Les chiites et la question de la falsification du Qour’aane

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Question : Des sunnites affirment souvent que, selon les chiites, le Coran que nous avons à notre disposition n’est pas conforme au Texte Révélé au Messager de Dieu (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) et que son contenu a été falsifié. Pouvez-vous m’en dire plus à ce sujet ?

Réponse : Quand on revient vers les principales références chiites duodécimaines (ithnâ ‘achariyah), voici les doctrines et croyances que l’on peut y trouver concernant le Qour’aane:

1- Le texte du Qour’aane dont les musulmans disposent n’est pas conforme à ce qui a été Révélé au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam): Ceux qui ont compilé cette version (c’est-à-dire les Compagnons (radhia Allâhou anhoum), parmi lesquels Abou Bakr (radhia Allâhou anhou), Oumar (radhia Allâhou anhou) et Outhmân (radhia Allâhou anhou)) ont falsifié ce Texte Révélé afin de servir leurs intérêts –astaghfiroullâh.

2- Des passages et même des sourates entières du Qour’aane contenant, notamment les vertus de Ali (radhia Allâhou anhou) et des gens de la famille du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) (ahl oul bayt) ont été effacés par les « hypocrites » (c’est-à-dire des Compagnons (radhia Allâhou anhoum) – astaghfiroullâh)

3- Le Texte Révélé n’a été compilé sous sa forme originale et dans son intégralité que par Ali (radhia Allâhou anhou): Cette compilation a été transmise de père en fils, et elle est restée auprès des descendants masculins de Ali (radhia Allâhou anhou) que les chiites duodécimains considèrent comme étant des imâms infaillibles.

4- Des membres d’un cercle très fermé de l’élite chiite connaissent néanmoins le contenu de cette compilation. Mais il n’ont pas le droit de la dévoiler au grand public (même au sein des chiites) : ce n’est que lorsque celui qu’ils considèrent comme étant leur douzième imâm infaillible (« al mahdiy », qui se serait dissimulé dans une grotte depuis douze siècles) reviendra parmi les hommes, qu’il dévoilera à nouveau en public la véritable et authentique compilation du Qour’aane.

5- Ceux qui sont considérés comme les plus illustres savants (marâdji’) parmi les chiites ont toujours partagé de façon unanime toutes ces croyances: néanmoins, ils ont le devoir de dissimuler (taqiyyah) ces doctrines du grand public (aussi bien chiite que sunnite), et ce, jusqu’au retour de « al mahdiy ».

(Les arabophones peuvent trouver les références précises des ouvrages chiites qui témoignent de cinq assertions citées ci-dessus dans des études compilées sur cette page : http://www.fnoor.com/articles02.htm )

La grande majorité des chiites imâmites (duodécimains) se défendent cependant de croire que le Qour’aane ait subi une quelconque altération dans son texte. Ils affirment ainsi que toutes les assertions mentionnées plus haut sont de pures calomnies et que toutes les passages de leurs références sur lesquelles les sunnites se basent pour soutenir leurs accusations sont, soit non authentiques, soit non explicites (et ont donc une signification différente que celle présentée par leurs opposants).

Cependant cette contestation de la part des chiites pourrait paraître vraiment crédible s’il n’y avait pas la réalité suivante:

Un personnage que les chiites imâmites eux-mêmes considèrent comme étant un illustre savant (ils lui attribuent les titres honorifiques de « Mouhaddith », « Moudjtahid » et bien d’autres titres encore du même genre…), en l’occurrence, Housseïn Ibnou Mouhammad At Taqui An Noûri At Tabrassi, a ardemment défendu (dans son ouvrage intitulé « Fasl oul Khitâb Fî Ithbâti Tahrîfi Kitâbi Rabbil Arbâb ») que la croyance en la falsification du Qour’aane par les Compagnons (radhia Allâhou anhoum) après le départ du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) de ce monde a toujours fait partie des doctrines chiites.

Dans cet ouvrage, il cite un certain nombre d’arguments pour démontrer le bien fondé de cette doctrine; l’un d’entre eux (son onzième argument en l’occurrence à ce sujet) est, selon lui, le très grand nombre de Traditions valables et explicites qui indiquent cela dans la littérature chiite (il recense et cite plus d’un millier de Traditions chiites à ce sujet…).

Il est à noter que, lorsque son livre fut publié, un savant chiite qui lui était contemporain rédigea un ouvrage pour le contredire, sous le titre de « Kachf oul Irtiyâb an tahrîfil kitâb »… Lorsqu’il prit connaissance de cela, il écrivit à son tour une réponse, où il confirma la doctrine de la falsification du Qour’aane et répondit aux attaques qui lui avaient été adressées à ce sujet…

On constate donc là c’est qu’on est bien loin d’une simple rumeur inventée par les opposants des chiites… Et ce, d’autant plus que certaines textes (cités sur le site dont l’adresse a été indiqué plus haut) relatent que d’autres illustres savants chiites que An Noûri At Tabrassi ont aussi évoqué dans certains de leurs écrits la falsification du Qour’aane après le départ du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) de ce monde: Ce serait le cas par exemple pour Cheikh Al Moufîd, Aboul Hassan Al Âmili, Ni’matoullâh Al Djazâïri, Mouhammad Bâqir Al Madjlisi… Certains d’entre eux iraient même jusqu’à affirmer que les Traditions qui évoquent la falsification du Qour’aane sont, au niveau du sens collectif qu’ils présentent, « Moutawâtir« , ce qui garantit leur authenticité… Et ça ce s’arrête pas là: An Noûri At Tabrassi (et il ne serait pas le seul) affirme que les savants chiites qui renient la falsification du Qour’aane n’agissent que par « taquiyya » (attitude qui a pour but de dissimuler sa foi réelle)

Un point encore plus troublant pour conclure: si les chiites étaient vraiment convaincus que le Qour’aane a toujours été à l’abri de toute falsification, à l’instar de ce que croient les sunnites, ils auraient dû logiquement renier An Noûri At Tabrassi  et le considérer comme hérétique pour cette croyance qu’il a défendue… Pourtant, ce personnage n’a jamais  cessé d’être une véritable référence pour les chiites duodécimains, comme en témoignent notamment les écrits de certains de leurs savants (à l’instar de Abbâs Al Qoummi, dans son « Al Kounâ wal Alqâb »)

Wa Allâhou A’lam !