"Sounnah'', "Mandoûb'', "Nafl'', "Tatawwou''', "Moustahab''…


Définition et statut :

Pour la plupart des savants (parmi les mâlékites, les châféïtes et les hambalites) :

Les termes sounnah, mandoûb, nafl, moustahab, fadhîlah sont souvent employés comme synonymes pour qualifier l’action dont la pratique n’est pas imposée en Islam, mais qui est simplement demandée par le Législateur (« mâ talabach châri’ou fi’lahoû minal moukallaf talaban ghayra hatmin »). 1

Celui qui accomplit un tel acte obtient des récompenses et son attitude est louable, tandis que celui qui ne le fait ne mérite pas de châtiment(« yastahiqqou fâ’ilouhou ath thawâb wa youmdahou wa lâ you’âqabou târikouhou »). 2

Il arrive cependant que l’usage d’un de ces termes plutôt qu’un autre vise à exprimer une légère nuance de sens. Ainsi, on peut lire par exemple dans certaines références juridiques que:

– des mâlékites emploient le terme sounnah pour désigner la pratique qui est demandée par le Législateur avec insistance, tandis que le terme mandoûb désigne ce qui a été exhorté sans avoir fait l’objet d’insistance.

– des hambalites établissent une distinction entre sounnah mouakkadah(dont l’abandon est blâmable -makroûh) et le ghayr mouakkadah (dont le non respect n’est pas blâmable). 3

– des châféïtes emploient le terme sounnah pour qualifier l’acte que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a pratiqué de façon constante. Pour ce qui est des actions qu’il n’a pas accompli constamment, c’est plutôt le terme moustahab qui est utilisé. 4

Pour les hanafites:

  • L’acte délibéré qui a été pratiqué rarement par le Messager de Dieu (sallallâhou alayhi wa sallam) ou qui a été simplement conseillé par les références musulmanes est qualifié de mandoûb, adab, nafl et tatawwou’.5

    Exemples : Les unités de prière surérogatoire qui suivent les salât de dhouhr, maghrib et ichâ.

    Statut : Celui qui accomplit l’acte moustahab mérite des récompenses tandis que celui qui le délaisse ne commet aucun mal et n’a aucun péché.

  • L’acte qui a été pratiqué régulièrement par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et qui constitue à ce titre une attitude positive, que ce soit dans le domaine purementreligieux ou dans leshabitudes de la vie quotidienne (at tarîqat oul maslôukatou fid dîn aw ‘alâ wadjhil ‘âdah),est qualifié desounnah. 6 Les sounan (pluriel de sounnah) se divisent en deux catégories bien distinctes :

    1. « sounnat oul houdâ »(appelée également « sounnat oul mouakkadah »). Est ainsi désigné l’acte possédant une dimension cultuelle (ta’ab-boud) que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a fait :

    • de façon constante (‘alal mouwâdhabah),

    • pour se rapprocher d’Allah(taqaroubban wa ibtighâa mardhâtillâh),

    • (généralement) comme complément pour les obligations religieuses(fa’alahoû takmîlan lil wâdjibât id dîniyah) ou comme pratique symbolique de l’Islam(‘alâm oud dîn),

    • ne l’abandonnant pas lui-même sans raison valable(lam yatroukhou aslan lighaïri ‘oudhrin),

    • sans pour autant désavouer quiconque ne le pratiquant pas(lam younkir ‘alat târik). 7

    Exemples : L’appel à la prière (adhân), les deux unités de prière précédant la salât fardh(obligatoire) defadjr (matin)

    Statut : La pratique de l’acte qui est sounnah mouakkadah est nécessaire (qarîb minal wâdjib). Celui qui le fait obtient des récompenses (you’djarou fâïlouhou) tandis que celui qui prend l’habitude de l’abandonner délibérément et sans raison valable (man tarakahoû âmidan bilâ ‘oudhrin ‘alâ sabîlil isrâr) adopte une attitude déviante (youdhallalou) et commet un péché (was sahîh annahoû ya’thamou) en raison de son manque de considération pour un enseignement religieux important du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) (li an-na tarkouhâ istikhfâfoun bid dîn). Il s’expose également à des reproches et des réprimandes dans l’Au-delà (youlâmou wa youâtabou). 8

2. « sounnat ouz zâïdah »(aussi appelée « sounnah ‘âdiyah ») 9: Est ainsi désigné ce que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a fait régulièrement :

  • en tant qu’habitude de la vie quotidienne(‘alâ sabîlil ‘adah) 10,
  • et non pas en tant en tant que pratique cultuelle (lâ tasdourou minhou ‘alâ wadjhil ‘ibâdah) visant le rapprochement avec Allah (wa qasd il qourbah), ni comme complément pour les obligations religieuses(lam takoun min moukammilât id dîn) ou comme pratique symbolique de l’Islam(wa lam takoun min cha’âïr id dîn). 11
Exemples : Les attitudes, les gestes ou les moyens au sujet desquels aucune exhortation particulière n’a été énoncée de la part du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam)12 et qui constituaient son habitude en ce qui concerne notamment :

– la façon de se nourrir (comme le fait de s’asseoir par terre pour manger…),

– de se vêtir (comme le type ou la couleur du vêtement à porter…),

– de se déplacer (comme le moyen de locomotion à utiliser…),

– de procéder à la toilette intime (comme le moyen de purification à choisir (pierre…)…),

