Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) peut-il maudire quelqu'un ?


L’Imâm Mouslim r.a. cite le Hadith suivant rapporté par Aicha (radhia Allâhou anha) dans son ouvrage de Hadiths authentiques:

« Deux hommes sont entrés chez le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). Ils lui ont parlé d’une chose que j’ignorais. Comme il l’ont courroucé, il les maudits (en arabe: « la’anahoumâ ») et leur tint des propos durs (en arabe: « sabbahoumâ ») envers eux.
Puis quand ils sortirent j’ai dit: « Ô Envoyé d’Allah ! Quelque soit le bien que l’on puisse obtenir, ces deux (personnes) ne l’ont eu. » Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) (m’interrogea et) dit « Comment cela ? » Je lui répondit: « Tu les a maudit et tu a tenu des propos durs envers eux. » Il répliqua alors :
« Ne sais-tu pas ce que j’ai stipulé avec mon Seigneur ? J’ai dit: « Ô Allah, je ne suis qu’un être humain, tout musulman que j’ai maudit ou avec qui j’ai été sévère, transforme (ces propos) en aumône ou récompense (en sa faveur). »

Ce Hadith fait l’objet d’objections de la part de certains chiites…
Selon eux, ce texte ne peut être un Hadith authentique, et ce, pour deux raisons:

D’abord, parce que le verbe « sabba » qui y est employé au sujet du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) signifie « injurier », « insulter ». Et il n’est pas concevable que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) ait pu tenir des propos de cette nature…

Ensuite, ils affirment que le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) n’aurait jamais maudit personne, pas même ses ennemis et que ce Hadith rabaissait donc la personne du Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam).

Qu’en est-il réellement de ces objections ? Sont-elles fondées ? Suffisent-elles pour remettre en question l’authenticité de ce Hadith ? C’est ce que l’on va essayer de voir dans les lignes suivantes, Incha Allah…

Déjà, par rapport au verbe arabe « sabba » mentionné dans le Hadith, il faut savoir qu’il ne signifie pas seulement « injurier » ou « insulter ». En effet, ce terme a également pour sens « gronder » ou« tenir des propos durs (sans pour autant être injurieux) ». Allâmah Wahîdou Zaman r.a. affirme, dans son ouvrage intitulé « Loughat oul Hadith » (Volume 2 / Page 14), que c’est justement dans ce sens que le terme est employé au sujet du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) dans le Hadith en question. D’où la traduction du passage en français que j’ai mentionnée plus haut:

« (Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) les maudit alors et) leur tint des propos durs (autre traduction possible: il les gronda). »

C’est d’ailleurs avec ce même sens qu’il est employé dans une autre Tradition qui relate un conflit qui eut lieu entre Abbas (radhia Allâhou anhou) et Ali (radhia Allâhou anhou). Ce Hadith contient l’expression arabe suivante: « Istabba Ali wa Abbâs« . Encore une fois, selon Allâmah Wahîdou Zamân r.a., la traduction exacte est :

« Ali (radhia Allâhou anhou) et Abbâs (radhia Allâhou anhou) échangèrent des propos durs. »

Il explique en effet, qu’il n’est pas possible de penser que ces deux illustres Compagons (radhia Allâhou anhoum), qui étaient également de très proches parents (et des membres de la famille du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) très respectés par les chiites, Ali (radhia Allâhou anhou) étant même un Imâm infaillible selon eux…), aient pu prononcer des grossièretés et des insultes de ce genre.

Pour ce qui est maintenant de la seconde objection soulevée, avant même d’y apporter des éléments de réponse, il convient de mieux comprendre ce Hadith. Pour cela, je voudrai rappeler quelques points:

  • Cette Tradition relate que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a tenu des propos durs et a maudit deux personnes qui lui ont parlé d’une chose. La narratrice du Hadith, elle même, affirme qu’elle ne sait pas de quoi il s’agissait.
  • Aïcha (radhia Allâhou anha) rapporte dans un autre Hadith que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) n’a jamais frappé personne de ses mains, ni une femme ni un esclave, sauf lorsqu’il combattait pour la cause de Dieu. Jamais il ne se vengea de quelqu’un qui lui avait nui, sauf lorsque les interdits (institués) par Dieu avaient été bafoués. Alors, il se vengeait pour Allah. (Mouslim)
  • Il est établi que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) avait, à certaines occasions, maudit ses ennemis: Ainsi, il est rapporté qu’il avait maudit dans le Qounoût Nâzilah de la prière, durant un certain temps, des gens qui avaient assassiné par traîtrise des Compagnons (radhia Allâhou anhoum).
  • Dans un Hadith par Abou Houraïra (radhia Allâhou anhou), il est dit en ce sens: « J’ai entendu le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) dire: « Ô Allah ! En vérité ,Mouhammad est un être humain. Il s’emporte et se met en colère comme un être humain le fait. Et j’ai pris un engagement avec Toi, un engagement que Tu vas tenir: Quiconque parmi les musulmans à qui je cause du tort, envers qui je prononce des propos durs, ou celui que je frappe, fais en sorte que ce soit là une compensation pour lui et un moyen qui le rapprochera de Toi le Jour Final. » (Mouslim)

