S'acquitter de la Zakât oul Fitr en monnaie...


Question: Quels sont les avis des savants concernant le fait de s’acquitter la Zakât oul Fitr en monnaie ? Quels sont les arguments à ce sujet ?

Réponse: Soufyân At Thawri r.a. et Abou Hanîfah r.a. ainsi que ses élèves (dont Mouhammad Ach Chaybâni et Abou Yoûsouf r.a.) étaient d’avis qu’il est permis de s’acquitter de la Zakât oul Fitr en donnant l’équivalent en monnaie du poids d’aliments prescrit par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). Des rapports indiquent que le Calife Oumar Ibn Abdil Aziz r.a., Hassan Basri r.a. et Atâ’ r.a. étaient également de cet avis.

Face à eux, l’Imâm Ach Châféi r.a., l’Imâm Ahmad r.a., l’Imâm Mâlik r.a. et un très grand nombre d’autres savants sont d’avis que la Sadaqat-oul-Fitr ne peut être donnée qu’en nature.

Pour ce qui est de l’argumentation de l’Imâm Abou Hanîfah r.a., en fait, en matière de Sadaqat-oul-Fitr, il suit la même approche qu’en ce qui concerne l’aumône obligatoire, la Zakâte. Pour lui, dans cette aumône, c’est l’aspect d’entraide sociale qui est fondamental et qui prime; ainsi, alors que les savants châféites, mâlékites et hambalites prennent avant tout et surtout le côté rituel de la Zakâte en considération (d’où la position qui consiste à ne permettre l’acquittement de la Zakâte que de la façon indiquée par les références authentiques rapportées du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), comme c’est le cas pour les autres « Ibâdâtes » (actes d’adoration)), pour les hanafites, la Zakât est surtout un devoir financier imposé aux riches afin de satisfaire aux besoins des plus démunis: à partir de là, les hanafites sont d’avis que l’essentiel est de satisfaire au mieux les besoins du pauvre et du nécessiteux. Ils permettent donc toute méthode d’acquittement qui respectera cet objectif.

D’où la divergence qui existe au sujet de celui qui possède du bétail ou une exploitation agricole par exemple et qui doit s’acquitter de la Zakâte sur ses animaux ou ses récoltes:

  • l’Imâm Ach Châfi’ï r.a. considère que, dans ce cas, la Zakâte ne peut être acquittée qu’en nature (en donnant des animaux bien déterminés ou une partie des récoltes), suivant ainsi les indications rapportées explicitement du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) à ce sujet.

 

  • l’Imâm Abou Hanîfah r.a. pour sa part est d’avis que l’on peut s’acquitter de cette Zakâte de deux façons: soit en donnant des animaux ou une partie de la récolte, soit en distribuant l’équivalent du prix des animaux ou de la récolte en monnaie ou sous la forme d’un autre bien matériel.

Il est à noter que cette façon de procéder de l’Imâm Abou Hanîfah r.a. en ce qui concerne la Zakâte est en accord avec la pratique qui est rapportée de certains Compagnons (radhia Allâhou anhoum) (comme Mouâdh (radhia Allâhou anhou), qui avait demandé aux gens du Yémen de s’acquitter de la Zakâte de leurs récoltes en donnant des étoffes, leur expliquant que cela serait plus aisé pour eux (vu que leur activité principale était justement la confection des étoffes)…). C’est d’ailleurs pour cette raison que, sur cette question, l’Imâm Boukhâri r.a. semble avoir un avis similaire à celui de l’Imâm Abou Hanifah r.a., comme le relève l’Imâm Nawawi r.a. et Ibn Rouchd r.a.

Bref, en ce qui concerne la Sadaqat-oul-Fitr, l’Imâm Abou Hanîfah r.a. suit donc la même logique: comme c’est l’aspect d’entraide matérielle qui prime, toute méthode d’acquittement qui permettra de réponde au mieux à cela sera acceptée et considérée comme valide.

En cela, les hanafites suivent donc l’esprit de ces propos attribués au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et rapportés notamment par Dâr Qoutniy r.a.:

أغنوهم عن الطلب في هذا اليوم

« Mettez-les (c’est à dire les personnes nécessiteuses) à l’abri de la demande en ce jour. » 1

Donner de la monnaie au pauvre constitue aussi un moyen de les mettre à l’abri de la demande et de satisfaire ses besoins.

Wa Allâhou A’lam !

Et Dieu est Plus Savant !


Note :

1- L’authenticité de ce Hadith a été critiquée par des savants comme Ibn al Moulaqqui (ra). Néanmoins, un contemporain souligne que son sens est conforté par cet autre Hadith rapporté par Ibn Abbâs (radhia Allâhou ‘anhou) :

فرضها -أي زكاة الفطر- طهرة للصائم من اللغو والرفث وطعمة للمساكين

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