Cinq clés pour notre réussite à travers le modèle prophétique.

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Discours prononcé lors d’une conférence organisée à Duparc par la Madressa
« Riyâdh oul Ouloûm », le Dimanche 25 Avril 2004

 Mes frères et sœurs,

Cette vie présente, chaque musulman et musulmane se doivent de la considérer comme une épreuve: C’est ce que nous enseignent nos références.

Allah dit:

تَبَارَكَ الَّذِي بِيَدِهِ الْمُلْكُ وَهُوَ عَلَى كُلِّ شَيْءٍ قَدِيرٌ الَّذِي خَلَقَ الْمَوْتَ وَالْحَيَاةَ لِيَبْلُوَكُمْ أَيُّكُمْ أَحْسَنُ عَمَلاً وَهُوَ الْعَزِيزُ الْغَفُورُ

« Béni soit celui dans la main de qui est la royauté, et Il est Omnipotent. Celui qui a créé la mort et la vie afin de vous éprouver (et de savoir) qui de vous est le meilleur en oeuvre, et c’est Lui le Puissant, le Pardonneur. »

(Sourate 67 / Versets 1 et 2)

Et cette ibtilâ (épreuve), elle est constante: Que ce soit dans notre relation avec Allah, dans notre rapport avec notre propre personne ou avec les êtres et les choses qui nous entourent, chaque action que nous faisons, chaque réaction que nous exprimons, chaque attitude que nous adoptons, chaque décision que nous prenons… bref, chaque instant que nous vivons en fait partie intégrante.

Ce que nous désirons tous le plus, c’est bien évidemment connaître le succès et la réussite… Pour nous aider à y parvenir et à trouver la bonne voie dans tous les domaines de notre existence, Allah, dans Son Infinie Miséricorde, nous a offert quatre grandes faveurs, profondément liées entre elles:

a) Il a gratifié chacun et chacune d’entre nous de la capacité de raisonner et d’analyser les informations que nous percevons par nos sens, et donc, d’agir avec discernement et non simplement par instinct, comme les animaux.

b) Il nous a aussi doté d’une conscience, afin que nous puissions donner une orientation éthique et une dimension morale à nos actions.

c) Pour nous permettre d’alimenter cette raison et cette conscience, il nous a fait parvenir une Lumière de Sa Part, celle de la Révélation.

d) Et pour que nous puissions comprendre pleinement le message et le sens de cette Révélation, Il l’a accompagné d’un modèle humain: Un personnage illustre dont l’attitude, suivant la description qu’en a faite son épouse bien aimée (radhia Allâhou anha), était la personnification même et l’expression vivante des enseignements de cette Révélation, du Qour’aane…

C’est en considérant cette dernière réalité qu’il est possible de mesurer un peu plus l’importance que représente, pour chaque musulman et chaque musulmane, l’étude de la vie bénie du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam): En sus d’être le meilleur moyen pour développer en chacun de nous de l’amour et de la considération pour sa personne (sallallâhou alayhi wa sallam), c’est dans cet exemple parfait, cette « ouswah hassanah » comme le qualifie le Qour’aane, que nous trouverons les clés de notre réussite personnelle, une réussite qui, à l’image de l’ibtilâ que nous vivons, ne concerne pas seulement notre action dans le domaine purement religieux et spirituel, mais dans toutes les sphères de notre existence (vie familiale, professionnelle…)

Lors de cette présente intervention, nous nous concentrerons, Incha Allah, que sur cinq principes positifs et constructifs–parmi des dizaines d’autres, à la lumière de plusieurs évènements de la sîrah (vie du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam))

1- L’attachement à l’intelligence du contexte et au réalisme:

Dans son action, le musulman doit prendre l’habitude de confronter les moyens qu’il s’est fixé et par l’intermédiaire desquels il désire parvenir à ses objectifs à la réalité de son environnement; à partir de là, il doit constamment se questionner pour savoir si sa façon d’agir est bien celle qui est la plus efficace, celle qui convient le plus et qui est la mieux adaptée à son environnement. En dans le cas où la poursuite de son action n’est plus possible d’une certaine façon dans un contexte donné, il doit essayer de voir s’il n’y a pas moyen pour lui de la mener différemment…