A partir de ces éléments, on peut déjà déduire deux choses:

  1. Le fait de maudire quelqu’un qui le mérite ne constitue aucunement une faute et encore moins un péché. Ainsi, Aïcha (radhia Allâhou anha) confirme que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) réagissait violemment lorsque les lois d’Allah étaient transgressées. Nous avons également vu plus haut, que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) avait maudit les gens qui avaient assassiné ses Compagnons (radhia Allâhou anhoum).
  2. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) rappelle lui-même dans les Hadiths qu’il est un être humain et peut donc, à ce titre, être sujet aux faiblesses humaines (comme la colère…). Cela ne remet nullement en question la perfection de caractère et l’infaillibilité des Prophètes (alayhimous salâm). Le Qour’aane nous relate que le Prophète Moussa (alayhis salâm) s’enfuit lorsqu’il vit son bâton se transformer en serpent. Peut-on dire que le Prophète Moussa (alayhis salâm) a commis une faute en s’enfuyant car il ne devrait en réalité craindre personne d’autre qu’Allah ? Certainement pas… Car il s’agissait là encore d’une réaction naturelle de sa part, en tant qu’être humain.

Revenons-en maintenant au Hadith proprement dit: Tout porte à croire que les personnes qui vinrent rencontrer le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) ont évoqué en sa présence des choses condamnables qui ne portaient pas sur sa propre personne, mais qui étaient plutôt en rapport avec les droits d’Allah ou ceux d’autrui (on trouve dans le Sahîh Boukhâri un exemple de ceci, dans un récit qui relate un incident qui s’était produit durant la campagne de « Tabouk », et où on apprend que le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) avait tenu des propos très durs (« sabbahoumâ », en arabe) à l’égard de deux personnes qui l’avaient désobéi et avaient, par leur geste, failli causer du tort à l’ensemble des gens qui participaient à l’expédition…)

C’est ce qui le mit dans une colère telle qu’il tint à leur égard des propos durs, les maudit et les expulsa de chez lui. Ce Hadith ne porte donc nullement atteinte au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et ne le rabaisse certainement pas, puisque celui-ci n’a fait rien qui soit blâmable dans cette situation précise. Bien au contraire, si on lit à nouveau le Hadith et on y réfléchit un peu, on comprend qu’il constitue en fait une preuve et une manifestation évidente du sens de la justice et du sentiment de bonté qui habitaient le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). En effet, on y apprend que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a demandé à Allah que, si jamais il lui arrivait, sous le coup de la colère (au sens de la réaction naturelle), de prononcer des propos durs et des malédictions à l’égard d’une personne à cause de certains de ses actes, dans ce cas, ses propos devaient être transformés en bénédictions en faveur de la personne concernée. Le Hadith cité honore donc bien le Dernier Messager d’Allah (sallallâhou alayhi wa sallam).

Notons pour conclure que ce genre d’objections de la part de certains chiites est vraiment étonnante… quand on sait qu’il existe dans certains de leurs ouvrages de référence des passages qui exhortent clairement (en mentionnant par exemple toutes les « récompenses » que l’on peut obtenir en le faisant…) à l’insulte et à la malédiction des Compagnons (radhia Allâhou anhoum) du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) tels que Abou Bakr (radhia Allâhou anhou), Oumar (radhia Allâhou anhou) et Ousmân (radhia Allâhou anhou)

Moussa Djâroullah évoque d’ailleurs dans un de ses ouvrages que cette pratique de la malédiction à l’encontre des plus illustres Compagnons (radhia Allâhou anhoum) comme Abou Bakr (radhia Allâhou anhou), Oumar (radhia Allâhou anhou) et Ousmân (radhia Allâhou anhou), ainsi que des épouses bénies du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) (radhia Allâhou anhounna) telles que Aïcha (radhia Allâhou anha) et Hafsa (radhia Allâhou anha) est encore très courante dans les pays à majorité chiite de nos jours… (Réf: « Al Wachïah Fî Naqd Aqâïdich Chia’ah » – Page 27)

Qu’Allah nous garde tous sur la Voie de la Rectitude.

Âmine

Wa Allâhou A’lam !

Et Dieu est Plus Savant !

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