Oumar (ra) a-t-il outrepassé les ordres du Prophète Mouhammad (saw) ?…

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Énonce de l’objection:

Ibn abbas rapporte: « Quand le prophète s.a.s fut à l’agonie, parmi ceux présents se trouvaient Omar ibn al khattab. Le prophète s.a.s dit: « Qu’on fasses écrire un texte, de manière que si vous le suivez(le texte), vous ne serez jamais égarés. » Omar dit alors aux hommes: « Le prophète éprouve une douleur immense (délire). Vous avez le Coran et il nous suffit. » Une discussion s’engagea entre ceux qui disaient qu’il fallait obéir au prophète et ceux qui étaient de l’avis d’Omar. Le prophète s.a.s entendant leur discussion dit de s’en aller. Ibn abbas, conclut et dit: « Le malheur, le plus grand malheur fut que cette dispute empêcha le prophète s.a.s de leur faire écrire ce texte. »

(Ce hadith est titré: La Calamité du jeudi. Sahih Mouslim Hadith 22/1637 )

Le vendredi, le prophète mourut. Omar avait-il le droit de passer outre les ordres du prophète, surtout qu’il allait mourir ? J’ai posé la question moi même à A.Djezairi en 1996 après la prière Al Maghreb à Médine. Ceux qui sont parti là-bas, savent que tout les jeudis, A.Djezairi fait un prône et réponds aux questions. Il répondit que le Coran était complètement révélé que la sunna aussi et que donc le rôle du prophète était fini. Donc, pour lui, Omar avait le droit de faire ça. Peut-être que vous l’acceptez, mais pas nous.

Aboubakr djezairi est l’auteur d’ouvrages comme, « La voie du musulman »(Minhaj al mouslim) ou « Ce bien aimé » (Hâdhal habib) qui sont les livres de chevets de nombreux musulmans sunnite.Quel adieu à son bien aimé…

Eléments de Réponse: Si je comprend bien, selon vous, ce Hadith montre clairement que Oumar (radhiallâhou anhou), en refusant que l’on apporte de quoi écrire, bien que le Prophète (sallâllahou alayhi wa sallam) en ait fait la demande, a désobéi à un ordre du Messager d’Allah (sallâllâhou alayhi wa sallam); d’où la question que vous vous posez:

« Omar avait-il le droit de passer outre les ordres du prophète, surtout qu’il allait mourir ? »

Voici ce que je peux vous dire par rapport à votre question, d’après les écrits des savants des « Ahlous Sounnah wal Djama’ah »:

Pour nous autres sounnites, dans ce Hadith, il n’a jamais été question pour qui que ce soit de rejeter un ordre du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). En effet, la réaction de Oumar (radhia Allâhou anhou), ainsi que celle des autres Compagnons (radhia Allâhou anhoum) qui partageaient son avis, n’était motivée que par le fait qu’il ne voulait pas que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), qui était dans un état d’agonie et de grande souffrance (comme cela est mentionné dans le Hadith de Mouslim), se donne encore plus de peine. (Mais à vrai dire, le voile de rancune que vous avez sur vos cœurs à l’égard des Compagnons (radhia Allâhou anhoum) vous empêche de comprendre réellement quels étaient les sentiments qu’ils connaissaient à ce moment là, alors que l’être humain qui leur était le plus cher était en train de souffrir sous leurs yeux.)

De toute évidence, Oumar (radhia Allâhou anhou) savait parfaitement que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) n’allait pas transmettre aucun nouveau message de la part d’Allah (azza wa djalla), qui n’ait déjà été énoncé dans le Qour’aane ou les Hadiths. L’intention du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) n’était que de confirmer et d’insister sur un commandement qu’il avait déjà transmis. Oumar (radhia Allâhou anhou), ayant donc bien compris cela, voulut épargner au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) cette peine supplémentaire, d’où sa réaction. (Selon mon humble opinion, c’est ce que Cheikh Al Djazâïri a voulu vous faire comprendre par la réponse qu’il vous a donnée.)

Il faut savoir également que les échanges d’opinions (parfois divergentes) étaient assez fréquentes entre le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et les Compagnons (radhia Allâhou anhoum), comme en témoigne de nombreux Hadiths.