  • C’est là le grand enseignement que nous pouvons retirer de l’attitude que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) adopte à partir de la dixième année de sa mission prophétique jusqu’à sa hidjrah (émigration), trois années plus tard: Après plus d’une décennie d’efforts constants et de sacrifices incessants dans la conduite de sa da’wah (invitation vers Dieu) parmi les siens, quand le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) constate que la plupart des mecquois ne sont non seulement pas prêts à accepter la réforme salvatrice qu’il leur propose mais qu’en sus de cela, ils cherchent par tous les moyens à le faire taire et à le stopper, il commence à chercher s’il n’y a pas possibilité pour lui d’aller poursuivre son action ailleurs. Il se rend ainsi, au cours de la dixième année de sa mission, à Tâïf. Puis, il tente de nouer des contacts avec les représentants des différentes tribus de la péninsule arabique qui sont présents à l’occasion du hadj. Jusqu’à ce qu’il trouve une écoute attentive et une réponse positive de la part de certaines personnes venant de Yathrib (future Médine); vous connaissez la suite: Il va conclure des alliances avec eux, et quelques temps plus tard, il quittera sa ville natale pour Médine, où sa mission connaîtra un tournant, au point où, moins d’une dizaine d’années plus tard, la plus grande partie des arabes de la péninsule auront accepté l’Islam: Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) réalise donc avec succès sa mission, et c’est ce témoignage qu’il prend de l’ensemble des Compagnons (radhia Allâhou anhoum) présents lors du pèlerinage d’Adieu, comme le relate de nombreux Hadiths authentiques.
  • La clairvoyance et le réalisme du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) se manifestent également lors de la rédaction du traité de Houdeïbiyah, en l’an 6 de l’hégire: A cette occasion, il sait que la signature de ce soulh (traité de non agression) avec les mecquois est capital pour la poursuite positive de sa mission et pour l’intérêt général des musulmans… Pour que cet objectif essentiel soit réalisé, il accepte de faire des concessions sur des points d’ordre secondaire qui faisaient l’objet de tensions:
  • Il accepte par exemple que la formule retenue pour initier le pacte soit conforme à la volonté de l’émissaire mecquois.
  • Il accepte également que son titre de Messager d’Allah soit effacé du texte.
  • Il accepte encore de retourner à Médine sans accomplir la oumrah cette présente année, et de venir la remplacer l’année suivante.1
  • L’attitude du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), après la libération de Makkah en l’an 8 de l’hégire est une autre expression d’intelligence du contexte: Comme nous le rapporte Aïcha (radhia Allâhou anha), il (sallallâhou alayhi wa sallam) ne concrétise pas son désir de détruire la Ka’bah pour la reconstruire suivant les fondations établies par Ibrâhim (alayhis salâm) et avec deux portes –permettant de faciliter ainsi la visite de l’intérieur de la Ka’bah- uniquement parce qu’il craint que cela n’entraîne des troubles au sein des mecquois qui viennent tout juste de se convertir à l’Islam. (Boukhâri et Mouslim)

2- La préférence de l’analyse éclairée à l’approche simpliste, à la limite du manichéisme:

Dans la façon dont il appréhende les évènements qui se déroulent autour de lui, le musulman doit se garder de toute simplification à outrance et des jugements à l’emporte-pièce: L’expérience de la vie nous enseigne en effet que, dans les faits, rares sont les situations où il est aisé de trancher de façon catégorique et définitive, en distinguant ce qui epurement positif de ce qui est exclusivement négatif; nous avons tous eu l’occasion, je le pense, de constater combien la réalité est souvent pleine de nuances… Le musulman doit justement prendre le recul nécessaire pour pouvoir s’adonner à une analyse réfléchie de la situation à laquelle il est confronté et cerner toutes les nuances présentes. Concrètement, cela implique par exemple que, lorsqu’il se permet de juger l’action d’autrui, plutôt que de se focaliser sur des aspects qui lui paraissent négatifs, il doit s’efforcer de voir si ceux-ci ne cachent pas en fait d’autres atouts et avantages bien plus importants: Ainsi, tout comme il s’autorise dans ses choix et décisions personnels de privilégier l’intérêt dominant, c’est-à-dire ce qui représente le moindre mal à ses yeux, il doit aussi reconnaître à ses frères et sœurs la possibilité d’agir de même… C’est ce genre de démarche qui permet d’éviter de tomber dans le piège de la critique à tout va, toute aussi facile et gratuite… que contre productive.

C’est ce que nous pouvons retenir de l’attitude du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) lorsqu’il accueille Khâlid bin Walîd (radhia Allâhou anhou) au retour de la bataille de Mou’tah… Certains historiens soutiennent que cette bataille a été la plus sanglante qui fut livrée par les musulmans: L’expédition avait quitté Médine au cours du mois de djoumâda al oûla de l’Hégire 8 pour aller venger l’assassinat de l’émissaire du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), envoyé auprès de l’empereur byzantin. Trois mille soldats furent ainsi dépêchés; le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) avait désigné à leur tête Zayd ibn Hâritha (radhia Allâhou anhou), tout en précisant que si jamais celui-ci était tué, Dja’far (radhia Allâhou anhou) prendrait sa place, et s’il était tué à son tour, le commandement reviendrait à Abdoullâh Ibn Rawâha (radhia Allâhou anhou)… Lorsque les musulmans arrivèrent dans la région de la Syrie, ils apprirent qu’ils auraient à faire face à près de 200 000 soldats ennemis (des byzantins, accompagnés de leurs alliés arabes, les tribus lakhm et djoudhâm). Certains suggérèrent alors de stopper l’avancée, d’informer le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) de la situation et de lui demander des renforts ou de nouvelles instructions. Mais Abdoullâh Ibn Rawâha (radhia Allâhou anhou) exhorta les musulmans à poursuivre la mission pour laquelle ils étaient venus, sans hésiter. C’est ce qu’ils firent. Le combat s’engagea, et tous ceux que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) avait désigné pour mener les troupes furent successivement martyrs. Finalement, le commandement fut donné à Khâlid bin walîd (radhia Allâhou anhou): Celui-ci était un véritable maître de guerre et avait une longue expérience de la stratégie militaire. Même si les rapports ne sont pas très explicites à ce sujet, il semble bien cependant qu’il jugea alors que les musulmans ne pouvaient, dans les conditions actuelles, faire face à leurs ennemis. Il trouva une tactique habile pour extirper les troupes musulmanes de la situation délicate dans laquelle ils se trouvaient, tout en donnant l’impression à l’armée adverse qu’ils avaient reçu des renforts: Les byzantins, plutôt que de poursuivre la bataille, se replièrent. Et Khâlid (radhia Allâhou anhou) profita de leur réaction pour ordonner à son tour le repli de ses troupes et leur retour à Madînah.2 Lorsqu’ils furent de retour dans la ville bénie, des rapports cités par Ibn Hishâm (rahimahoullâh) dans sa sîrah 3 et par Ibn Sa’d (rahimahoullâh) dans ses tabaqât4 relatent qu’une partie de la population leurs reprochèrent leur attitude et les traitèrent de fuyards. Mais le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) rejeta ces critiques et dit:

ليسوا بفُرّار ولكنهم كُرّار إن شاء الله

« Ce ne sont pas des fuyards. Ils se sont repliés (pour mieux attaquer), Incha Allah. »

