En guise d’introduction, je voudrai rappeler que les savants musulmans des premiers siècles de l’Islam avaient bien compris l’importance accordé au savoir dans notre religion. Il existait chez eux un esprit de recherche extraordinaire et une soif inégalée pour toute forme de connaissances: religieuses bien sûr , mais aussi profanes. C’est ce qui leur avait permis de réaliser des progrès fulgurants dans des domaines aussi diversifiés que les sciences, l’astronomie, la médecine, la géographie, l’architecture, la littérature etc…
Nous connaissons également l’ampleur des efforts d’interprétations (« Idjtihâd ») fait par les savants musulmans dans le domaine juridique. Ils ont ainsi émis des centaines de milliers d’avis juridiques et de « Masâ’il » (règles de jurisprudence), couvrant la totalité de la vie de l’homme. Tout cela prouve bien que l’Islam ne met pas la religion et l’intellect humain en conflit, mais qu’il montre plutôt la façon de concilier les deux.
Pour en venir à la question des études proprement dit, à mon humble avis, de nos jours, plus que jamais, celles-ci revêtent une importance capitale pour l’ensemble des musulmans, et ce, à cause de la complexification progressive de pratiquement tout, dans le monde qui nous entoure et au sein de notre environnement. Dans de telles conditions, vivre sa foi correctement en répondant aux multiples défis qui se posent à nous, de façon individuelle mais aussi à l’échelle communautaire, impose des compétences spécifiques et reconnues dans tous les domaines de la vie (que ce soit au niveau de la recherche scientifique ou médicale, ou dans le domaine technologique, socio-économique, commercial etc…). En effet, comment pourrait-on imaginer des projets alternatifs et les mettre en place dans l’intérêt de notre communauté si nous de disposons d’aucune sorte de compétence chez nous ? Comment allons-nous agir pour essayer d’apporter une modeste contribution pour améliorer cette société dans laquelle nous vivons, si nous ne sommes pas à même de comprendre ses « mécanismes » et ses « rouages » ? Comment pourrait-on être en mesure de trouver des réponses au travers des références islamiques concernant les problèmes « pointus » auxquels nous sommes confrontés actuellement (tels que ceux qui sont soulevés par les manipulations génétiques par exemple, ou encore les questions liés à l’économie et au commerce…) si on n’est même pas en mesure de comprendre correctement les termes utilisés ou les processus employés ?
C’est la raison pour laquelle les juristes musulmans écrivent que « Celui qui ne connaît pas les gens de son époque (c’est à dire leur mode de vie, leurs habitudes etc…, d’une façon plus générale, cette expression désigne l’environnement au sein duquel on vit) est un ignorant. » (en arabe: « Man djahila bi ahli zamânihi fahoua Djâhiloun » – Réf: « Charh Ouqoûd Rasmil Moufti » – Page 98).
Il est ainsi rapporté au sujet de l’Imâm Mouhammad Ibné Hassan Ach Chaybâni r.a. (l’illustre élève de l’Imâm Abou Hanîfa r.a.) que, durant la période où il compilait les règles juridiques, il avait l’habitude de se promener dans les marchés et de s’asseoir auprès des commerçants, afin d’observer et d’étudier les transactions qui étaient en cours chez eux. Par là, il cherchait à appréhender les différentes techniques commerciales afin de pouvoir se prononcer sur leur statut en Islam d’après les références premières. (Réf: « Islâm awr djadîd maïchat wa tidjârat » – Page 18).
Aujourd’hui donc, plus que hier, la nécessité est grande pour les musulmans d’approfondir leurs connaissances et d’acquérir les compétences voulues dans tous les domaines possibles. A titre d’exemple, on se rend compte de plus en plus de nos jours que, seuls, les oulémas n’ont plus réellement la capacité d’apporter des réponses qui respectent la lettre et l’esprit des références de l’Islam face aux multiples problèmes qui se posent. C’est pourquoi, le besoin se fait de plus en plus souvent sentir d’une collaboration entre les oulémas et d’autres spécialistes et experts, comme les économistes, les chimistes, les médecins etc…, d’où, justement, la nécessité d’avoir des musulmans compétents à ce niveau. D’ailleurs, ce genre de démarche existe déjà (et va être amené à se multiplier dans les années à venir, Incha Allah) dans le monde musulman: C’est ainsi que la session de l’Académie Islamique du Fiqh de 1997, durant laquelle les savants devaient se prononcer, entre autres, sur le clonage, fut précédée par une conférence à Casablanca, avec la présence de l’Organisation des Médecins Musulmans du Koweït.
Pris sous cet angle, les études universitaires pour les musulmans, loin de se poser en contradiction avec la foi et la pratique religieuse, doivent être comprises et considérées comme une responsabilité et un devoir. En sus, bien sûr, d’être un moyen pour se trouver un métier et contribuer à la recherche de la subsistance, il s’agit également d’avoir l’intention par là de servir l’intérêt de la communauté musulmane, mais également d’apporter sa contribution, aussi minime soit-elle, au développement de la société entière.
Par ailleurs, je voudrai aussi rappeler que l’Islam n’a jamais ordonné aux croyants de mener une vie monacale en renonçant à la vie mondaine pour se consacrer de façon exclusive à la pratique cultuelle. Loin de là ! Le Qour’aane condamne au contraire cette attitude adoptée par d’autres communautés qui nous ont précédé et celle-ci est d’ailleurs qualifiée d’innovation. Ce qui nous est enseignée, aussi bien par le Qour’aane que par la Sounnah, c’est de considérer cette vie présente comme une opportunité pour préparer la vie future, sans pour autant oublier notre part de ce monde. C’est ce qui est clairement exprimé dans le verset suivant du Qour’aane:
« Et recherche à travers ce qu’Allah t’a donné, la Demeure dernière. Et n’oublie pas ta part en cette vie. Et sois bienfaisant comme Allah a été bienfaisant envers toi. Et ne recherche pas la corruption sur terre. Car Allah n’aime point les corrupteurs ».
En guise de conclusion, je voudrai insister sur le fait que poursuivre ses études pour avoir de meilleures opportunités d’exercer une bonne profession par la suite n’est en aucun cas réprouvé en Islam (c’est plutôt le contraire qui est vrai), pour peu que l’intention qui motive nos gestes reste noble (subvenir à nos besoins de façon licite, servir l’intérêt de la « Oummah » mais aussi de la société entière…) et que l’on fasse de notre mieux pour gérer notre temps avec intelligence, en s’efforçant de concilier nos études avec des activités religieuses, et ce, afin de toujours progresser spirituellement dans notre quête de l’agrément d’Allah (azza wa djalla) et d’éviter ainsi que notre activité ne se transforme en un moyen nous éloignant d’Allah, nous empêchant de nous acquitter de nos obligations rituelles ou nous poussant vers l’oubli de Notre Créateur.
Wa Allâhou A’lam !
Et Dieu est Plus Savant !