Le regroupement de prières en question


L’heure de chaque prière a été déterminée et nous a été communiquée par le Prophète (sallallahou alayhi wa sallam).

Ibnou Abbâs (radhia Allâhou anhou) a ainsi relaté que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a dit :

« Djibraïl (alayhis salâm) a dirigé la salât pour moi près de la Maison (Sacrée) en deux fois. La première d’entre elles, il a accompli (la salât oudh) dhouhr alors que l’ombre (de chaque chose) était de la taille d’un lacet. Puis il a prié al ‘assr lorsque (la taille de) chaque chose fut la même que celle de son ombre. Ensuite, il a fait (la salât oul) maghrib lorsque le soleil se fut couché et que, pour le jeûneur, (l’heure de) rompre le sawm fut arrivé. Il a accompli al ‘ichâ quand le chafaq eut disparu. Et il a prié al fadjr dès que l’aube eut fait son apparition et que la nourriture soit devenue interdite pour le jeûneur.

La deuxième fois, il a fait adh dhouhr quand l’ombre de chaque chose fut similaire à (la taille de) celle-ci (c’est-à-dire presqu’)à l’heure de (la salât oul) ‘assr de la veille, et il a accompli al ‘assr lorsque l’ombre de chaque chose eut atteint le double (de la taille) de celle-ci. Ensuite, il a prié al maghrib à la même heure que la première fois. Puis il a fait la dernière ‘ichâ après que le tiers de la nuit fut passé. Et il a accompli la salât du matin lorsque la terre fut bien éclairée. (Après ces deux jours,) Djibraïl (alayhis salâm) se tourna alors vers moi et dit : « Ô Mouhammad ! C’est là l’heure (des prières rituelles, comparable) à celle des Prophètes (alayhimous salâm) qui t’ont précédés. Et le moment (idéal pour les accomplir) est compris entre les deux moments (où les salât ont été faites au cours de ces deux jours). »

 (Hadith authentifié par Ibnou Abdil Barr)

Ce Hadith montre bien que l’heure de chaque prière se situe entre deux limites bien déterminées. C’est pourquoi, dans des conditions normales, il n’est pas permis d’accomplir une salât avant ou après le laps de temps qui constitue son heure fixée. Allah (azza wa djalla) dit:

« Quand vous avez accompli la salât, invoquez le nom d’Allah, debout, assis ou couchés sur vos côtés. Puis lorsque vous êtes en sécurité, accomplissez la salât (normalement), car la salât demeure pour les croyants une prescription à des temps (heures) déterminées. »

(Sourate 4 – Verset 103)

Reste maintenant la question de savoir s’il est permis de décaler une prière par rapport à son heure habituelle pour une raison valable… C’est ce que l’on va traiter dans les lignes qui suivent.


Question: Est-ce qu’il est autorisé au musulman de décaler une prière pour des raisons professionnelles ? Je prends quelques exemples parmi tant d’autres: un ouvrier dans un travail à la chaîne, quelqu’un qui participe à une réunion importante, un musulman travaillant dans un environnement non islamique avec risque de perdre son emploi suite à d’éventuels absences à son poste…

Réponse: En droit musulman, il existe une pratique, appelée communément djam’ bayn as salâtayn, qui consiste à combiner deux prières et les accomplir conjointement à l’heure de l’une d’entre elles. Exemples : accomplir les prières de dhouhr et de ‘asr l’une à la suite de l’autre à l’heure de la salât dhouhr, ou accomplir ces deux prières à l’heure de la salât de ‘asr. Dans le cas où les prières sont accomplies dans l’heure de la première des deux, on parle de djam’ taqdîm. Si elles sont accomplies dans l’heure de la seconde prière, on parle de djam’ ta’khîr. Il est important de noter que l’on ne combiner n’importe quelles prières; les seules qui peuvent l’être sont  :

  • la prière de dhohr avec la prière de ‘assr, à l’heure de la première ou de la seconde

  • la prière de maghrib avec la prière de ‘ichâ, à l’heure de la première ou de la seconde

La possibilité de pratiquer le djam’ bayn as salâtayn sous certaines conditions fait l’objet de divergences entre les savants musulmans :

  • Le djam’ bayn as salâtayn n’est en aucun cas autorisé pour les savants hanafites (à l’exception de ce qui se fait à l’occasion du hadj) . Ces oulémas se fondent principalement sur les versets du Qour’aane qui indiquent que chaque prière doit être accomplie à son heure fixée.

