L’imsâk en question…

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Question : Jusqu’à quel moment peut-on manger le matin avant de commencer le jeûne ? Est-il nécessaire de s’arrêter à l’heure indiquée comme étant celle de l’imsâk ?

Réponse (revue et complétée) : Il n’y a pas de débat entre les savants des quatre écoles juridiques musulmanes les plus connues sur le fait de considérer que le jeûne (sawm) ne débute qu’à partir du soubh as sâdiq (cette expression arabe désigne les premières lueurs horizontales de l’aube qui annoncent l’apparition prochaine du soleil). En conséquent, il est possible selon eux de manger et de boire jusqu’à cette limite.

En pratique cependant, comme vous l’évoquez, les calendriers du Ramadhân mentionnent souvent une limite horaire spécifique avant l’aube pour s’arrêter de manger et de boire. Cette limite, appelée communément imsâk (littéralement: « s’arrêter », « s’abstenir »), constitue une marge de sécurité : elle a donc pour objectif d’aider que des personnes qui souhaitent jeûner se retrouvent à manger ou boire alors que l’aube est déjà levé. 

Il y a eu plusieurs avis qui ont été émis concernant cette notion d’imsâk, certains considérant que celle ne pose aucun problème, d’autres affirmant que le respect de celle-ci va même dans le sens de la Sounnah (enseignement prophétique) et d’autres encore soutenant, au contraire, qu’il s’agit là d’une innovation religieuse.

Pour faire la synthèse de ces différentes opinions, voici ce qu’on peut dire :

  • il est tout à fait permis de continuer à manger et à boire après le moment déterminé pour l’imsâk, et ce, tant qu’on n’a pas la certitude que l’heure du soubh ous sâdiq (aube) est arrivée. Allah dit dans le Qour’aane : 

وَكُلُوا وَاشْرَبُوا حَتَّى يَتَبَيَّنَ لَكُمُ الْخَيْطُ الْأَبْيَضُ مِنَ الْخَيْطِ الْأَسْوَدِ مِنَ الْفَجْرِ

« (…) Et mangez et buvez jusqu’à ce que se distingue pour vous le fil blanc du fil noir (c’est à dire jusqu’à l’apparition) de l’aube.(…) » (2:187)

Et Aïcha (radhia Allâhou ‘anhâ) rapporte que (à l’époque de la Révélation), Bilâl (radhia Allâhou ‘anhou) lançait l’adhân (appel à la prière) de nuit (c’est à dire avant l’aube). Le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) dit alors (aux musulmans) :

 كُلُوا وَاشْرَبُوا حَتَّى يُؤَذِّنَ ابْنُ أُمِّ مَكْتُومٍ ، فَإِنَّهُ لا يُؤَذِّنُ حَتَّى يَطْلُعَ الْفَجْرُ

« Mangez et buvez jusqu’à ce que Ibn Oumm Maktoûm (radhia Allâhou ‘anhou) donne l’adhân… parce qu’il ne lance pas l’appel à la prière jusqu’à ce que l’aube soit levé. » (Sahih Boukhâri et Mouslim)

  • il est aussi permis de s’arrêter de manger et de boire alors qu’on est certain que l’aube n’a pas encore fait son apparition (à l’heure de l’imsâk qui est indiquée sur les calendriers par exemple), pour peu qu’on ne pense pas qu’il s’agisse là d’un devoir religieux. Al Qourtoubi (rahimahoullâh) établit cette permission de la narration suivante : Anass (radhia Allâhou ‘anhou) rapporte de Zayd Ibn Thâbit (radhia Allâhou ‘anhou) qu’il a dit

تَسَحَّرْنَا مَعَ النَّبِيِّ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ ثُمَّ قَامَ إِلَى الصَّلاةِ

« Nous avons pris le repas d’avant l’aube (sahoûr) avec le Prophète (sallallâhou ‘alayhi wa sallam), puis il s’est mit debout pour (accomplir) la salât. »

Je (c’est Anass qui parle) lui ai alors demandé :

كَمْ كَانَ بَيْنَ الأَذَانِ وَالسَّحُو

« Combien (de temps s’est-il écoulé) entre l’adhân et le sahoûr ? »

Il (Zayd) répondit :

قَدْرُ خَمْسِينَ آيَةً

« L’équivalent (du temps pris pour réciter) cinquante versets. » (Sahîh Boukhâri)

[Voir par exemple à ce sujet le contenu de la Fatwa n°117466 émise par le Centre Officiel des Avis Juridiques des Emirats Arabes Unis]

  • ce qui a été sévèrement condamné (et qui a même pu être qualifié d’innovation religieuse blâmable (bid’ah)) par certains savants (comme Ibn Hadjar (rahimahoullâh) parmi les oulémas du passé ou Al ‘Outheïmin (rahimahoullâh) et Al Qaradâwi parmi les contemporains), c’est de considérer qu’il est impératif et que c’est un devoir religieux que de s’arrêter de manger avant que l’aube ne fasse son apparition.

[Voir à ce sujet : « Fath al Bâriy » v. 4, p. 199, Fatwa intitulée « Maw’id al Imsâk ‘anit Ta’âm » de Al Qaradâwi, Compilation de Fatâwa de Ibn al Outheïmin v. 19, avis n°772]

Pour résumer, il n’y a donc pas de mal à s’arrêter de manger ou de boire à l’heure de l’imsâk pour peu qu’on soit conscient qu’il ne s’agit là que d’une marge de précaution et que l’obligation de jeûner ne débute qu’avec l’apparition de l’aube.

Wa Allâhou A’lam !