Cinq principes essentiels pour les rapports entre musulmans et non-musulmans…
Il y a de très nombreux versets du Qour’aane qui, apparemment, interdisent aux croyants d’entretenir de quelconques relations avec les non-musulmans.
C’est l’impression qui ressort notamment à la suite de la lecture des passages suivants du Qour’aane:
« Ô les croyants, ne prenez pas de confidents (« bitânah ») en dehors de vous-mêmes : ils ne failliront pas à vous bouleverser. ils souhaiteraient que vous soyez en difficulté. La haine certes s’est manifestée dans leur bouches, mais ce que leurs poitrines cachent est encore plus énorme. Voilà que Nous vous exposons les signes. Si vous pouviez raisonner ! » (Sourate 3 / Verset 118)
« Tu n’en trouveras pas, parmi les gens qui croient en Allah et au Jour dernier, qui nourrissent de l’amour profond (« youwâddoûna ») pour ceux qui s’opposent à Allah et à Son Messager, fussent-ils leur pères, leur fils, leurs frères ou les gens de leur tribu. Il a prescrit la foi dans leurs cœurs et Il les a aidés de Son secours. Il les fera entrer dans des Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, où ils demeureront éternellement. Allah les agrée et ils L’agréent. Ceux-là sont le parti d’Allah. Le parti d’Allah est celui de ceux qui réussissent. » (Sourate 58 / Verset 22)
« Ô les croyants ! Ne prenez pas pour alliés et protecteurs (« awliyâ ») les Juifs et les Chrétiens; ils sont alliés et protecteurs les uns des autres. Et celui d’entre vous qui les prend pour alliés, devient un des leurs. Allah ne guide certes pas les gens injustes. » (Sourate 5 / Verset 51)
« Ô les croyants ! Ne prenez pas pour alliés et protecteurs (« awliyâ ») les incroyants au lieu des croyants. Voudriez-vous donner à Allah une preuve évidente contre vous ? » (Sourate 4 / Verset 144)
« Ô vous qui avez cru ! Ne prenez pas pour alliés et protecteurs (« awliyâ ») Mon ennemi et le vôtre, leur offrant l’amitié, alors qu’ils ont nié ce qui vous est parvenu de la vérité. Ils expulsent le Messager et vous-mêmes parce que vous croyez en Allah, votre Seigneur. Si vous êtes sortis pour lutter dans Mon chemin et pour rechercher Mon agrément, leur témoignerez-vous secrètement de l’amitié, alors que Je connais parfaitement ce que vous cachez et ce que vous divulguez ? Et quiconque d’entre vous le fait s’égare de la droiture du sentier. » (Sourate 60 / Verset 1)
En lisant ces versets, il apparaît en effet que l’Islam n’accorde aucune place à des relations avec ceux qui ne sont pas musulmans; ce qui porte à croire que le bon comportement envers eux n’est même pas préconisé pour les musulmans.
Pourtant d’autres versets du Qour’aane exhortent clairement à une attitude opposée de celle exprimée dans les passages précédents :
« La bonne action et la mauvaise ne sont pas pareilles. Repousse (le mal) par ce qui est meilleur; et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux. » (Sourate 41 / Verset 34)
Et ne discutez que de la meilleure façon avec les gens du Livre, sauf ceux d’entre eux qui sont injustes. Et dites : « Nous croyons en ce qu’on a fait descendre vers nous et descendre vers vous, tandis que notre Dieu et votre Dieu est le même, et c’est à Lui que nous nous soumettons. » (Sourate 29 / Verset 46)
Et ton Seigneur a décrété : « N’adorez que Lui; et (marquez) de la bonté envers les père et mère (remarque: le bon comportement n’a pas été conditionné avec le fait que les parents soient musulmans; au contraire, d’autres références montrent clairement que le devoir de bon comportement s’applique aussi quand les parents ne sont pas musulmans ) : si l’un d’eux ou tous deux doivent atteindre la vieillesse auprès de toi; alors ne leur dis point : « Fi ! » et ne les brusque pas, mais adresse-leur des paroles respectueuses. Et par miséricorde; abaisse pour eux l’aile de l’humilité; et dis : « Ô mon Seigneur, fais-leur; à tous deux; miséricorde comme ils m’ont élevé tout petit. Votre Seigneur connaît mieux ce qu’il y a dans vos âmes. Si vous êtes bons; Il est certes Pardonneur pour ceux qui Lui reviennent se repentant. (Sourate 17 / Versets 23 à 25)
« Et parmi Ses signes Il a créé de vous, pour vous, des épouses pour que vous viviez en tranquillité avec elles et Il a mis entre vous de l’affection et de la bonté (remarque: l’épouse peut être une non musulmane (une femme faisant partie des « Ahl oul Kitâb ») , bien que le mariage avec les Gens du Livre soit fortement déconseillé par la majorité des savants). Il y a en cela des preuves pour des gens qui réfléchissent. » (Sourate 30 / Verset 21)
« Vous avez certes eu en eux un bel exemple [à suivre], pour celui qui espère en Allah et en le Jour dernier : mais quiconque se détourne… alors Allah Se suffit à Lui-même et est Digne de louange. Il se peut qu’Allah établisse de l’amitié entre vous et ceux d’entre eux dont vous avez été les ennemis. Et Allah est Omnipotent et Allah est Pardonneur et Très Miséricordieux. Allah ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Allah aime les équitables. Allah vous défend seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattus pour la religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes. » (Sourate 60 / Versets 6 à 9)
De même, de nombreux Hadiths et Traditions montrent que le Prophète (sallâllâhou alayhi wa sallam) et les Compagnons (radhia Allâhou anhoum) ont toujours eu un comportement modèle à l’égard des non musulmans.