  • Pour les savants châféites, mâlékites et hambalites, le djam’ bayn as salâtayn est autorisé dans des circonstances exceptionnelles limitativement énumérées par chaque groupe (ex : le voyage, la pluie diluvienne…). Mais l’exercice d’une activité professionnelle ne constitue pas, en soi, une circonstance exceptionnelle d’après les châféites et les mâlékites. Seuls les savants hambalites considèrent qu’il est possible à celui qui travaille et qui ne peut vraiment pas se libérer pour accomplir chaque salât à son heure prescrite de combiner les prières de dhohr et ‘assr ou de maghrib et ‘icha. Néanmoins, le recours à cette permission n’est toléré que de façon exceptionnelle et à condition que cela ne se renouvelle pas souvent (c’est par exemple le cas d’un chirurgien qui est en salle d’opération ou d’un policier qui est de service) : aussi bien le djam’ taqdîm que le djam’ ta’khîr est toléré dans de telles circonstances.

Pour le djam’ taqdîm,

  • il est nécessaire d’avoir l’intention de combiner les deux prières au moment d’initier la première d’entre elles;

  • les deux prières ne doivent pas être espacées;

  • le facteur qui autorise la combinaison des prières doit être encore présent jusqu’à la fin de l’accomplissement de la seconde d’entre elles.

Pour le djam’ ta’khîr,

  • il faut déjà avoir l’intention de combiner les prières au cours de l’heure de la première d’entre elles (c’est à dire à l’heure de dhohr ou de maghrib;

  • le facteur qui autorise la combinaison doit être présent jusqu’au début de l’heure de la seconde prière.

Wa Allâhou ‘Alam !

 


Question: Quand on réside dans un lieu où l’heure de la prière de ‘icha est vraiment tardive (comme c’est le cas dans c’est le cas dans certains pays d’Europe en été), peut on combiner cette prière avec celle de maghrib ?

Réponse: A ma connaissance, les savants des différentes écoles de droit musulman n’ont pas énuméré l’heure tardive parmi les motifs qui permettant le regroupement des prières. Il existe cependant une Fatwa qui a été émise par « The European Council for Fatwa and Research » en 1999 et qui autorise le regroupement de la prière de ‘icha avec celle de maghrib dans les pays européens lorsque l’heure de la prière de ‘icha est très tardive.  Cependant, pour bien comprendre la portée de cette Fatwa et ses implications, je pense qu’il est nécessaire de rappeler les différents avis qui ont été émis sur la question du regroupement des prières, suivi des principaux arguments à partir desquels ces avis ont été émis:

– Selon l’avis de Al Hassan r.a., An Nakhaï r.a. et Abou Hanîfah r.a., la combinaison réelle entre deux prières, en les accomplissant à l’heure de l’une des deux, n’est permise qu’à deux occasions dans l’année (tous deux durant le Hadj). Les principaux arguments qui sont présentés pour soutenir cet avis sont les suivants:

  • Allah (azza wa djalla) dit:

« Quand vous avez accompli la Salat, invoquez le nom d’Allah, debout, assis ou couchés sur vos côtés. Puis lorsque vous êtes en sécurité, accomplissez la Salat (normalement), car la Salat demeure, pour les croyants, une prescription, à des temps déterminés. »

(Sourate 4 / Verset 103)

  • Dans un autre verset, il est dit:

« Soyez assidus aux Salats et surtout la Salat médiane; et tenez-vous debout devant Allah, avec humilité. »

(Sourate 2 / Verset 238)

Le respect de la prière à son heure fixée est clairement établie au sein de ces passages. Pour ce qui est de la permission de combiner des prières durant les occasions autres que le hadj, celle-ci est mentionnée dans un certain nombre de Ahâdîth. Mais, suivant la méthodologie spécifique d’élaboration des règles juridiques adoptée par Abou Hanîfah r.a., l’ensemble de ces textes ne peut primer face sur le principe exprimé dans le Qour’aane, d’autant plus qu’il y a possibilité de les concilier avec les passages coraniques concernés, en assimilant la combinaison de prières qui y est mentionnée non pas comme un « regroupement réel« , mais une « regroupement apparent« .

