Acquittons-nous de nos dettes…
Mes frères et sœurs, Avant même d’aborder la question des dettes à la lumière de nos références, je voudrai humblement rappeler deux évidences:
1- Une société au sein de laquelle il n’existe pas de cohésion, de solidarité et d’entraide mutuelle est une société qui est vouée à la perte.
2- De même, une société où les droits fondamentaux de l’individu ne sont pas protégés et au sein de laquelle des moyens ne sont pas élaborés pour permettre à chacun de satisfaire ses besoins essentiels est une société qui ne peut espérer trouver la paix et la sérénité.
L’enseignement de l’Islam en ce qui concerne l’établissement et l’épanouissement de la société, mais aussi en ce qui concerne l’amélioration des rapports qui unissent nécessairement les différents composants de ladite société ne saurait être complet et parfait s’il ne prenait pas en considération les deux réalités sus-citées. C’est la raison pour laquelle, quand on étudie nos références premières, on se rend compte qu’il s’y trouve un nombre très importants d’injonctions, de conseils, mais aussi de recommandations qui visent à atteindre ces objectifs, à savoir:
– Faire naître, établir, développer, entretenir et renforcer les liens de mutualité, de solidarité, d’union au sein de la communauté humaine.
– Protéger les droits fondamentaux des individus (appelés en arabe « Ad Dharourat oul Khamsah »), et présenter des voies permettant à chaque individu de satisfaire ses besoins essentiels dans la dignité.
C’est en gardant cela à l’esprit que l’on arrive à mesurer toute la sagesse qui est dissimulée dans l’enseignement prophétique en matière de relations sociales, mais aussi au sujet des rapports financiers qui sont amenés à se développer entre les hommes. Dans les lignes suivantes, on se contentera de focaliser notre attention sur ce qui a été énoncé concernant l’emprunt d’argent et l’acquittement des dettes, car c’est là le point qui nous intéresse.
A ce sujet, il faut savoir que le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) a exposé deux types de recommandations:
– D’un côté, il a encouragé à ceux qui se trouve dans l’aisance et qui ont été gratifiés de la richesse matérielle de venir en aide à ceux de leurs frères et sœurs qui se trouvent dans le besoin. De même, il s’est adressé aux créanciers et leur a demandé de faire preuve de compréhension, de douceur et même de pardon quand le besoin se présente, à l’égard de leurs débiteurs, et leur a parlé du grand mérite et des récompenses énormes liés à un tel comportement.
– Mais de l’autre côté, il a ordonné aux personnes qui ont été amené à contracter des dettes pour satisfaire leurs besoins essentiels, de respecter leurs engagements et de rembourser dans les plus brefs délais les sommes qu’ils ont emprunté. De même, il les a exhorté à chercher constamment des moyens de remboursement. En effet, le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) a mis sévèrement en garde ceux qui quittent ce monde en laissant des dettes derrière eux de la gravité de la sanction à laquelle ils risquent d’être exposés dans l’Au-Delà. Et comme personne ne sait à quel moment il quittera ce monde, c’est la raison pour laquelle, sa préoccupation concernant les moyens d’honorer ses dettes dans les plus brefs délais doit, de toute évidence, être permanente.
Je vais justement citer quelques Hadiths parmi ceux qui sont rapportés du Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) à ce sujet, afin que l’on puisse se faire une idée de l’importance de la chose.
Abou Moûssa Al Ach’ariy (radhia Allâhou anhou) rapporte que le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) a dit en ce sens:
« En vérité, le plus grand péché avec lequel un serviteur rencontre Allah, après les « Kabâïr » qu’Il a interdit, c’est qu’il meure alors qu’il avait une dette (non remboursée) et qu’il n’a rien laissé pour que celle-ci soit honorée. »
(Ahmad et Abou Dâoûd – « Dhaïf » – « Faible » selon Albâni -Réf: « Dhaïf Sounan Abi Dâoûd » Page 335/ Hadith 725. Ce genre de Hadith peut être cité dans un but de rappel, à partir du moment où il ne se pose pas en contradiction avec un principe établi en Islam et respecte au contraire l’esprit de nombreux autres Hadiths authentiques… )
Dans un autre Hadith rapporté par Abou Houraïra (radhia Allâhou anhou), voici ce qui est dit:
« L’âme du croyant reste « suspendue » en raison de sa dette, tant que celle-ci n’est pas acquittée. »
(Mousnad de l’Imâm Châféi, Ahmad, Tirmidhi, Ibné Mâdjah et Dâramiy- Authentifié par Albâni – Réf: « Sahîh Ibné Mâdja » Page 53 / Hadith 1957)
Les savants commentent ce Hadith en disant que si un serviteur arrive à mourir avec la foi et en ayant à son compte des bonnes actions, ce qui pourrait lui permette de bénéficier de la grâce divine et d’accéder ainsi au paradis, mais qu’il a une dette dont il ne s’est pas acquitté et au sujet de laquelle il a fait preuve de négligence, alors tant que cette dette ne sera pas payée, il ne pourra atteindre le lieu de félicité qui est destiné aux musulmans pieux.