C’est le cas notamment de l’attitude que le Prophète (sallâllâhou alayhi wa sallam) a adopté envers les infidèles mecquois lorsqu’il est entré à Makkah en l’an 8 de l’Hégire… ou encore lorsque certains Compagnons (radhia Allâhou anhoum) lui ont demandé de maudire la tribu « Daws » (à laquelle appartenait Abou Houreïra (radhia Allâhou anhou), le célèbre Compagnon): En guise de réponse, il fit l’invocation suivante: « Ô Allah ! Guide Daws et emmène les vers moi. »
Il est aussi rapporté que lorsque la tribu des « Thaqîf » est venu à Madina, le Prophète (sallâllâhou alayhi wa sallam) les a logé dans la Masdjid-oud-Nabawi: Pourtant, ils n’étaient pas encore musulmans à l’époque.
Le comportement du Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) envers les prisonniers de guerre non musulmans est également plein d’enseignements pour nous; tout comme sa réaction lorsqu’il était victime des coups et des persécutions de la part de ses ennemis.
Ajoutons à cela la célèbre Tradition dans laquelle le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) dit: « Le meilleur d’entre vous est celui qui est le meilleur envers son épouse (ou sa famille). » … Comme évoqué plus haut, il peut arriver que l’épouse ne soit pas musulmane…
Concernant Oumar (radhia Allâhou anhou), on apprend qu’il avait fixé une allocation de la part du Trésor Public pour les non musulmans « Dhimmis » qui étaient dans le besoin…
De telles traditions laissent apparaître que le Prophète (sallâllâhou alayhi wa sallam) (mais aussi ses Compagnons (radhia Allâhou anhoum)) s’est comporté de façon exemplaire envers les non musulmans et qu’il a exhorté les autres à le faire aussi.
Y aurait-il donc une contradiction entre ces différentes références que nous avons vu ? En fait, la réponse à cette question réside dans une analyse approfondie de l’ensemble des textes qui abordent le sujet, en prenant connaissance notamment des circonstances qui prévalaient lors de leur énonciation, mais aussi d’une étude complète de l’exemple pratique que nous a montrée le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) en la matière… C’est ce qui a été fait par certains savants musulmans. En considérant leurs écrits, on se rend compte qu’il y au moins cinq principes essentiels qui donnent une orientation précise aux relations que doivent entretenir les musulmans avec les non musulmans qui ne sont pas hostiles. Et c’est justement à la lumière desdits principes et de l’orientation qu’ils définissent que l’on doit concilier les références qui sont en apparentes contradiction à ce sujet…
1er principe: Il strictement interdit au musulman de faire preuve d’injustice à l’égard de n’importe quelle personne, qu’il s’agisse d’un musulman ou d’un non musulman, et ce, même s’il éprouve de l’aversion envers celui-ci.
