Les batailles du chameau et de Siffîn


(A lire avant cet article: al fitnah baynas sahâba: Le début des troubles… et Ali (radhia Allâhou anhou) face à une situation délicate…)

La bataille du chameau

Lorsqu’il est informé de cela, Ali (radhia Allâhou anhou) ordonne à ses troupes de l’accompagner pour intercepter Aïcha (radhia Allâhou anhâ) et son groupe : Son intention n’est pas de se battre : Il désire la réconciliation; cependant, si son groupe est attaqué, il se défendra.[1]

Parmi les grands Compagnons (radhia Allâhou anhoum) qui sont encore en vie (ceux qui ont participé à la bataille de Badr), très peu acceptent de le suivre. Les habitants de Médine aussi, pour la majeure partie d’entre eux, ne désirent pas partir. Le fils de Ali (radhia Allâhou anhou), Hassan (radhia Allâhou anhou), mais aussi Ouqbah ibnou Âmir (radhia Allâhou anhou) et Abdoullâh ibnou salâm (radhia Allâhou anhou)  viennent à la rencontre du Calife et insistent auprès de lui pour qu’il ne quitte pas Médine et qu’il change d’intention. Mais il n’accepte pas de le faire, et, finalement, à la fin du mois de Rabî oul Âkhar de l’an 36, il se dirige vers l’Irak.

De son côté, Aïcha (radhia Allâhou anhâ), à un moment donné, pense à délaisser son action et à retourner à Médine; mais on arrive à la convaincre de ne pas le faire. [2] Finalement, elle et ceux qui l’accompagnent arrivent à Bassora, où des combats les opposent aux forces du gouverneur de la ville, Outhmân ibnou Houneïf  (radhia Allâhou anhou). Ils sortent victorieux de la confrontation et s’emparent alors des biens se trouvant dans le bayt oul mâl (Trésor Public) de la ville. Après quoi, Aïcha (radhia Allâhou anhâ) s’adresse aux habitants de Yamâma et de Koûfa pour leur demander de venir la rejoindre afin de la porter assistance. [3]

Arrivé proximité de Koûfa, Ali (radhia Allâhou anhou) apprend ce qui s’est passé à Bassorah : il demande à Abou Moussa (radhia Allâhou anhou), qui est à la tête de la région, de lui porter assistance; mais celui-ci refuse de s’impliquer et il donc choisit de rester à l’écart de ce qu’il considère être une fitnah (épreuve), au sujet de laquelle le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) a indiqué que les meilleurs étaient ceux qui s’en tenaient le plus éloigné… [4]

Ali (radhia Allâhou anhou) envoie alors Hassan (radhia Allâhou anhou) et Ammâr ibnou Yâssir (radhia Allâhou anhou) pour mobiliser les gens de la ville et leur demander de le rejoindre. La population répond en masse : plusieurs milliers personnes rejoignent les rangs de Ali . [5]

Les deux groupes se retrouvent ainsi face à face et des discussions sont entamées entre eux : leurs opinions finissent par converger et un accord pacifique est sur le point d’être conclu, étant donné que, de chaque côté, les responsables ne désirent que la réconciliation. [6]

Cependant, cette situation n’arrange pas les affaires de certains : ceux qui avaient complotés contre Outhmân (radhia Allâhou anhou) et portaient ainsi une part de responsabilité dans son assassinat se rendent compte que, si une réconciliation intervient, Ali (radhia Allâhou anhou) va rapidement essayer de retrouver les coupables de ce crime odieux pour leur faire payer leur geste. Ils se concertent alors pour trouver un moyen de faire échouer l’effort de conciliation : finalement, ils décident de lancer une attaque de nuit contre le camps de Aïcha (radhia Allâhou anhâ). Ces derniers répliquent pour se défendre; Ali (radhia Allâhou anhou) et les siens  (ignorant la manœuvre perfide des insurgés), se croyant à leur tour attaqués, se lancent dans la bataille…

Et c’est ainsi que, au cours du mois de Djoumâda Al Oukhrâ de l’Hégire 36, se déclenche la première grande lutte fratricide entre les musulmans : Ali (radhia Allâhou anhou) est à la tête de 20 000 soldats et l’armée de Aïcha (radhia Allâhou anhâ)  comprend 10 000 hommes de plus. Le combat qui s’engage est féroce et il y a un très grand nombre de victimes, près 10 000 selon certains rapports (5000 de chaque camps). [7]