Ainsi, il est rapporté dans le Sahih Boukhâri qu’une nuit, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) alla visiter sa fille bien aimée, Fâtimah (radhia Allâhou anha), chez elle. Il la réveilla et lui ordonna, à elle ainsi qu’à son époux Ali (radhia Allâhou anhou) d’accomplir la prière de la nuit. En réponse, Ali (radhia Allâhou anhou) lui dit: « Par Allah, nous n’accomplirons que les prières qu’Allah a rendu obligatoires pour nous. En vérité, nos âmes se trouvent entre les mains d’Allah (c’est à dire que s’il nous en avait donné le « Tawfîq » (l’oppourtunité), nous aurions pu nous réveiller pour prier.) » En entendant cette réponse, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) sortit et ne cessa de réciter le verset suivant du Qour’aane, en frappant ses cuisses de ses mains: « L’homme cependant, est de tous les êtres celui qui dispute le plus. »

(Boukhâri)

Ce Hadith montre bien que Ali (radhia Allâhou anhou) a discuté avec le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) au sujet d’une chose portant sur la religion. Mais comme ce qu’il disait n’était pas faux et que l’intention qui motivait sa réaction n’était pas mauvaise, c’est pourquoi le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) ne le lui reprocha pas.

Nous considérons donc que, tout comme Ali (radhia Allâhou anhou) n’a pas commis de péché en répondant de la sorte au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) , il en est de même au sujet de Oumar (radhia Allâhou anhou) dans la situation évoquée.

Voici donc l’analyse sounnite du Hadith que vous avez cité, qui est bien différente de la votre.

C’est pourquoi, je vais maintenant démontrer pourquoi l’analyse que vous faites de ce Hadith et les conclusions que vous y retirez ne sont pas exactes.

  • Tout d’abord, comme vous le savez certainement, Oumar (radhia Allâhou anhou) n’était pas seul dans la pièce au moment où le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) avait demandé qu’on lui apporte de quoi écrire: Il y avait également Abbas (radhia Allâhou anhou) et Ali (radhia Allâhou anhou), entre autres, qui étaient là. (Tous deux sont des membres unanimement reconnus des « Ahl oul Bayt », des gens de la Maison du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam).) Vous aurez également remarqué que dans le Hadith, il est seulement mentionné qu’une discussion éclata entre les Compagnons (radhia Allâhou anhou) pour savoir s’il fallait oui ou non apporter de quoi écrire, sans citer nommément les Compagnons (radhia Allâhou anhou) qui étaient « pour » et ceux qui étaient « contre ». Il y a donc deux possibilités qui existent au sujet de Ali (radhia Allâhou anhou) et Abbas (radhia Allâhou anhou)…

–  Soit ils étaient du même avis que Oumar (radhia Allâhou anhou), auquel cas cela signifierait, selon vous, qu’ils ont également désobéi à un ordre du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) .

– Soit ils étaient de ceux qui voulaient que l’on obéisse à l’ordre du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam); dans ce cas, il y a quand même une autre question qui se pose: Pourquoi ont-ils obéi à d’autres personnes au lieu d’obéir au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) ? Mais il y a plus important: Pourquoi n’ont-ils pas demandé à nouveau au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) d’écrire ce qu’il désirait par la suite, alors qu’ils en ont eu largement le temps ? En effet, contrairement à ce que vous affirmez, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) n’est pas mort le lendemain, mais quatre jours après, plus précisément le lundi suivant (Boukhâri : Volume 1 / Page 186, entre autres…)

  • Ensuite, comme cela a été rappelé en introduction, lorsque le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a fait demander de quoi écrire, le dernier jeudi avant son départ de ce monde, il n’avait nullement l’intention de communiquer aux musulmans une Révélation divine (« Wahi »), ni même une prescription nouvelle. On trouve ainsi dans de nombreuses Traditions authentiques que, durant ce laps de temps, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a donné d’autres recommandations : Par exemple, dans un Hadith rapporté par Ali (radhia Allâhou anhou), il est dit que la dernière parole du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) fut:

« (Respectez) La Salât ! (Respectez) La Salât ! Et craignez Allah en ce qui concerne vos esclaves »

(Abou Dâoûd, Mousnad Ahmad)

Cependant, dans aucune Tradition authentique, il n’est mentionné que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a demandé à nouveau de quoi écrire entre le jeudi, jour où il l’avait fait, et le lundi, jour où il a quitté ce monde. Cela prouve bel et bien que ce que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) avait voulu faire écrire n’était pas un nouveau Commandement d’Allah. Auquel cas, il n’aurait pas manqué de le communiquer malgré tout, à ce moment même (en ne prenant pas en considération le refus de certains Compagnons (radhia Allâhou anhoum)) ou les jours suivants…

Réfuter cela reviendrait à insinuer que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) n’a pas rempli correctement sa mission, qu’il n’a pas respecté l’ordre d’Allah de propager ce qui lui a été révélé ( « Ô Messager, transmets ce qui t’a été descendu de la part de ton Seigneur. Si tu ne le faisait pas, alors tu n’aurais pas communiqué Son message. Et Allah te protégera des gens. Certes, Allah ne guide pas les gens mécréants. » ) , brisant ainsi un Commandement d’Allah à cause du refus de Oumar (radhia Allâhou anhou) qu’on lui apporte du papier…!!!

