqui Outhmâni va également dans ce sens; en effet, il écrit en substance dans un de ses ouvrages :

« Invoquer Allah par la wassîlah du lien que l’on a pour un pieux serviteur et au sujet de qui on a espoir qu’il compte parmi les êtres proches de Dieu : C’est ce genre de wassîlah que certains oulémas ont désigné par l’expression « invoquer Allah par la barakah (bénédiction) d’un pieux serviteur ». Et cela (peut se faire) aussi bien par le biais de personnes vivantes que décédées.

Et à mon humble avis –qu’Allah m’accorde Sa grâce, ce genre de tawassoul (invocation par la wassîlah) consiste en la même chose que le tawassoul par les œuvres pies dont la permission fait l’objet d’un consensus entre les oulémas. En effet, celui qui dit : « Ô Allah ! Je t’invoque par la wassîlah d’untel parmi tes serviteurs » (…), il ne cherche (apparemment), par cette formulation, qu’à exprimer la réalité suivante : « J’aime ce serviteur et je crois en sa rectitude et sa piété (…) je désire m’attirer Ta Miséricorde par le lien que j’ai avec lui. » (…)

(A partir de là,) s’il abrège son propos et dit seulement : « Ô Allah ! Je t’invoque par la wassîlah du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) » et il n’a pas d’autre but que d’exprimer le sens qui a été énoncé (ci-dessus) (…), il n’y a rien, ni dans le Qour’aane, ni dans la Sounnah, ni dans les principes établis à partir de ces deux références qui interdise ce genre de tawassoul (…) »13

Plus loin, il ajoute ceci :

« Néanmoins, si des déviations apparaissent au niveau de la croyance des gens et que, par l’invocation bil wassîlah (d’une personne pieuse), ils se mettent à exprimer des notions relevant du chirk (association à Dieu) ou s’y apparentant 14, il convient d’éviter cette formulation, et ce, même si celle-ci est employée avec une signification correcte…

D’autant plus que ce genre de tawassoul n’est relaté que dans un nombre de récits limités à l’époque des Compagnons (radhia Allâhou anhoum) et la plupart de leurs invocations en étaient exemptes. Et nul doute qu’il est préférable de suivre les invocations ma’thoûrah (c’est à dire rapportées du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et des Compagnons (radhia Allâhou anhoum)), étant donné que celles-ci sont plus susceptibles d’être acceptées (…) »15

Wa Allâhou A’lam !


Notes:

1- Réf : « al mawsoûat oul fiqhiyah » – Développement sur « al istighâthah » – Point N°8 et développement sur « at tawassoul » – Point N°11. Ce rapport de l’avis de l’Imâm Mâlik (rahimahoullâh) est notamment établi à partir d’un récit cité par Al Qâdhi Iyâdh (rahimahoullâh) dans son ouvrage « Ach chifâ fit ta’arrouf bihouqoûqil moustafâ ». Ibnou Taymiyah (rahimahoullâh) affirme qu’il s’agit là d’une histoire forgée. Néanmoins, Az Zourqâni (rahimahoullâh), dans son commentaire de « Al mawâhib al ladounya » rejette cette allégation de Ibnou Taymiyah (rahimahoullâh) en soutenant que le récit est rapportée par des personnes dignes de confiance. Réf : Fatwa de Cheikh Atyyah Saqr – N°9506 de la banque de Fatâwa du site islamonline.net.

2- Réf : « At tawassoul – Anwâ’ouh wa ahkâmouh » de Cheikh Albâni (rahimahoullâh) – Page 35

3- Réf : « Al mawsoûat oul Fiqhiyah » – Développement sur « al istighâthah » – Point N°8

4- Réf : « At tawassoul – Anwâ’ouh wa ahkâmouh »de Cheikh Albâni (rahimahoullâh) – Pages 34 et 61 / « Al mawsoûat oul Fiqhiyah »– Développement sur « at tawassoul » – Point N°11

5- Réf : « Touhfat oud dhâkirîn » – Page 162.

6- Voici ce qu’on peut lire dans « Ad dourr oul moukhtâr » (Volume 2 / Page 630) : « Il est rapporté d’Abou Hanîfah (rahimahoullâh) (ceci) : Il ne convient pas à quiconque d’invoquer Allah si ce n’est par Lui-même. » Voir également à ce sujet les commentaires de Ibn Âbidîn (rahimahoullâh) dans son « Hâshiyat ‘alad dourr il moukhtâr ».

7- Voir à ce sujet « At tawassoul – Anwâ’ouh wa ahkâmouh » de Cheikh Albâni (rahimahoullâh) – Pages 55 et suivantes

8- C’est-à-dire la partie relatant la discussion entre l’aveugle et le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam)…

9- C’est-à-dire la partie évoquant les difficultés rencontrées par une personne pour attirer l’attention du Calife Outhmân (radhia Allâhou anhou) et les conseils que lui donnent alors Outhmân ibn Houneïf (radhia Allâhou anhou).

10- Pour plus de détails, voir: « At tawassoul – Anwâ’ouh wa ahkâmouh » de Cheikh Albâni (rahimahoullâh) – Pages 67 et suivantes

11- Voir étude et commentaires de ce Hadith par Cheikh Albâni (rahimahoullâh) dans « at tawassoul – anwâ’ouh wa ahkâmouh »– Pages 41 et suivantes.

12- Voir à ce sujet les écrits de Ibn Taymiyah (rahimahoullâh) dans son « Qâ’ïdah djalîlah fit tawassoul wal wassîlah »; il est cité dans « Al mawsoûat oul Fiqhiyah » – Développement sur « at tawassoul » – Point N°10

13- Réf: « Takmilah Fath il Moulhim » – Volume 5 / Page 621

14- C’est le cas par exemple de celui qui, en faisant une prière, procède au tawassoul par une créature(il dit par exemple : « Ô Allah ! Je T’invoque par l’intermédiaire de tel prophète ou de tel saint… ») parce qu’il pense qu’Allah a accordé(ou qu’Il va accorder suite à son douâ)à celle-ci le pouvoir de réaliser sa requête(en d’autres mots, dans ce cas précis, son invocation s’adresse en réalité à la créature elle-même et il ne prend le nom de Dieu qu’en tant que moyen de bénédiction)Dans ce cas, son action est unanimement considérée comme constituant du chirk. Réf : « Takmilah Fath il Moulhim » – Volume 5 / Page 620

15- Réf : « Takmilah Fath il Moulhim » – Volume 5 / Page 624