Ali (radhia Allâhou anhou) exprimera beaucoup de regret et de tristesse par rapport à cette tragédie. A un moment donné, il à l’occasion de rappeler à Zoubeïr (radhia Allâhou anhou) que, de son vivant, le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) lui avait prédit qu’un jour, il lutterait injustement contre Ali (radhia Allâhou anhou). Zoubeïr (radhia Allâhou anhou), se souvenant de ces propos du Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam), réalise son erreur : il abandonne le combat et quitte le champs de bataille; mais, peu de temps après, il est tué par traîtrise alors qu’il est en train de dormir. [8]

Des rapports indiquent que Talha (radhia Allâhou anhou) veut également, à un moment donné, interrompre la lutte : Mais il est blessé par une flèche; on le ramène, suite à sa demande, à Bassorah, où il meurt. [9]

Certains parmi le groupe de Ali (radhia Allâhou anhou) réalisent alors que la présence de la mère des croyants (radhia Allâhou anhâ) sur le champs de bataille a pour effet de galvaniser les troupes adverses : ils décident alors d’essayer, par tous les moyens, de s’approcher de sa chamelle pour forcer celle-ci à s’asseoir. Plusieurs dizaines de combattants parmi les partisans de Aïcha (radhia Allâhou anhâ) sacrifient alors leur vie pour les empêcher de s’approcher. Finalement, après de violents échanges, la chamelle est touchée : sa chute a un impact considérable sur le moral des troupes de Aïcha (radhia Allâhou anhâ)… Cela va entraîner une désorganisation de leur armée suivie logiquement de la victoire de Ali (radhia Allâhou anhou). [10]

Après l’arrêt des hostilités, le Calife ordonne à ce que Aïcha (radhia Allâhou anhâ) soit traitée avec tout l’égard et le respect qui lui est dû, et l’envoie à Bassorah en compagnie de son frère, Mouhammad ibnou abi bakr (radhia Allâhou anhou). Elle y reste quelques temps, puis, au début du mois de Radjab de l’an 36, elle est renvoyée sous bonne escorte et toujours accompagnée de son frère vers Makkah, où elle accomplit le hadj avant de rentrer à Médine. [11]

La bataille de siffîn

Après le départ de Aïcha (radhia Allâhou anhâ), Ali (radhia Allâhou anhou) se dirige vers Koûfa. Il entre dans la ville le 12 Radjab de l’an 36 et il envoie alors Djarîr ibnou abdillâh (radhia Allâhou anhou) auprès de Mouâwiyah (radhia Allâhou anhou) avec un message lui annonçant, d’une part, l’union des mouhâdjirîn et des ansârs sous son autorité, et, d’autre part, le résultat de la bataille du chameau. Ali (radhia Allâhou anhou) lui demande une nouvelle fois d’accepter de lui faire allégeance.

En recevant le message, Mouâwiyah (radhia Allâhou anhou) se concerte avec les personnes les plus influentes du châm pour ce qui est de la réponse à donner : ceux-ci refusent une nouvelle de reconnaître l’autorité de Ali (radhia Allâhou anhou) tant que celui-ci ne châtie pas ou ne leur confie pas les coupables du meurtre de Outhmân (radhia Allâhou anhou). [12] Cette réaction de leur part s’explique par le fait que des témoignages –tout à fait mensongers et calomnieux- indiquant que Ali (radhia Allâhou anhou) avait contribué au meurtre du Calife Outhmân (radhia Allâhou anhou), étaient répandus par certains dans la région du châm. Les conseillers de Mouâwiyah (radhia Allâhou anhou) interprètent alors le refus du nouveau Calife de prendre des actions immédiates contre les coupables comme un signe de sa culpabilité également ou, du moins, de sa complicité avec les assassins… [13]

Apprenant la réponse de Mouâwiya  (radhia Allâhou anhou), Ali (radhia Allâhou anhou) décide de le combattre : il dirige lui-même son armée vers le châm. Mouâwiya (radhia Allâhou anhou) en fait de même : il exhorte les habitants de la région à lui prêter main forte et reçoit de leur part un puissant soutien.

