Comment considère-t-on les billets de banque dans la jurisprudence islamique ?

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En ce qui concerne le statut des billets de banque dans la jurisprudence islamique, il y a eu quelques divergences entre les savants.
Pour simplifier, voici comment on pourrait présenter les deux principaux avis qui ont été émis:

1- Certains savants considéraient (j’utilise le passé, vu que cet avis a été pratiquement délaissé depuis pas mal de temps en faveur du second…) que les billets de banque étaient de simples documents officiels utilisés dans le domaine financier (« wathâïq mâliyyah »), servant à attester que le porteur de ces billets est redevable d’une certaine quantité d’or auprès de l’organisme qui les a émis. Suivant cet avis, les billets de banque ne sont donc pas considérés comme une monnaie (« thaman ») et n’ont même pas valeur de bien matériel (« mâl »). Ils ne sont ni plus ni moins que des reçus émis par la banque. Au niveau de la jurisprudence, les règles qui s’appliquent aux échanges de billets de banque sont ceux du « Hawâlah » (transfert de dettes). L’adoption de cet avis soulève cependant un certain nombre de problèmes. Je vais en citer deux à titre d’exemple:

  • L’échange de l’or et de l’argent (« sarf ») est régulé par des règles bien précises, parmi lesquels il y a justement le fait que le transfert doit être effectué « de main en main« . Toute forme de crédit à ce niveau est donc prohibé: Ce qui rend donc impossible l’échange de billets (ayant valeur d’attestation de dettes (« sanadât ous dayn ») correspondant à un certain montant d’or ou d’argent) contre de l’or ou de l’argent (en nature). La condition d’échange « de main en main » (« yadan bi yadin ») n’est en effet pas respectée.

  • Ensuite, les billets n’ayant pas de valeur propre, s’ils sont utilisés dans l’acquittement de la Zakâte, celle-ci ne sera réellement acquittée qu’à partir du moment où le pauvre qui a reçu les billets les aura utilisés pour acquérir un bien matériel ou aura obtenu leur équivalent en or… Ce qui sous entend que si le pauvre a perdu les billets avant cela, la Zakâte ne sera pas valable…

2- D’autres savants sont au contraire d’avis que les billets de banque devraient être considérés comme des valeurs à part entière, établies par la convention et l’usage (« thaman istilâhi » ou « thaman ‘ourfi« .) Les règles qui s’appliquent lors des échanges de billets suivant cet avis ne sont donc plus celles du transfert de dettes (« Hawâlah »).

Moufti Taqi Ousmâni du Pakistan a, à ce sujet, rédigé une étude relativement complète en arabe, étude qu’il avait d’ailleurs présentée lors de la cinquième session de l’Académie Islamique du Fiqh, qui s’était déroulée au Koweït en 1988. Au sein de celle-ci, après avoir étudié les deux avis évoqués ci-dessus à la lumière du développement du statut des billets de banque à travers l’histoire, il reconnaît que, si à un certain moment, le premier avis était tout a fait valide et justifié, il n’en reste pas moins que les évolutions qui ont eu lieu par la suite (notamment au niveau de l’interdiction d’obtenir la conversion des billets en or auprès de la Banque Centrale des pays émetteurs) font que l’on ne peut maintenant prendre en considération que le second avis et reconnaître ainsi aux billets de banque un statut spécifique:

Celui de monnaie (au sens d’instrument légal de paiement) symbolique, à l’instar des « foloûs nâfiqah » (pièces de monnaie courantes) qui sont évoqués dans les ouvrages de jurisprudence des savants des premiers siècles de l’Islam, dont la valeur faciale dépassait de loin la valeur réelle. Les règles s’appliquant aux billets de banque seront donc pratiquement les mêmes que celles des « fouloûs nâfiqah ». (Pour revenir à un exemple cité plus haut, cela signifie que la Zakâte pourra être acquittée normalement par leur intermédiaire, exactement comme si on avait donné un bien matériel ou un métal précieux (or ou argent).)

Wa Allâhou A’lam !

Et Dieu est Plus Savant !