Peut-on agir suivant les Hadiths Dhaïfs (Faibles) ?…

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Il a toujours eu des divergences entre les savants et les spécialistes de la science des Hadiths concernant la permission ou non de prendre en considération et d’accepter le contenu des Traditions considérées comme étant « Dhaïf » (« faible », car présentant des défaillances au niveau de la chaîne de transmission par exemple)

  • Selon certains savants, il n’est permis en aucun cas de se fonder sur ce genre de Hadiths. Cet avis est rapporté notamment de Abou Bakr Ibné Arabiy r.a. (Réf: « Al Qawl oul Badi' » – Page 245)
  • Pour d’autres savants, il est tout à fait permis de se fonder sur des Hadiths « Dhaïfs »… Selon eux, ces Hadiths ont en effet une force probante plus importante que les opinions personnelles… On attribue cette position à l’Imâm Abou Dâoûd r.a. et l’Imâm Ahmad r.a. (Il est à noter cependant que certains savants affirment qu’en fait, cet avis d’acceptation ne concerne pas tous les Hadiths « Dhaïfs »… En effet, il semblerait qu’à l’époque des savants comme l’Imâm Ahmad r.a., tous les Hadiths qui ne remplissaient pas les conditions nécessaires pour pourvoir être considérés comme « Sahîh » (authentique) étaient systématiquement qualifiés de « Dhaïfs », même si ces Hadiths remplissaient les conditions suffisantes pour pourvoir être considérés comme étant « Hassan » (fiables). Suivant cette hypothèse, l’avis d’acceptation générale des « Hadiths Dhaïf » ne concernerait donc en fait que les Hadiths « Hassan ». Wa Allâhou A’lam !)
  • Selon d’autres savants encore (il semble bien que ce soit là l’avis majoritaire entre les oulémas), il est permis de prendre en considération et de se fonder sur de tels Hadiths, sous certaines conditions, dans le domaine de l’exhortation, des vertus, des récits et autres choses de ce genre…Par contre, en matière de doctrines et croyances, en ce qui concerne l’établissement de règles et de caractères juridiques (licite, illicite, recommandé, déconseillé…), il n’est pas permis de se fonder uniquement sur des Hadiths « Dhaïfs ».1

As Sakhâwi r.a. rapporte les propos suivants de An Nawawi r.a.:

« Les spécialistes de la science des Hadiths, les juristes et les autres savants affirment qu’il est permis et même recommandé de mettre en pratique le contenu du Hadith Dhaïf dans le domaine de l’exhortation et des vertus, à condition que la Tradition ne soit pas forgée (Mawdhou’). Par contre, en matière de règlements (Ahkâm), comme par exemple dans le domaine du licite et de l’illicite, la vente, le mariage, le divorce etc…, seuls les Hadiths Sahîh ou Hassan (authentiques ou fiables) seront appliqués (et pris en considération). Cependant, dans le cas où la pratique d’un Hadith Dhaïf présente une précaution, on la prendra en considération: Par exemple, si un Hadith Dhaïf, un type de vente ou d’union a été déconseillé, il sera alors recommandé -mais pas nécessaire- de s’en préserver. »(Réf: « Al Qawl oul Badi' » – Page 245)

L’Imâm Nawawi r.a. toujours écrit ailleurs que:

« D’après les spécialistes de la science des Hadiths ainsi que d’autres savants, à part les Hadiths forgés, il est permis de rapporter les autres Hadiths Dhaïfs, de faire preuve de souplesse au niveau de leurs chaînes de transmission, de mettre en application leur contenu sans pour autant énoncer et expliciter leur faiblessedans les domaines autres que les attributs divins, les règlements -comme le licite et l’illicite-, et ce qui touche aux croyances et aux lois… » (Réf: « Tadrîb oul Râwi » – Volume 1 / Page 298)

Pour ce qui est des conditions à remplir pour qu’il soit permis de se baser sur des Hadiths Dhaïfs, il y a en au moins trois qui ont été recensés par les spécialistes:

  • Le Hadith ne doit pas être Mawdhou’ ou sa faiblesse ne doit pas être trop importante. Ainsi, un Hadith qui ne serait rapportée que par une seule voie et dont la chaîne de transmission contiendrait un narrateur considéré comme étant un menteur ou une personne commettant des fautes graves dans ses narrations ne peut en aucun cas être pris en considération. Selon Al Alâï, il y aurait unanimité entre les savants à ce sujet.

  • Le Hadith en question doit se placer dans un cadre d’action reconnu et légiféré, établi à partir de références valides (verset du Qour’aane, Hadith authentique ou fiable). Il n’est donc pas permis de se baser sur un Hadith Dhaïf pour soutenir une action qui ne trouve aucun fondement authentique et acceptable.

  • On ne doit pas avoir la conviction du caractère nécessairement fondé et établi du Hadith qu’on l’applique, et ce, afin d’éviter d’attribuer au Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam) quelque chose qu’il n’aurait pas dite. Il s’agit plutôt d’agir par prudence, c’est à dire suivant l’éventualité qu’il est possible que le Hadith soit valide.

La seconde et troisième condition sont rapportées de Ibn Abdis Salâm r.a. et Ibn Daqîq il ‘Id r.a. (Réf: « Tadrîb oul Râwi » – Volume 1 / Page 298 et 299)

Wa Allâhou A’lam !

Et Dieu est Plus Savant !


1-Il arrive souvent que l’on trouve dans l’argumentation des juristes musulmans en rapport avec des règles juridiques des Hadiths qui sont qualifiés de Dhaïf… Cela ne contredit pas pour autant ce qui a été énoncé plus haut: En effet, lorsque les juristes décident de baser leur argumentaire sur de telles Traditions, c’est parce qu’ils ont à leur disposition des éléments (principe général établi à partir d’autres références du Qour’aane ou de la Sounnah authentique, Idjma’ (consensus) sur l’acceptation de l’énoncé du Hadith…) qu’ils jugent suffisant pour renforcer la valeur de ces dernières, et attester ainsi de la validité de leur contenu, malgré la (ou les) faille(s) présentes au niveau de la chaîne de transmission: Ainsi, la présence d’un des éléments cités témoignera par exemple du fait que le narrateur du Hadith qui a fait l’objet de critiques de la part des spécialistes et en raison de qui la Tradition a été qualifiée de Dhaïf ne s’est pas trompé cette fois-ci et à bien rapporté les propos prophétiques…

Par ailleurs, il convient de souligner que l’authentification des Hadiths est un exercice découlant d’un Idjtihâd, d’un effort de recherche personnel d’un ou de plusieurs savants. A partir de là, il est tout à fait possible et concevable que des divergences aient lieu entre spécialistes par rapport à l’authentification d’un Hadith: Le fait qu’un Hadith ait été déclaré Dhaïf par quelqu’un ne signifie donc pas qu’il l’est systématiquement pour tous… Pour plus de détail à ce sujet, consulter l’article suivant:

Quelques notions essentielles au sujet de l’argumentation des juristes musulmans.