Question concernant le sens d’un terme employé dans la Sourate Ad Dhouhâ.

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Question: Dans la Sourate « Ad Dhouhâ », en faisant allusion aux bienfaits qu’Allah a accordé au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), il est dit notamment ceci en arabe:

« Wa wadjadaka dhouaallan fahadâ »

Ce verset est généralement traduit ainsi:

« Ne t’a-t-Il pas trouvé égaré? Alors Il t’a guidé… »

(Sourate 93 « Ad-Dhouhâ », verset 7)


Ma question est la suivante: Est-ce vrai que certains savants ne traduisent pas le mot« dhouaallan » par « égaré » dans ce verset ?

Éléments de réponse: A l’origine, en arabe, le mot « dhoualâl » désigne le fait de s’écarter de la voie droite, et ce, de façon volontaire ou involontaire, légèrement ou beaucoup… C’est la raison pour laquelle, il est également possible de faire usage de ce mot au sujet de n’importe qui ayant commis une erreur, volontaire ou involontaire. (Réf: « Al Moufradât li alfâdhil Qour’aane » de l’Imâm Râghib r.a.)

En ce qui concerne le verset maintenant, il est vrai qu’en arabe, il y a plusieurs interprétations différentes qui ont été données par les commentateurs du Qour’aane au mot « dhouaallan »(généralement traduit par « égaré ») qui y employé.

Al Qourtoubi r.a., dans son exégèse, recense ces différentes interprétations. Il évoque, par exemple, que certains considèrent que ce terme est ici synonyme de « ghâfil » (inattentif). Ce dernier terme est d’ailleurs employé au début de la Sourate Youssouf au sujet du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) toujours:

Nous te racontons le meilleur récit, grâce à la révélation que Nous te faisons dans le Coran même si tu étais auparavant du nombre des inattentifs (à ces récits).

(Sourate 12 / Verset 3)

Suivant cette interprétation, le verset pourrait être traduit ainsi en français:

« Ne t’a-t-Il pas trouvé inattentif (c’est à dire par rapport à la mission de Prophétie qui allait être la tienne) ? Alors, Il (t’)a guidé (vers elle). »

Un autre sens qui a été retenu pour « dhouaallan » par certains (et qui a la préférence de Al Qourtoubi r.a.) est celui d’ « isolé ». Ainsi, les arabes disent, au sujet d’un arbre qui est complètement isolé dans un endroit désertique, que celle-ci est « dhouaallah ». Si on adopte ce sens, le passage serait traduit de la sorte en français:

« Ne t’a-t-Il pas trouvé seul (c’est à dire qu’il n’y avait personne, à l’origine, qui suivait ta religion.) Alors Il a guidé (les gens, par ton intermédiaire, vers Lui (azza wa djalla)). »

Le mot « dhouaal » peut également donner le sens de « non informé ». C’est ce sens qui a été choisi par les savants qui ont traduit le Qour’aane en langue ourdou. Suivant cette interprétation, ce passage signifie qu’Allah (azza wa djalla) a trouvé le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) non informé (« dhouaalan ») au sujet des prescriptions religieuses et de la Voie (« chariah ») en général. Il l’a alors guidé à ce sujet, en l’instruisant par le biais de la Révélation. C’est en adoptant cette interprétation que Cheikh Shabbir Ahmad Outhmâni r.a. a pu établir un lien subtil entre les différentes versets complétant la Sourate « Ad Dhouhâ ».

Ainsi, selon lui, dans cette sourate, Allah rappelle au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) trois bienfaits qu’Il lui a accordé. Et pour chaque bienfait rappelé, Il lui indique une façon bien particulière de manifester sa reconnaissance… Pour bien comprendre ceci, il convient de rappeler tout le passage concerné:

« Ne t’a-t-Il pas trouvé orphelin ? Alors Il t’a accueilli !

Ne t’a-t-Il pas trouvé « non informé » ? Alors Il t’a guidé.

Ne t’a-t-Il pas trouvé pauvre ? Alors Il t’a enrichi.

Quant à l’orphelin, donc, ne le maltraite pas.

Quant au demandeur, ne le repousse pas.

Et quant au bienfait de ton Seigneur, proclame-le. »

(Sourate 93 – Versets 6 à 11)

(La coloration des versets a pour but de faciliter la compréhension du lien unissant les versets entre eux.)

Voici les trois bienfaits énumérés dans ce passage:

1°) « Ne t’a-t-Il pas trouvé orphelin ? Alors Il t’a accueilli ! »: Allah (azza wa djalla) a accueilli le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) après l’avoir trouvé orphelin. Selon Cheikh Shabbir r.a. donc, le verset qui dit: « Quant à l’orphelin, donc, ne le maltraite pas. » a pour objet d’indiquer au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) le moyen de manifester sa reconnaissance pour ce premier bienfait divin.

2°) « Ne t’a-t-Il pas trouvé pauvre ? Alors Il t’a enrichi. » : Pour cet autre bienfait divin, voici l’ordre reçu: « Quant au demandeur, ne le repousse pas. », qui y correspond tout à fait.

3°) « Ne t’a-t-Il pas trouvé « non informé » ? Alors Il t’a guidé. »: Pour ce troisième bienfait, voici la conduite enseignée: « Et quant au bienfait de ton Seigneur, proclame-le. ». C’est à dire que pour l’enseignement de guidée que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a reçu de la part d’Allah au travers de la Révélation, le moyen de manifester sa reconnaissance est de le transmettre aux autres.

Notons au passage que c’est exactement ce que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a fait durant toute sa vie, par sa conduite, ses propos et ses actes. 

(C’est d’ailleurs ce qui a poussé certains savants à avancer l’hypothèse qu’un lien pourrait être établi entre l’injonction « fahaddith » (« proclame ») présent à la fin du verset en question et le terme « Hadith« , qui désigne justement les gestes et les paroles du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), qui expriment et matérialisent sur le plan pratique le sens et le contenu de la Révélation Divine.)

Wa Allâhou A’lam !

Et Dieu est Plus Savant !