Le fait que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) n’ait pas renouvelé sa demande les jours suivants montre bien que ce qu’il avait voulu faire écrire à ce moment n’était pas, à ses yeux, de première importance. Oumar (radhia Allâhou anhou) n’est donc pas à blâmer pour sa réaction à ce moment, qui consistait à donner priorité au repos du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) par rapport à un rappel supplémentaire pour la « Oummah« .

  • Si vous persistez à considérer que Oumar (radhia Allâhou anhou) a passé outre les ordres du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) en refusant qu’on lui apporte de quoi écrire, que direz-vous alors au sujet du Hadith suivant cité par l’Imâm Ahmad r.a. dans son « Mousnad » :

Ali (radhia Allâhou anhou) rapporte que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) s’adressa à lui et lui ordonna d’apporter un plateau afin qu’il y inscrive une chose qui empêcherait pas la suite à sa Oummah de s’égarer. Il (Ali (radhia Allâhou anhou)) dit: « Je crains que vous nous quittiez alors que je ne sois pas là. » Il raconte: Je dis alors: « Je protégerai et mémoriserai ce que vous allez dire. » Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) dit: « Je vous recommande fermement de respecter la Salât et la Zakâte, ainsi que de bien vous comporter envers vos esclaves. »

S’il n’y a aucun mal dans le fait que Ali (radhia Allâhou anhou) n’ait pas obéi à l’ordre du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) pour qu’il lui apporte de quoi écrire, et ce, parce qu’il craignait d’être absent lorsque le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) quitte ce monde, pourquoi le refus de Oumar (radhia Allâhou anhou), motivé par de la compassion à l’égard du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et par le fait qu’il ne voulait pas que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) se donne de la peine alors qu’il soufrait déjà beaucoup, serait-il une faute ?

De même que direz-vous alors au sujet du refus de Ali (radhia Allâhou anhou) d’effacer le titre « Rasoulloullah » lors de la rédaction du pacte de Houdeïbiyah (en l’an 6 de l’Hégire), alors que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) lui avait ordonné de le faire ? En dernier recours, il a fallu que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) lui même le fasse. (Cet incident est relaté pas de nombreux ouvrage de Hadiths sounnites, parmi lesquels le Sahîh Boukhâri. Le plus important, c’est que cela n’est pas seulement relaté par les sources sounnites, mais également par les sources Chiites, notamment par Khomeïni dans son ouvrage « Hayâtoul Qouloûb » ). C’est pourquoi, vous n’avez pas d’autres alternatives:

– soit vous faites comme les sounnites et vous considérez aussi bien Oumar (radhia Allâhou anhou) que Ali (radhia Allâhou anhou) comme deux illustres Compagnons (radhia Allâhou anhoum) qui n’ont pas commis de faute qui pourrait le leur être reproché, en ne mettant pas en application un ordre du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) dans des circonstances précises et pour une raison justifiée.

– soit vous persistez dans votre haine aveugle à l’égard de Oumar (radhia Allâhou anhou) et vous établissez une différence injustifiée et injustifiable entre le refus de Ali (radhia Allâhou anhou) d’obéir au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et celui de Oumar (radhia Allâhou anhou) de le faire…

  • Enfin, une dernière chose: Parmi tous les Compagnons (radhia Allâhou anhoum) qui étaient présents à ce moment, le seul qui ait exprimé des regrets par rapport à ce qui s’était passé fut Ibné Abbas (radhia Allâhou anhou). Ali (radhia Allâhou anhou), par exemple, n’a jamais, pas même durant son califat, exprimé de reproches à l’encontre de Oumar (radhia Allâhou anhou) pour avoir refusé d’apporter de quoi écrire au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). Ce qui suppose bien, qu’à ses yeux également, Oumar (radhia Allâhou anhou) n’avait pas commis de faute.

Qu’Allah raffermisse nos pas et éclaire nos cœurs !

Qu’Allah nous accorde de l’amour et du respect pour l’ensemble des Compagnons (radhia Allâhou anhoum) !

Âmine.

Le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) a dit en ce sens:

« Abou Bakr (radhia allâhou anhou) sera au paradis. Oumar (radhia allâhou anhou) sera au paradis. Ousman (radhia allâhou anhou) sera au paradis. Ali (radhia allâhou anhou) sera au paradis. »

(Tirmidhi)

« Lorsque vous voyez des gens qui insultent mes Compagnons (radhia allâhou anhoum), alors dites: Que la malédiction d’Allah soit sur le mal que vous faites ».

(Rapporté par Ibné Oumar r.a., cité dans Tirmidhi).

Wa Allâhou A’lam !

Et Dieu est Plus Savant !