Question: Est-il vrai que l’Islam n’admet pas le caractère contagieux des maladies ? Si la réponse est oui, est-ce que cela implique que le musulman ne peut adopter des mesures de protections pour se mettre à l’abri des maladies déclarées contagieuses ?…
Réponse: Il faut savoir que les Hadiths et références musulmanes traitant de la question du caractère contagieux de certaines maladies infectieuses ne sont pas tous identiques:
– Ainsi, certaines de ces Traditions semblent effectivement rejeter le principe même de la contagion; c’est le cas du Hadith authentique dans lequel le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) affirme: « Lâ ‘adwâ… », que l’on pourrait traduire par « Il n’y a pas de contagion… » (Boukhâri N°5316 et Mouslim N°4116)
– Néanmoins, il existe d’autres Hadiths qui indiquent que la contagion est bien une réalité et qu’il est donc possible que certaines maladiesinfectieuses présentent des caractères particuliers leur permettant de se transmettre et de se répandre, suivant la volonté d’Allah. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) disait: « Eloignez-vous du lépreux comme on s’éloignerait du lion. » (Boukhâri N°5380) Dans un autre Hadith, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a ordonné que l’on n’emmène pas un chameau malade auprès d’autres qui ne le sont pas. (Boukhâri N°5437 et Mouslim N°2221) Enfin, dans une Tradition authentique, il est rapporté que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a dit: « Si vous apprenez qu’il y a une épidémie à un endroit, alors ne vous y rendez pas… » (Mouslim N°5726)
Les savants musulmans ont tenté de concilier entre eux ces deux types de Traditions authentiques de multiples façons, comme le détaille Ibn Hadjar r.a. dans son « Fath oul Bâriy » (Volume 10 / Pages 160 et suivantes)
Néanmoins, l’explication la plus plausible reste celle présentée par Moufti Taqui Outhmâni, et élaborée à partir des propos d’illustres savants (comme Al Bayhaqui r.a., Ibn Salâh r.a., Ibn Qoutaïbah r.a., Al Gangôhi r.a….). Voici en substance ce qu’écrit Moufti Taqui (Réf: « Takmilah Fathil Moulhim » – Volume 4 / Pages 370 à 372) :
S’il est établi scientifiquement au sujet de certaines maladies qu’elles sont contagieuses, cela ne contredit en aucune façon le Hadith dans lequel le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) dit qu’il n’y a pas de contagion. En effet, dans cette dernière Tradition, ce qui est rejeté, c’est la croyance -répandue à l’époque de la Révélation parmi les arabes païens- soutenant que la contagion est une cause d’affection totalement indépendante, ne résultant pas de la Création divine et échappant à Sa volonté et Son contrôle: Il est évident qu’une telle croyance relève du koufr (incroyance) et du chirk (association à Dieu) et ne peut qu’être dénoncée en Islam…
Quant au fait de considérer que les germes infectieux d’une maladie puissent se transmettre à d’autres et causer ainsi la propagation de celle-ci, selon la Volonté d’Allah, cela n’est en aucune façon contraire à nos références.
En d’autres mots, en Islam, la contagion est considérée comme une cause (sabab), et comme toutes les autres causes (asbâb), elle entraîne donc habituellement un (ou des) effets précis qui lui sont lié(s), mais uniquement parce qu’Allah a décidé qu’Il en soit ainsi; et, étant donné que tout reste lié au Pouvoir et à la Volonté divines, il est donc tout à fait concevable, si Allah le désire, que la cause (sabab) soit présente, mais qu’elle n’entraîne pas son effet habituel.
C’est bien pour montrer cela que:
– d’un côté, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a, lui, mangé en compagnie d’une personne atteinte de la lèpre (suivant ce que rapporte Djâbir (radhia Allâhou anhou) – voir « Fath oul Bâriy » Volume 10 / Page 160), et ce, afin de montrer sa conviction en Allah, le Seul qui détient réellement le pouvoir de donner la maladie ou de la guérir…
– mais, de l’autre côté, il a enseigné aux musulmans en général de prendre des mesures de précautions (telles que celles énoncées dans les Hadiths cités plus haut) face aux maladies contagieuses -comme la lèpre.
Adopter des mesures particulières dans le cadre de la prévention face à des maladies contagieuses est donc tout à fait permis, et n’exprime pas une quelconque remise en question de la confiance que le musulman doit placer en Allah et en ce qui a été prédestiné, exactement comme celui qui prend un médicament comme moyen (sabab) pour se soigner ne remet pas en question le Pouvoir Divin, tant qu’on reste convaincu de deux choses:
– D’abord, que les moyens n’ont pas un pouvoir d’action indépendant et échappant au contrôle d’Allah.
– Ensuite, que le Seul qui gère réellement les causes aussi bien que les effets, c’est Allah, et que rien n’est possible sans Sa Volonté.
Wa Allâhou A’lam !
Et Dieu est Plus Savant !