Le musulman a donc une obligation permanente de faire preuve d’équité, et ce, quelque soient les conditions dans lesquelles il se trouve. Allah dit dans le Qour’aane:
» Ô les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allah et (soyez) des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injuste. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. Et craignez Allah. Car Allah est certes Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites. » (Sourate 5 / Verset 8)
On trouve dans la vie des premiers musulmans des expressions remarquables de justice et d’équité à l’égard des non musulmans. C’est le cas par exemple de l’attitude du célèbre juge –qâdhi- Chouraïh r.a., qui, dans un différent qui opposait le calife des musulmans à l’époque (en l’occurrence Ali (radhia Allâhou anhou)) à un juif (au sujet d’une armure que celui-ci aurait volé), a tranché en faveur de ce dernier –alors que, selon son propre aveu, il avait la conviction que le juif ne disait pas la vérité- parce que Ali (radhia Allâhou anhou) n’avait pu présenter deux témoins, comme l’exige la législation islamique, pour établir son accusation (en fait, il avait présenté deux témoins, mais l’un d’entre eux était Hassan (radhia Allâhou anhou), son fils… Chourayh r.a. refusa de prendre en compte ce témoignage, parce qu’il ne validait pas letémoignage d’un fils en faveur de son père…). En entendant ce jugement, le juif rendit l’armure en avouant l’avoir effectivement volée, et accepta l’Islam immédiatement… (Réf: Abou Nouaïm, « Houlyat oyl Awliyâ » – Volume 4 / Page 139, d’après la citation de Sayyid Sâbiq r.a. dans « Fiqh ous Sounnah » – Volume 3 / Page 386. Ce récite est également repris par Amîr As San’âni r.a. dans son « Souboul ous Salâm » – Volume 4 / Page 125)
Il est à noter que c’est en vertu de ce devoir d’équité qu’il est imposé au musulman de toujours respecter ses engagements, que ceux-ci le lient à des musulmans ou à des non musulmans. C’est là la voie que nous montrée le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et ses Compagnons (radhia Allâhou anhoum)… En effet, ceux-là ne trahissaient jamais leurs engagements, et ce, même si la personne avec qui l’engagement en question avait été conclu n’était pas musulmane ou était un ennemi des musulmans…
Nous devrions toujours garder à l’esprit l’attitude du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) en ce qui concerne le respect du pacte qu’il avait signé avec les polythéistes de Makkah à Houdeïbiya, en l’an 6 de l’Hégire… Ainsi, il avait accepté de restituer aux qouraïshites mecquois le Compagnon Abou Djandal (radhia Allâhou anhou) qui était venu chercher refuge auprès de lui contre les persécutions dont il était victime à Makkah, et ce, justement, parce que le traité qui venait d’être signé stipulait que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) ne pouvait donner asile à n’importe quel musulman qui s’enfuyait de Makkah pour le rejoindre…
L’absence de Houdheïfa (radhia Allâhou anhou) durant la campagne militaire de Badr est également très révélatrice à ce sujet… Il raconte lui-même que la seule chose qui l’a empêché de prendre part à cette campagne, c’est un engagement qu’avaient pris de lui les païens de Makkah de ne pas le faire. Ce qui s’était passé en fait, c’est que lorsqu’il avait émigré de Makkah avec son père, les païens, après les avoir intercepté avaient fini par les relâcher et les laisser partir, non sans les avoir fait promettre au préalable qu’ils iraient directement à Madinah et ne se battraient pas aux côtés du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) contre eux… Lorsque le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) apprit cela, il leur dit :
« Nous remplissons l’engagement que nous avons envers eux (c’est-à-dire que envers les Qoureïchites; ainsi Houdheïfa (radhia Allâhou anhou) respectera sa promesse de ne pas se battre) et nous recherchons l’aide d’Allah contre eux ».
