La 15ème nuit du mois de Cha’bân
Il y a toujours eu des divergences entre les savants concernant le statut de la 15ème nuit de mois de Cha’bân :
- un groupe de savants soutient que cette nuit n’a rien de particulier; selon eux, tous les Âhâdîth qui indiquent le contraire présentent des faiblesses au niveau de la chaîne de transmission -isnâd-, ce qui fait qu’ils ne sont pas suffisamment fiables pour qu’on puisse les prendre en considération
- un autre groupe de savants est, au contraire, d’avis que cette nuit renferme une vertu paticulière. Parmi les Ahâdîth sur lesquels repose cette opinion, on trouve notamment la Tradition suivante :
عن أبي ثعلبة الخشني ، عن النبي صلى الله عليه وسلم ، قال :
إذا كان ليلة النصف من شعبان اطلع الله إلى خلقه فيغفر للمؤمن ، ويملي للكافرين ، ويدع أهل الحقد بحقدهم حتى يدعوه
رواه البيهقي في شعب الإيمان وفي السنن الصغرى برقم و الطبراني في المعجم الكبير وابن قانع في معجم الصحابة
Abou Tha’labah al Khouchani (radhiya Allâhou ‘anhou) rapporte du Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) qu’il a dit: « Lorsqu’arrive la nuit de la mi-cha’bân, Allah regarde l’ensemble de Ses créatures et Il pardonne aux croyants et donne du temps aux incroyants. Il laisse (également hors de Son pardon) ceux qui entretiennent entre eux de l’animosité, et ce, jusqu’à ce qu’ils délaissent leur rancœur. » (As Sounan as Soughrâ d’al Bayhaqui et Al Mou’djam al Kabîr d’At Tabrâni – Qualifié de Hassan par Al Albâni)
Evoquant cette divergence, Ibnou Taymiyah (rahimahoullâh) écrit en substance:
« (…) la 15ème nuit du mois de Cha’bân : Des Ahâdîth Marfoû’ah (c’est à dire des narrations dont la chaîne de transmission remonte jusqu’au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam)) et des « Âthâr » (propos tenus par des Compagnons (radhia Allâhou anhoum)) rapportés concernant cette nuit indiquent qu’elle possède bien une certaine vertu. Certains, parmi les salafs (pieux prédécesseurs des premières générations de l’Islam), priaient à cette occasion.
En ce qui concerne la pratique du jeûne en général durant le mois de Cha’bân , des Hadiths authentiques ont été rapportés.
Une partie des oulémas parmi les salafs qui résidaient à Médine ou ailleurs, ainsi que d’autres (savants) des générations postérieures ont réfuté le fait que cette nuit renferme une vertu (particulière) ; ils ont également émis des critiques à l’égard des Ahâdîth rapportés à ce sujet, telle que la Tradition qui évoque que (au cours de la 15ème nuit de Ch’abân) Allah accorde le pardon à plus de personnes qu’il y a de poils sur les moutons de la tribu des « Banou Kalb » (réputée à l’époque pour le nombre considérable de ses troupeaux d’ovins). Ces savants affirment donc qu’il n’y a aucune différence entre cette nuit et n’importe quelle autre.
Mais la position qui a été adoptée par de nombreux savants- ou (plutôt) la majorité de nos savants et des autres – est que cette nuit a bien une vertu particulière, comme l’indique les propos de l’Imâm Ahmad (rahimahoullâh), et ce, en raison du nombre de Hadiths rapportés à ce sujet, (Traditions qui sont) confirmées par les multiples rapports émanant des salafs. Certaines des vertus de cette nuit sont rapportées dans les « Masânîd » et les « Sounan » (différents types d’ouvrages de Hadiths) (…)
Pour ce qui est de jeûner uniquement le 15ème jour du mois de Ch’abân, cela n’a aucun fondement. Au contraire, (cette pratique) est « Makroûh » (blâmable).1
De même, faire de cette date une occasion pour y préparer des mets et des plats (particuliers), ou encore pour s’y parer, constitue une innovation religieuse (bid’ah), qui n’a aucun fondement… » (Iqtidhâous Sirâtil Moustaqîm – v. 1, p. 302)
Il écrit dans un autre des ses ouvrages: « Quand à la 15ème nuit de Cha’bân, elle possède des vertus. Et il y avait (certains), parmi les salafs, qui priaient (à cette occasion). Néanmoins, se réunir pour prier durant cette nuit dans les mosquées est une bid’ah (innovation religieuse). » (Fatâwa Al Koubra – v. 4, p. 428)
Moufti Taqi Ousmâni, qui compte parmi les contemporains qui admettent les vertus de cette nuit, souligne pour sa part qu’il n’y pas de forme d’adoration spécifique qui est réservée à cette nuit : celui qui fixe une célébration particulière pour cette occasion tombe dans la bid’ah. Selon lui donc, on peut accomplir n’importe quelle œuvre pie durant cette nuit (prière, récitation du Qour’âne, repentir…), sans pour autant déterminer une forme particulière à laquelle on s’attacherait comme s’il s’agissait d’une pratique instituée.
Wa Allâhou A’lam !
Et Dieu est Plus Savant !
1- Dans le cas où une personne jeûne uniquement le 15ème jour de Cha’bân en considérant cet acte comme étant sounnah, c’est à dire comme ayant été pratiqué par le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) (alors que ce n’est pas le cas. Voir cet article), son attitude est effectivement blâmable.
Par contre, si quelqu’un jeûne durant ce jour uniquement sans pour autant considérer sa pratique comme étant une sounnah, des savants (comme Moufti Taqui Outhmâni et bon nombre d’autres oulémas indopakistanais) sont d’avis que cela est tout à fait permis. Il y a donc débat sur ce point…
- Par Mouhammad Patel
- Le 1 novembre 2001