Abdoullâh Ibné Amr (radhia Allâhou anhou) rapporte pour sa part que le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) a dit en ce sens:
« Le martyr voit tous ses péchés pardonnés, excepté ses dettes. »
(Mouslim)
Abou Qatâdah (radhia Allâhou anhou) rapporte un autre Hadith, dont le sens est assez proche du précédent. Il raconte:
Un homme demanda au Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam): « Ô Envoyé d’Allah ! Dites-moi… si je suis tué dans la voie d’Allah alors que je fais preuve de persévérance, j’ai espoir en la récompense divine, et que je ne recule pas (dans le combat) mais je vais (au contraire) de l’avant, est-ce qu’Allah pardonnera mes péchés ? Le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) lui répondit: « Oui. » Lorsqu’il eut tourné le dos (pour s’en aller), le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) l’appela et dit: « En effet (tous tes péchés sont pardonnés), excepté les dettes. C’est ce que Djibraïl (alayhis salâm) (m’) a dit (à l’instant). »
(Mouslim)
Ces deux Traditions authentiques donnent à réfléchir… Nous connaissons tous l’importance du martyr en Islam et la valeur que représente cette manifestation extraordinaire de soumission et d’attachement à Allah sur le champ de bataille. Pourtant, dans ces Hadiths que l’on vient de citer, le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) exclut de cette grâce les dettes qui n’ont pas été remboursées. Et il assez aisé de comprendre pourquoi… Les dettes relevant du domaine des « Houqoûq oul Ibâd » (droits d’autrui), il est évident que le pardon de la personne endettée sera conditionné au remboursement de ce qu’il doit, à moins que le créancier n’efface sa dette.
L’attitude qu’adoptait le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) au sujet des personnes endettées est également très révélatrice:
Salmah Ibné Akwa’ (radhia Allâhou anhou) rapporte, dans un Hadith cité dans le Sahîh Boukhâri, qu’une fois, on présenta devant le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) le « Djanâzah » d’une personne et on lui demanda d’accomplir la prière mortuaire. Avant de le faire, il demanda si cette personne avait laissé des dettes impayées. Lorsqu’on lui apprit qu’elle avait effectivement une dette de trois dînars et qu’elle n’avait rien laissée pour la rembourser, il refusa d’accomplir la « Salâh du Djanâzah » et demanda aux Compagnons (radhia Allâhou anhoum) de le faire. Un compagnon (radhia Allâhou anhou) qui était alors présent, en l’occurrence Abou Qatâdah (radhia Allâhou anhou), se proposa de prendre en charge la somme dûe et il demanda donc au Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) d’accomplir la prière mortuaire. C’est alors que le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) accepta…
C’est vous dire combien le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) tenait à mettre en garde ses Compagnons (radhia Allâhou anhoum) à ce sujet…
Toutes les Traditions que nous avons vu évoquent de façon très explicite la gravité que représente la négligence dans l’acquittement des dettes… Comme on l’avait évoqué au début, les risques liés à cela sont très importants et les conséquences qui en découlent peuvent se révéler très graves… Qu’Allah nous en préserve !
Pour conclure, je reproduirai ci-dessous deux invocations qui sont rapportées du Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) pour se libérer des dettes:
« Allâhoummak finiy bihalâlika ‘an harâmika wa aghniniy bifadhlika ‘amman siwâka »
« Ô Seigneur ! Accorde-moi de Tes biens licites pour m’éviter de rechercher Tes interdits et puisse Ta générosité m’atteindre pour m’éviter de recourir à tout autre que Toi. »
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« Allâhoumma Inniy A’oudhou bika minal ‘hammi wal houzn wal ‘adjzi wal kasal wal boukhli wal djoubni wa dhalaïd dayni wa qahril ridjâli »
« Ô Seigneur ! Je me mets sous Ta protection contre les soucis et la tristesse, contre l’incapacité et la paresse, contre l’avarice et la lâcheté, contre le poids de la dette et la domination des hommes. »
Qu’Allah nous protège tous et nous garde toujours à l’abri du besoin.
Qu’Allah facilite à tous ceux et à toutes celles qui sont endettées l’acquittement de leur dû.
Âmine
Wa Allâhou A’lam !
Et Dieu est Plus Savant !
- Par Mouhammad Patel
- Le 1 octobre 2001