2ème principe: Envers les non musulmans qui ne sont pas hostiles et qui ne cherchent pas à porter préjudice aux musulmans et à leurs intérêts, il est enseigné au musulman de bien se comporter, d’entretenir des relations pacifiques, d’adopter une attitude conciliante et d’agir avec bonté. (Réf: « Fiqh ous Sounnah » – Volume 3 / Page 104)
On trouve dans la vie du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et des Compagnons (radhia Allâhou anhoum) de nombreuses expressions de ce principe. Plus concrètement, le verset de la Sourate « Moumtahinah » évoqué plus haut (« Allah ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Allah aime les équitables.« ) fait allusion à ce genre de relations. Ce devoir de bon comportement, d’autres savants l’ont déduit du verset suivant:
« Adorez Allah et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté envers (vos) père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le compagnon (ou le collègue) et le voyageur, et les esclaves en votre possession, car Allah n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant «
(Sourate 4 / Verset 36)
En commentant ce verset, les spécialistes relèvent en effet que l’injonction concernant la bonne conduite envers les voisins et les collègues ne fait aucune allusion à une éventuelle différence de traitement en fonction de la religion. Ce qui signifie qu’il s’applique également à l’égard de ceux qui ne sont pas musulmans. Ibnou Hadjar r.a. confirme ceci en citant une Tradition, qui relate qu’un Compagnon (radhia Allâhou anhou) donnait justement au verset sus-cité une portée élargie. Ainsi, lorsqu’un animal était égorgé chez lui, il ordonnait à sa famille d’en envoyer une partie chez son voisin qui était de religion juive. Dans un autre Hadith rapporté par At Tabrâni, il est dit en ce sens : » Il y a trois types de voisins… Ceux qui ont un seul droit : Il s’agit des voisins non musulmans. Il y a ensuite ceux qui ont un double droit : les voisins musulmans. Enfin, il y a ceux qui ont un triple droit : le voisin musulman qui est également de la famille. «
On peut également souligner que, même dans les débats d’ordre religieux avec les non musulmans et dans l’invitation à l’Islam, le Qour’aane exhorte les musulmans à adopter la meilleure attitude possible, comme en témoignent les passages suivants:
Dis : « Ô gens du Livre, venez à une parole commune entre nous et vous : que nous n’adorions qu’Allah, sans rien Lui associer, et que nous ne prenions point les uns les autres pour seigneurs en dehors d’Allah ». Puis, s’ils tournent le dos, dites : « Soyez témoins que nous, nous sommes soumis ».
(Sourate 3 / Verset 64)
Et ne discutez que de la meilleure façon avec les gens du Livre, sauf ceux d’entre eux qui sont injustes. Et dites : « Nous croyons en ce qu’on a fait descendre vers nous et descendre vers vous, tandis que notre Dieu et votre Dieu est le même, et c’est à Lui que nous nous soumettons ».
(Sourate 29 / Verset 46)
« Par la sagesse et la bonne exhortation appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Car c’est ton Seigneur qui connaît le mieux celui qui s’égare de Son sentier et c’est Lui qui connaît le mieux ceux qui sont bien guidés. »
(Sourate 16 / Verset 125)
3ème principe: Le musulman a un devoir de compassion et d’entraide à l’égard des personnes qui sont dans le besoin ou qui sont confrontées à des difficultés, que ces personnes, encore une fois, soient musulmanes ou non.
On rapporte du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) qu’il a dit:
« Le Tout Miséricordieux se montre clément envers ceux qui font preuve de miséricorde. Faites miséricorde à ceux qui se trouve sur terre, Celui qui se trouve au ciel vous fera miséricorde. »
(Abou Dâoûd et Tirmidhi – Authentifié par Albâni r.a.)
Ces propos du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) ont une portée générale: La miséricorde vers laquelle ils exhortent concerne donc tous ceux qui se trouvent sur terre, musulmans ou non.
Par ailleurs, le Qour’aane et la Sounnah contiennent d’innombrables exhortations concernant les aumônes (Sadaqât). Les oulémas s’accordent pour considérer que le musulman, dans l’acquittement de ce devoir très méritoire, peut choisir de faire aussi bien aux musulmans qu’aux non musulmans qui sont dans le besoin -exception faites des aumônes obligatoires où la dimension rituelle prévaut, et qui sont, en principe, réservées aux seuls musulmans, sauf dans certains cas, selon certains savants.
4ème principe: Il est strictement interdit au musulman d’apprécier et d’aimer les non musulmans à cause de leur « Koufr » (refus de reconnaître ou de se soumettre à Allah), ou encore de considérer leur religion comme étant meilleure que l’Islam.
Le musulman qui entretiendrait de tels sentiments peut être considéré comme étant « Kâfir » (non musulman), car d’aimer le « Koufr » est une mécréance en soi-même. Ce principe évident ne nécessite aucune argumentation particulière.
5ème principe: Le « Mouwâlate » (ou « Al Walâ ») entre un musulman et un non musulman est strictement interdit.
Tous les savants musulmans s’accordent sur ce point, étant donné les énoncés très explicites du Qour’aane à ce sujet qui ont été évoqués plus haut. Sur le principe même de cette interdiction, il n’y a donc aucune divergence. Par contre, là où les avis ne s’accordent pas, c’est sur l’interprétation exacte de ces passages coraniques, et par conséquent, la portée réelle de l’interdiction qu’ils expriment.