Face à l’attitude simpliste de certains, qui ne concevait que deux issues à une bataille -la victoire ou la défaite, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a opposé une autre approche, bien plus réfléchie et prenant en compte, d’un côté, la réalité du contexte difficile dans lequel se trouvait Khâlid (radhia Allâhou anhou) et les musulmans, et, d’un autre côté, les perspectives qu’avait ouvert cette confrontation avec les forces de ceux qui étaient considérés comme l’une des super puissance de l’époque: En effet, celle-ci ne se solda peut être pas par une victoire écrasante comme le désiraient certains, mais elle ne se termina pas non plus par une défaite des musulmans… Ce qui, dans un face à face opposant 3000 musulmans à 200 000 ennemis est déjà, en soi, un véritable succès…5

3- L’attachement à l’équité et à la justice en toute circonstance, et l’adoption constante d’une conduite intègre:

Ce sont là des impératifs que le musulman ne doit jamais délaisser, que ce soit dans sa conduite envers ses opposants ou dans les décisions qu’il prend concernant ses proches. Ses sentiments ne doivent pas influencer son jugement au point où il en arrive à devenir injuste. Le Qour’aane proclame:

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ كُونُواْ قَوَّامِينَ بِالْقِسْطِ شُهَدَاء لِلّهِ وَلَوْ عَلَى أَنفُسِكُمْ أَوِ الْوَالِدَيْنِ وَالأَقْرَبِينَ إِن يَكُنْ غَنِيّاً أَوْ فَقَيراً فَاللّهُ أَوْلَى بِهِمَا فَلاَ تَتَّبِعُواْ الْهَوَى أَن تَعْدِلُواْ وَإِن تَلْوُواْ أَوْ تُعْرِضُواْ فَإِنَّ اللّهَ كَانَ بِمَا تَعْمَلُونَ خَبِيراًش

les croyants ! Observez strictement la justice et soyez des témoins (véridiques) comme Allah l’ordonne, fût-ce contre vous mêmes, contre vos père et mère ou proches parents. Qu’il s’agisse d’un riche ou d’un besogneux, Allah a priorité sur eux deux (et Il est plus connaisseur de leur intérêt que vous). Ne suivez donc pas les passions, afin de ne pas dévier de la justice. Si vous portez un faux témoignage ou si vous le refusez, [sachez qu’] Allah est Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites.

(Sourate 4 / Verset 135)

يَاأَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ كُونُواْ قَوَّامِينَ لِلّهِ شُهَدَاء بِالْقِسْطِ وَلاَ يَجْرِمَنَّكُمْ شَنَآنُ قَوْمٍ عَلَى أَلاَّ تَعْدِلُواْ اعْدِلُواْ هُوَ أَقْرَبُ لِلتَّقْوَى وَاتَّقُواْ اللّهَ إِنَّ اللّهَ خَبِيرٌ بِمَا تَعْمَلُونَ

« Ô les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allah et (soyez) des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injuste. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. Et craignez Allah. Car Allah est certes Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites. »

(Sourate 5 / Verset 8)

C’est bien le comportement probe et honnête du musulman qui forcera le respect de ceux qui l’entourent et facilitera son action… Les expressions de justice et d’intégrité sont bien évidemment très nombreuses dans la vie du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). A titre d’exemple, on peut considérer les deux récits suivants, l’un mettant en valeur l’équité du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et l’autre son intégrité:

  • Il est rapporté que, lors de la présence du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) à Makkah à l’occasion de la libération de la ville sainte en l’an 8 toujours, une femme des bani makhzoûm (une famille respectée…), fut reconnue coupable d’un vol. Les qouraïchites furent inquiets à son sujet: Ils craignaient que ne lui soit appliquée la peine prévue en Islam et que sa main ne soit coupée. Ils demandèrent alors à Oussâmah Ibn Zayd (radhia Allâhou anhoum), très proche du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), d’aller le voir pour intercéder en faveur de cette femme. Lorsqu’il le fit, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) se mit très en colère et fit un sermon, dans lequel il exprima clairement l’obligation et le devoir de justice:

يا أيها الناس ‏ ‏إنما هلك الذين من قبلكم أنهم كانوا إذا سرق فيهم ‏ ‏الشريف ‏ ‏تركوه وإذا سرق فيهم الضعيف أقاموا عليه ‏ ‏الحد ‏ ‏وايم الله لو أن ‏ ‏فاطمة بنت محمد ‏ ‏سرقت لقطعت يدها

« Ô les gens ! Ceux qui vous ont précédé ont été perdus (notamment) parce que, lorsque le noble parmi eux se rendait coupable d’un vol, ils le laissaient; et lorsque c’était le faible qui volait, ilui appliquait la peine. Par Allah ! Si Fâtimah fille de Mouhammad était coupable vol, je lui couperai la main »

(Boukhâri)

  • Houdheïfa (radhia Allâhou anha) raconte que la seule chose qui l’a empêché de prendre part à la campagne de Badr, c’est un engagement qu’avaient pris de lui les qouraïchites de Makkah de ne pas le faire. Ce qui s’était passé en fait, c’est que lorsqu’il avait émigré de Makkah avec son père, les païens, après les avoir intercepté avaient fini par les relâcher et les laisser partir, non sans les avoir fait promettre au préalable qu’ils iraient directement à Madinah et ne se battraient pas aux côtés du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) contre eux… Lorsque le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) apprit cela, il dit :

نستعين الله عليهم ونفي بعهدهم

 » Nous recherchons l’aide d’Allah contre eux et nous remplissons l’engagement que nous avons envers eux (c’est-à-dire que envers les Qoureïchites; ainsi Houdheïfa (radhia Allâhou anhou) respectera sa promesse de ne pas se battre) ».

(Mouslim , Moustadrak Hâkim, Mousnad Ahmad)

4- La préférence de l’action basée sur la consultation mutuelle à celle résultant d’une décision individuelle:

Il convient à l’être humain de toujours prendre conseil et de se concerter avec des personnes compétentes et expérimentées avant de prendre une décision, et ce, quelque soit le domaine concerné. Celui qui prend pour habitude de consulter les autres avant d’agir regrette très rarement ses décisions: En effet, la concertation, avec la confrontation d’idées, l’échange de points de vue et la multiplicité des analyses qu’elle entraîne permet souvent de mettre en valeur des aspects importants auxquels une seule personne, aussi compétente et savante puisse-t-elle être, ne pense pas. Il peut ainsi arriver que l’enthousiasme et l’ardeur de quelqu’un le pousse à agir dans un sens, et que, l’action qu’il a l’intention d’accomplir soit, en elle-même, tout à fait correcte et justifiée… cependant, d’un autre côté, le contexte dans lequel il se trouve n’est pas du tout approprié pour ce qu’il veut entreprendre: En effet, ce n’est pas parce qu’un acte est bon en soi que sa réalisation est forcément louable et sensée à n’importe quel moment ou à n’importe quel endroit…

L’injonction adressée au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) dans le Qour’aane de se concerter avec ses Compagnons (radhia Allâhou anhoum) constitue le meilleur témoignage de l’importance de ce devoir: Qui, en effet, peut se considérer plus savant, plus expérimenté, plus raisonnable et meilleur visionnaire que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) ? Pourtant, à son Messager Final (sallallâhou alayhi wa sallam), Allah dit:

فَاعْفُ عَنْهُمْ وَاسْتَغْفِرْ لَهُمْ وَشَاوِرْهُمْ فِي الأَمْرِ فَإِذَا عَزَمْتَ فَتَوَكَّلْ عَلَى اللّهِ إِنَّ اللّهَ يُحِبُّ الْمُتَوَكِّلِينَ

 » (…) Pardonne-leur donc, et implore pour eux le pardon (d’Allah). Et consulte-les à propos des affaires; puis une fois que tu t’es décidé, confie-toi donc à Allah, Allah aime, en vérité, ceux qui Lui font confiance.« 

(Sourate 3 / Verset 159)