– Selon l’avis de Mâlik r.a., Ach Châféî r.a., Ahmad Ibnou Hambal r.a. ainsi que la grande majorité des savants moujtahidîns, en sus des combinaisons de prières durant le hadj, il est aussi permis de combiner de façon exceptionnelle les prières de dhouhr et de ‘assr ainsi que celles de maghrib et de ‘ichâ pour un motif valable, en respectant certaines conditions. Leur avis repose sur les nombreux Ahâdith authentiques qui mentionnent le djam’ bayn as salâtayn. Cependant, c’est dans la détermination de ce qui peut être considéré comme étant un « motif valable » qu’il y a des divergences. Pour simplifier, on pourrait dire que:

  • selon Ach Châféi r.a. et Mâlik r.a., les « motifs valables » sont la pluie diluvienne et le voyage. Au sujet du voyage, ils se basent notamment sur des Ahâdith rapportés par Tirmidhi, Abou Dâoûd, Ahmad, Bayhaqui et Mâlik r.a. Pour ce qui est de la pluie diluvienne, ils se basent sur une Tadition citée par Al Athram.

  • Ahmad Ibnou Hambal r.a., en sus du voyage et de la pluie diluvienne, considère notamment que la maladie et la métrorragie font aussi partie des « motifs valables » permettant de combiner les prières. Ibnou Qoudâmah r.a. écrit ainsi que si une personne est tellement malade qu’elle a des difficultés à accomplir chaque prière à son heure fixée, il lui est permis de combiner les prières.

Pour ce qui est de la combinaison des prières pour cause de maladie, les hambalites se basent notamment sur le Hadith de Ibnou Abbas (radhia Allâhou anhou) qui indique que « le prophète (sallâllâhou alayhi wa sallam) combinait les prières de dhouhr et de ‘assr, ainsi que les prières de maghrib et de ‘isha alors qu’il n’était pas en danger ni qu’il y avait pas de pluie. On demanda a Ibn Abbas: « Pourquoi faisait-il cela? » Il répondit : « Il voulait lever la difficulté pour sa Oummah ». Les hambalites ont émis l’hypothèse que le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) avait agi ainsi pour cause de maladie.

Il est à noter que le Hadith rapporté de Ibnou ‘Abbas (radhia Allâhou anhou) a reçu d’autres interprétations que celle retenue par les hambalites; ainsi, des oulémas comme Ibnou Hadjar r.a. et Ach Chawkâni r.a. ont opté pour l’explication suivante : il ne serait pas question dans ce Hadith d’une combinaison réelle des prières, c’est à dire un accomplissement de la première salât après son heure, mais d’une combinaison apparente; suivant cette hypothèse, ce que le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) aurait fait, c’est de retarder la première prière jusqu’à ce qu’il reste suffisamment de temps pour l’accomplir avant la fin de son heure et il l’aurait faite à ce moment. Après quoi, il aurait prié la seconde salât dès le début de son heure. C’est cette façon particulière et inhabituelle de prier qui aurait été désignée comme étant une combinaison des deux salât.

A titre d’exemple et si on admet que la prière de maghrib prend fin avec la disparition totale de la lueur rougeâtre qui apparaît à l’horizon après le coucher du soleil :  lorsque Ibnou Abbas (radhia Allâhou anhou) relate que le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) a combiné la prière de maghrib avec celle de ‘icha, cela signifie qu’il a retardé la première salat jusqu’à ce que la lueur rougeâtre soit sur le point de disparaître. A ce moment, il (sallâllâhou alayhi wa sallam) l’a accomplie. Puis, immédiatement après la disparition de celle-ci, il a accomplie la salât de ‘icha. Comme indiqué plus haut, en apparence, cette façon d’accomplir les deux prières, l’une juste après l’autre, peut légitimement être qualifiée de combinaison des prières.