Leur désaccord est essentiellement lié au terme « Waliy », mentionné dans le Qour’aane… En arabe, ce terme est utilisé avec un certain nombre de sens différents: Un « Waliy » désigne aussi bien un ami, un maître, un protecteur, un allié, un tuteur, un supporter… En fonction de l’interprétation précise adoptée par les savants pour ce terme, il y a des divergences qui sont apparues:
- Certains (c’est là l’avis des savants salafis, comme Cheikh Bin Bâz r.a., Cheikh Sâlih Al Fawzân etc, ainsi que bon nombre de savants indo-pakistanais…) ont pris le terme « waliy » dans le sens d' »ami », ce qui les amènent à considérer qu’il n’est pas permis d’éprouver de l’amour et de l’attachement intime pour les non musulmans en général.
- D’autres (comme le Dr. Saïd Ismaïl, enseignant à la Djâmiah Mouhammad Ibné Saoûd de Médine et qui a rédigé un ouvrage complet sur la question, intitulé « The Relationship between Muslim and Non-Muslim« ; voir également les écrits de Sayyid Sâbiq dans son « Fiqh ous Sounnah ») sont d’avis que le terme « waliy » qui est employé dans les différents versets sont plutôt à prendre dans le sens de « maître »… Selon eux, c’est ce type de relations, qui exprime une situation de dépendance et d’infériorité pour le musulman à l’égard du non musulman, qui est interdit en Islam, et non pas le fait d’éprouver, dans une certaine mesure, de l’amour et de l’attachement pour les non musulmans, comme c’est le cas par exemple au sein d’un couple où l’épouse n’est pas musulmane ou pour les enfants convertis à l’Islam dont les parents sont encore non musulmans. On remarquera que dans les relations au sein du couple et de la famille, il n’y a pas seulement un bon comportement apparent, mais bel et bien des sentiments profonds…
- Ensuite, certains savants (comme Cheikh Qaradâwi) ont émis l’avis que le « Mouwâlâte » qui a été interdit en Islam ne concerne que les non musulmans qui sont hostiles à l’Islam et aux musulmans. (Son argumentation à ce sujet est présente dans son ouvrage « Al Halâl wal Harâm », publié en français sous le titre: « Le licite et l’illicite en Islam ».)
- Enfin, d’autres savants encore sont d’avis que, ce qui a été prohibé en Islam, c’est le fait d’établir avec des non musulmans des liens profonds de nature telle que ceux-ci peuvent porter préjudice à la foi ou à la pratique religieuse du musulman.
La question que l’on pourrait quand même se poser est savoir pourquoi donc le « Mouwâlate » est-il prohibé ? A ce sujet, je vais résumer l’explication donnée par Moufti Chafi’ r.a., un savant pakistanais, dans son « Tafsîr »:
Il faut savoir que l’Islam considère que l’être humain vit sur cette terre dans un but bien déterminé: celui de faire l’adoration d’Allah et de se soumettre à Lui. L’existence humaine dans son intégralité doit être axée autour de ce but. Jusqu’au moment où les activités de l’homme seront réalisées en conformité avec cet objectif, elles seront acceptées. Mais à partir du moment où les actes de l’homme seront en contradiction avec sa mission, ils seront alors considérés comme répréhensibles. L’Islam ne distingue pas en ce sens la vie matérielle du domaine spirituel : Tout comme le soumission envers Allah est le point fondamental sur lequel repose la religion entière, de la même façon l’homme doit garder ce même but à l’esprit dans tous les instant de sa vie quotidienne, que ce soit dans sa vie privée, familiale, dans ses relations commerciales, et même dans le choix de ses amis intimes et dans ses rapport envers eux. En résumé, l’Islam montre la voie de la conciliation entre le temporel et le spirituel.
Maintenant toute créature qui représentera un obstacle empêchant l’homme d’atteindre ce but, sera tout à fait logiquement considérée comme l’ennemi de l’homme. Satan étant le plus déterminé à nous égarer sur ce point, Allah nous a donc averti qu’il est pour nous notre plus grand ennemi. De même le croyant ne pourra prendre comme « waliy » ceux qui refusent d’obéir à Allah et d’accepter le message des prophètes. En réalité une telle personne sera, tout comme Satan, l’ennemi de Dieu. Et le « mouwâlât » d’Allah et celui de l’ennemi d’Allah ne peuvent cohabiter chez le musulman.
Wa Allâhou A’lam !
Et Dieu est Plus Savant !
- Par Mouhammad Patel
- Le 2 mars 2003