Quand on revient vers la vie du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), on constate que cette habitude de consulter ceux qui l’entouraient, et de leur témoigner ainsi de la considération et de l’intérêt, il (sallallâhou alayhi wa sallam) y restait fidèle même dans les instants les plus décisifs et les moments les plus délicats:

Ainsi, à Houdeïbiya, après que le traité bien connu avec les mecquois eut été signé, avec ses clauses que les Compagnons (radhia Allâhou anhoum) avaient bien des difficultés à comprendre, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) ordonna à tous ceux qui étaient présents de se mettre debout, d’égorger les animaux qu’ils avaient conduits avec eux et de se raser la tête pour sortir de l’état d’ihrâm (sacralisation) et rentrer à Médine. Mais personne ne réagit, malgré le fait qu’il eut répété son injonction en trois fois (les Compagnons (radhia Allâhou anhoum) espéraient apparemment, à tort, qu’une Révélation divine ne vienne abroger l’ordre du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam)…). Il (sallallâhou alayhi wa sallam) rentra alors dans sa tente auprès de Oummou Salamah (radhia Allâhou anha) et lui fit part de la réaction des Compagnons (radhia Allâhou anhoum); celle-ci lui suggéra alors de ressortir, de sacrifier l’animal qu’il avait amené et de se raser la tête sans dire un mot. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) appliqua cette suggestion, et c’est alors que les Compagnons (radhia Allâhou anhoum) s’empressèrent de faire comme lui. Ce qui est à souligner ici, c’est que, durant ce moment d’extrême tension, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) consulta son épouse et c’est justement une suggestion de sa part qui permit de sortir de cette situation dramatique.6

Il est à noter qu’en sus de mettre en valeur l’importance de la consultation, ce récit nous rappelle également un fait essentiel, que nous avons parfois tendance à oublier ou à minimiser: Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) n’avait pas recours à la machwarah seulement dans le contexte purement religieux et il (sallallâhou alayhi wa sallam) ne prenait pas conseil exclusivement avec ses Compagnons (radhia Allâhou anhoum), des hommes. Il (sallallâhou alayhi wa sallam) demandait également conseil dans sa façon de gérer les affaires de la vie mondaine, et il n’hésitait pas à consulter pour cela ses épouses, des femmes qui lui étaient proches donc. A vrai dire, il ne faisait que suivre la voie tracée par le Qour’aane… En ce qui concerne l’allaitement, voici en effet ce qu’on peut lire dans notre Livre Sacré:

وَالْوَالِدَاتُ يُرْضِعْنَ أَوْلاَدَهُنَّ حَوْلَيْنِ كَامِلَيْنِ لِمَنْ أَرَادَ أَن يُتِمَّ الرَّضَاعَةَ وَعلَى الْمَوْلُودِ لَهُ رِزْقُهُنَّ وَكِسْوَتُهُنَّ بِالْمَعْرُوفِ لاَ تُكَلَّفُ نَفْسٌ إِلاَّ وُسْعَهَا لاَ تُضَآرَّ وَالِدَةٌ بِوَلَدِهَا وَلاَ مَوْلُودٌ لَّهُ بِوَلَدِهِ وَعَلَى الْوَارِثِ مِثْلُ ذَلِكَ فَإِنْ أَرَادَا فِصَالاً عَن تَرَاضٍ مِّنْهُمَا وَتَشَاوُرٍ فَلاَ جُنَاحَ عَلَيْهِمَا

 « Et les mères, qui veulent donner un allaitement complet, allaiteront leurs bébés deux ans complets. Au père de l’enfant de les nourrir et vêtir de manière convenable. Nul ne doit supporter plus que ses moyens. La mère n’a pas à subir de dommage à cause de son enfant, ni le père, à cause de son enfant. Même obligation pour l’héritier. Et si, après s’être consultés, tous deux tombent d’accord pour décider le sevrage, nul reproche à leur faire. (…) »

(Sourate 2 / Verset 233)

Ce passage enseigne l’attitude qui doit prévaloir dans le rapport époux/épouse en ce qui concerne la manière dont les décisions ayant une influence quelconque sur la vie du couple doivent être prises: Celle de l’action résultant de la concertation, la décision n’étant prise qu’à la suite d’un accord, et non de façon unilatérale et imposée de la part du mari. Cette attitude de consultation préconisée pour le sevrage s’applique naturellement à toutes les autres questions qui ont un lien avec l’épouse et qui la concerne directement.