– de garder une bonne hygiène (comme les substances à utiliser pour se nettoyer le corps…),

de soigner son apparence (comme le moyen à utiliser pour ordonner ses cheveux…)

– de se traiter en cas de maladie (comme les produits à utiliser comme médicaments…),

– de se défendre et de se battre (comme les armes à utiliser…),

Statut : Le fait de pratiquer ce genre d’actes est appréciable (moustahab)… L’imitation du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) dans le moindre de ses habitudes 13 est en effet considéré comme une marque de perfection et d’excellence, étant donné qu’il constitue un témoignage de l’amour et de l’attachement porté à la personne du Messager de Dieu (sallallâhou alayhi wa sallam). Celui qui agit en ce sens obtient donc des récompenses (si son intention était, bien entendu, d’imiter le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam)…). Néanmoins, le fait de ne pas pratiquer une action de ce genre est tout à fait licite et n’entraîne donc ni blâme, ni péché (lâ yousîou târikourou).

Il est important de souligner deux points supplémentaires par rapport à ces sounan zawâïd:

– Il est interdit de mépriser ce genre de sounnah et de se moquer de ceux qui les pratiquent : En effet, dénigrer une habitude qui était celle du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) est un acte d’une gravité extrême pouvant entraîner un individu jusqu’au koufr.

– Il n’est pas permis d’adresser un quelconque reproche ou blâme à celui qui ne pratique pas une telle action, étant donné qu’il ne fait rien de mal. D’ailleurs, très peu de musulmans peuvent prétendre actuellement pratiquer l’ensemble des sounan zawâïd.

Wa Allâhou A’lam !


Notes :

1 Réf : « Al fiqh ‘alal madhâhib arba’ah » – Volume 1 / Page 66 et « Al Madkhal » – Volume 1 / Pages 152-153

2 Réf: « Ousoûl al Fiqh al islâmiy » – Volume 1 / Page 78, « al mawsoûat oul fiqhiyah » – Définition du terme« istihbâb ».

3 Réf: « Kitâb oul Fiqh ‘alal madhâhib al arba’ah » – Volume 1 / Pages 66 et 67

4 Réf : « al mawsoûat oul fiqhiyah » – Définition du terme « istihbâb ».

5 Réf : « Radd oul Mouhtâr » – Volume 1 / Pages 103 et 477

6 Réf : « Noûr oul Idhâh » – Pages 170 (avec note N°30 dans la marge) et 171 (avec notes N°2, 3 et 4 dans la marge)

7 Définition établie à partir de « Radd oul Mouhtâr » – Volume 1 / Pages 103 à 105 et 477 / « Ousoûl Al fiqh al Islâmiy » – Volume 1 / Page 78 / « Noûr oul Anwâr » – Pages 170-171 (avec note N°12 dans la marge)

8 Réf : « Radd oul Mouhtâr » – Volume 1 / Pages 103 à 105, ainsi que pages 473-474 et 653.

9 Il est à noter que certaines références hanafites (comme le « radd oul mouhtâr ») indiquent que les expressionssounan ghayr mouakkadah, sounan âdiyah et sounan zawâïd désignent un même type d’action.

10 Et en procédant toujours d’une façon bien particulière et connue, comme le souligne très justement Ach Chawkâni (rahimahoullâh) dans « Irchâd oul Fohoûl ».

11 Développement rédigé à partir des indications présentes dans « Radd oul Mouhtâr » – Volume 1 / Pages 103 à 105 et 477 et de « Noûr oul Anwâr » – Page 171

12Dans le cas où l’adoption d’une pratique de la vie courante a fait l’objet d’une injonction (comme par exemple le fait de manger en faisant usage de la main droite ou le fait de  ne pas faire le salâm par signes comme le faisaient les yahoûds et des nassâra), celle-ci ne relève pas de la sounnat ouz zâïdah, mais de lasounnat oul houdâ, qu’il est nécessaire de respecter. De même, il peut arriver que certains aspects d’une habitude de la vie courante fassent l’objet d’orientations et de prescriptions bien précises  et explicites dans nos références premières (comme par exemple la longueur de la pagne, du pantalon ou de la tunique pour l’homme –celle-ci ne doit pas dépasser les chevilles) : Là également, le respect desdites orientations et prescriptions sera nécessaire.

13 En ce qui concerne les pratiques de la vie courante qui n’étaient pas faites toujours de la même façon ou qui étaient accomplies de façon fortuites ou occasionnelles, il ressort des écrits de Ach Châwkâni (rahimahoullâh) que la majorité des oulémas est d’avis que ces attitudes ne constituent pas un modèle à suivre, mais qu’elles indiquent juste leur caractère licite. Néanmoins, Al Bâqillâni (rahimahoullâh) et Al Ghazâli (rahimahoullâh) ont rapporté de certains qu’ils étaient d’avis qu’il est appréciable (mandoûb) également de suivre le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) jusque dans ce genre d’actions… Il est d’ailleurs bien connu au sujet de Abdoullâh ibnou Oumar (radhia Allâhou anhou) qu’il s’attachait à suivre minutieusement toutes les pratiques rapportées du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) (à tel point qu’on dit à son sujet que, durant ses déplacements et voyages, il (radhia Allâhou anhou) allait jusqu’à faire une pause aux endroits où le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) s’était arrêté pour faire ses besoins.)Réf :« Irchâd oul Fouhoûl » et « Ousoûl oul Fiqh al Islâmiy » – Volume 1 / Page 478

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