Parmi les indications que les savants ont présenté pour appuyer cette interprétation, il y a justement un autre Hadith de Ibnou Abbâs (radhia Allâhou anhou) (citée dans le Sahîh Mouslim), au sein duquel le Tâbi’i qui rapporte ce Hadith, Jâbir Ibnou Zayd « Abouch Cha’çâ » r.a., confirme l’interprétation du narrateur qui lui fait la remarque suivante: « Ô Abouch Cha’çâ’, je pense qu’il (le Prophète) a retardé la prière de midi et hâté la prière de l’après-midi, et il a retardé la prière du coucher du soleil et hâté la prière de ‘isha. » (c’est à dire que la combinaison n’était qu’apparente, pas réelle…), en disant: « Je le pense également. »

Par ailleurs, selon Ahmad Ibnou Hambal r.a., si une personne a un empêchement tel que celui-ci pourrait constituer une raison permettant de le dispenser de la prière de djoum’a ou de la prière en congrégation, et qu’à cause de cet empêchement elle ne peut accomplir la prière à son heure fixée, il lui sera également permis de combiner les prières. De même, les juristes hambalites autorisent à celui qui craint pour sa vie, son honneur ou ses biens, ou à celui qui n’est pas en mesure de se purifier pour chaque prière de combiner les salât. Pour ce genre de permission, ils ont procédé par analogie à partir de l’autorisation accordée pour le voyage et la pluie.

  • selon le rapport de l’Imâm Nawawi r.a., il existe un groupe de savants (Ibnou Sîrine r.a., Achhab Al Mâliki r.a., ainsi que certains oulémas parmi les Ahl al Hadith – Gens du Hadiths) qui sont d’avis qu’en cas de besoin, il est aussi permis de combiner les prières, à condition que cela ne devienne pas une habitude. Selon eux donc, le besoin fait partie des « motifs valables » permettant le djam’ bayn as salâtayn. Ces savants se basent sur les termes employés dans le Hadith de Ibnou Abbas (radhia Allâhou anhou) cité plus haut pour justifier la combinaison des prières dans ce genre de cas: « Il voulait lever la difficulté de sa Oummah ».

Les savants qui ont élaboré la Fatwa de « The European Council for Fatwa and Research » (parmi les membres les plus connus de ce comité, on trouve Cheikh Qaradâwi et Faysal Al Mawlawi), ont une position proche de celle de ce dernier groupe de savants, notamment en ce qui concerne l’argumentation à partir du Hadith de Ibnou Abbâs r.a. On remarquera également, qu’à la fin de leur Fatwa, ils précisent clairement ceci: « Le Conseil, cependant, met en garde les musulmans contre la combinaison desdites prières sans besoin réel, et contre le fait de faire de cette permission une habitude constante. »

(Réf: « Fiqh ous Sounnah » et « Al Fiqh Oul Islamiy », entre autres…)

Je me permettrai quand même de rajouter que, personnellement, je ne partage pas l’avis émis par « The European Council for Fatwa and Research », et je crois que l’heure tardive, en soi, ne peut être considérée comme un motif valable pour combiner les prières, surtout quand on sait que l’accomplissement des prières aux heures fixées est préconisé par le texte coranique lui-même et que le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) a recommandé le fait de retarder l’accomplissement de la salât de ‘ichâ jusqu’au tiers de la nuit.

Wa Allâhou ‘Alam !

 


Question: Comment se fait la combinaison de prières ?

Réponse: Lorsqu’on combine les deux prières, on les accomplit exactement comme on le fait lorsqu’on les prie séparément, avec l’intention au début de chacune des prières, ainsi que le Tachahhoud, les salutations sur le Prophète Ibrâhim (alayhis salâm), les salutations finales… pour chacune d’entre elles. Ainsi, lorsqu’on parle de combinaison de prière, cela signifie de prier l’une immédiatement après avoir complété l’autre, en non pas de fusionner les deux prières sans s’arrêter au milieu.

Wa Allâhou A’lam !

Et Dieu est Plus Savant !

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