5- La préférence du pardon à l’esprit de revanche et l’attitude belliqueuse, et, dans une mesure plus générale, l’effort de la maîtrise de soi plutôt que la réaction violente:

Le Qour’aane énonce:

وَلَا تَسْتَوِي الْحَسَنَةُ وَلَا السَّيِّئَةُ ادْفَعْ بِالَّتِي هِيَ أَحْسَنُ فَإِذَا الَّذِي بَيْنَكَ وَبَيْنَهُ عَدَاوَةٌ كَأَنَّهُ وَلِيٌّ حَمِيمٌ

« La bonne action et la mauvaise ne sont pas pareilles. Repousse (le mal) par ce qui est meilleur; et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux. »

(Sourate 41 / Verset 34)

L’attitude et le comportement que nous adoptons avec autrui peuvent avoir bien plus d’effet sur la nature de nos relations avec lui que les propos et les discours que nous lui tenons.

Quand on revient à nouveau vers la vie du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), on constate que c’est justement le choix du pardon qu’il fait en l’an 8 de l’Hégire, en entrant à Makkah: Il proclame une amnistie pour la quasi-totalité de la population mecquoise, au sein de laquelle trouvent ceux qui l’avaient tant persécuté… Que se passe-t-il ensuite ? Ceux là même qui avaient refusé l’Islam et avait combattu le Messager d’Allah (sallallâhou alayhi wa sallam) sans relâche pendant toutes ces années changent radicalement d’attitude: Face à la noble réaction du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), ils acceptent enfin de lui ouvrir leur cœur et leur esprit; et le résultat ne se fait pas attendre: Ils se convertissent en masse à l’Islam, en un laps de temps très court…

Et cette maîtrise de soi, on constate qu’elle faisait partie intégrante de la pédagogie du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), le meilleur des mouallim (enseignant) que la terre ait porté: Ainsi, à deux occasions, lorsque des musulmans de passage à Médine vont adopter, par ignorance, des attitudes inappropriées dans la mosquée (l’un va parler durant la prière (Mouslim), l’autre va carrément y uriner (Mouslim…)) , certains Compagnons (radhia Allâhou anhoum) réagiront assez violemment… Mais le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), pour sa part, va les interpeller avec beaucoup de douceur et de compréhension. L’un d’entre eux affirmera d’ailleurs pas la suite qu’il n’a jamais vu de meilleur enseignant que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam).

Qu’Allah nous accorde l’opportunité et le tawfîq d’adopter ces grandes qualités du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), qui sont pour nous autant de clés pour notre réussite que nous apporte le modèle prophétique

Âmine


Notes:

1- Réf: « Zâd oul Ma’âd » – Volume 3 / Page 256

2- Quelle a été exactement l’issue du combat ? Les musulmans ont-il pu vaincre quand même une partie de l’armée byzantine ? Ou leur victoire a-t-elle été justement le fait qu’ils puissent s’en sortir sans être massacrés ? Les avis des historiens sont partagés à ce sujet: Pour plus de détails, voir les écrits de Ibnou Hadjar (rahimahoullâh) (Fath oul Bâriy – Volume 7 / Page 514-515) et ceux de Ibn Qayyim (Zâd oul Ma’âd – Volume 3 / Pahes 333-334).

3-Volume 4 / Page 20

4- Volume 2 / Page 129

5- C’est d’ailleurs le terme qu’emploie le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) lui-même
pour qualifier l’issue de cette bataille dans un Hadith cité par l’Imâm
Boukhâri (rahimahoullâh)

6- Réf: « Zâd oul Ma’âd »– Volume 3 / Pages 252 et suivantes.