Leur face à face a lieu à Siffîn, un endroit située dans la partie ouest du châm, proche de l’Euphrate. Pendant un certain temps, des escarmouches opposent les deux groupes. Ali (radhia Allâhou anhou) poursuit cependant ses efforts pour obtenir, en vain, l’allégeance de Mouâwiya (radhia Allâhou anhou). Finalement, au début du mois de dhoul hidjjah de l’an 36, les escarmouches laissent la place à de violentes batailles où prennent part l’ensemble des deux camps. [14]

Avec le début du mois de Mouharram cependant, les combats sont interrompus. De nouveau, des initiatives sont lancées afin de trouver un moyen de mettre un terme à cette lutte, mais celles-ci échouent encore. A la fin du mois de Mouharram de l’an 37, les hostilités reprennent de plus belle; après plusieurs jours de combats d’une intensité jamais vue jusqu’à présent -les victimes se comptant alors par dizaine de milliers[15], le camp de Ali (radhia Allâhou anhou) commence à avoir nettement le dessus.[16]

C’est alors que Amr Ibn oul ‘Âs (radhia Allâhou anhou) suggère à Mouâwiyah (radhia Allâhou anhou) d’inviter Ali (radhia Allâhou anhou) à accepter d’arrêter les hostilités pour essayer de résoudre la crise qui les oppose par un arbitrage basé sur le Qour’aane. L’armée du châm hisse alors des masâhif (exemplaires écrits du Qour’aane) au bout de leur lance pour exprimer leur requête. [17] Ali (radhia Allâhou anhou), réticent au départ, finit par accepter d’avoir recours à cet arbitrage humain, respectant ainsi la volonté de bon nombre de ses soldats. Après quelques discussions entre les deux parties, la décision est prise de désigner deux arbitres –un de chaque camps- qui auront la responsabilité de tenter de trouver une solution à la crise opposant Ali (radhia Allâhou anhou) et Mouâwiyah (radhia Allâhou anhou), et ce, à la lumière des références musulmanes : Amr Ibn oul ‘Âs (radhia Allâhou anhou), du côté de Mouâwiyah, et Aboû Moûssa Al ‘Ach’ariy (radhia Allâhou anhou), du côté de Ali (radhia Allâhou anhou) se réunissent ainsi à dawmatoul djandal. [18]

Le Calife retourne alors à Koûfa : un groupe de plusieurs de milliers de personnes de son armée (les khâridjites), qui refuse le recours à l’arbitrage humain qui a été décidé, se sépare de lui et se rejoignent à un endroit appelé haroûrâ. Ali (radhia Allâhou anhou) essaie en vain de leur faire entendre raison et leur faire comprendre leur erreur. [19]

L’arbitrage qui se déroule à dawmatoul djandal échoue et ne permet d’arriver à aucune solution : suite à cet échec, les khâridjites durcissent leurs positions; ils quittent alors haroûrâ pour nehrawân; ils se renforcent et commencent des actions violentes et des attaques contre ceux qui ne partagent pas leur avis, les considérant comme des apostats. Ali (radhia Allâhou anhou), qui veut repartir avec son armée pour se confronter aux forces de Mouâwiya (radhia Allâhou anhou) au châm, n’a pas d’autre choix que d’aller d’abord mettre un terme à la menace que représentent les khâridjites. Il se bat contre eux à nehrawân et les écrase complètement en l’an 38 de l’hégire. [20]

Après cette victoire, il tente de mobiliser à nouveau ses troupes pour le châm, mais certains lui conseillent de donner un peu de temps à ses soldats pour qu’ils récupèrent. Finalement, Ali (radhia Allâhou anhou) rentre à Koûfa et il ne pourra plus conduire une grande armée pour lutter contre Mouâwiya (radhia Allâhou anhou) : Quelques temps plus tard, il est assassiné par traîtrise par un khâridjite au mois de Ramadhân de l’an 40 de l’hégire. Innâ lillâhi wa innâ ilayhi râdjioûn ! [21]

Wa Allâhou A’lam !


[1] Réf:  » siyarous sahâba » – Volume 1 / – Page 271 et « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 234 et 235

[2] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Page 232

[3] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 232 – 234

[4] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Page 237

[5] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 236 et 237

[6] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Page 238

[7] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Page 245

[8] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 240 à 242

[9] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Page 248

[10] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 243 à 245

[11] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 246 et 247

[12] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 254

[13] Réf: « Minhâdj ous sounnah » – Djouz 4 / Page 406

[14] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 254 à 257

[15] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Page 275

[16] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 258 à 272

[17] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Page 273

[18] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 276 et 277

[19] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 280 et suivantes

[20] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 285 à 289

[21] Réf: « al bidâya wan nihâya » – Volume 7 / Pages 307 à 324

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