Questions : J’adhère au fiqh hanafite et j’aurai trois questions importantes à vous poser :
- Qu’appelle-t-on exactement le « maradh oul mawt » ?
- Une personne atteinte de cancer est-elle systématiquement considérée en état de « maradh oul mawt » ?
- Une personne qui est en dans son « maradh oul mawt » vend un de ses biens à l’un de ses héritiers. Cette vente est-elle valide ?
Réponse : Selon l’opinion qui fait autorité dans le madh-hab hanafite, une personne est considérée comme étant dans le « maradh oul mawt » (« maladie fatale ») lorsque :
- elle est affectée par une maladie qui entraîne généralement la mort (selon l’avis des spécialistes du corps médical),
- que son état est tel qu’elle n’est plus en mesure de s’acquitter de ses besoins personnels (comme par exemple se rendre sur son lieu de travail (s’il s’agit d’un homme) ou faire les tâches ménagères (s’il s’agit d’une femme)) comme elle le faisait auparavant (lorsqu’elle était en bonne santé) et
- qu’elle finisse par succomber de cette maladie.
Pour être considéré comme étant parvenu au stade de « maradh oul mawt », il n’est pas nécessaire que le malade soit constamment cloué au lit.
(Réf : « Al Hidâyah », « Kanz oud Daqâïq », « Al loubâb » – Volume 2 / Page 27, « Radd oul Mouhtâr » – Volume 7 / Page 241, « Fatâwa Hindiya » – Volume 6 / Page 240 et « Imdâd oul Fatâwa » – Volume 2 / Page 421)
Dans le cas d’une affection dont le développement peut s’étendre sur plusieurs années (comme le cancer ou le sida, par exemple), celle-ci est considérée comme étant « maradh oul mawt » lorsqu’elle ne cesse de s’aggraver (jusqu’à entraîner finalement la mort). Si l’évolution de la maladie s’arrête pendant un long laps de temps (une année au moins), elle n’est plus considérée comme « maradh oul mawt » (du moins jusqu’à ce qu’elle se remette à empirer…). (Réf : « Islâm awr djadîd maydical masâïl » – Page 54)
Il est important de savoir que, dans le droit musulman, le malade qui se trouve en état de « maradh oul mawt » a un statut particulier : son pouvoir décisionnel est restreint dans un certain nombre de domaines (notamment au niveau de la gestion de ses biens), et ce, étant donné qu’à ce stade ultime de sa vie, des droits s’établissent en faveur de ses futurs héritiers sur ce qu’il possède. Ainsi :
– s’il fait par exemple un don (« hibah ») à une personne qui ne compte pas parmi ses proches et que celui-ci prend possession de l’objet concerné, le don n’est valide qu’à hauteur du tiers de ses biens (sauf si tous héritiers s’accordent pour en valider d’avantage).
– s’il reconnaît une dette en faveur de l’un de ses héritiers, celle-ci ne sera acceptée que si tous les autres héritiers sont d’accords.
– s’il divorce de façon définitive (talâq bâïn) de sa femme et qu’il meurt ensuite alors que celle-ci est toujours dans sa ‘iddah (période d’attente post-divorce), elle héritera de lui.
Pour ce qui est de votre dernière question, lorsqu’une personne vend quelque chose de bien défini lui appartenant durant le « maradh oul mawt » à l’un de ses héritiers et qu’elle recouvre ensuite la santé (c’est-à-dire qu’elle quitte le stade de « mardh oul mawt »), sa transaction sera considérée comme étant valide. Par contre, si elle ne recouvre plus la santé après la vente et finit par succomber de cette même maladie, la transaction effectuée dépendra de l’autorisation des autres héritiers : si ceux-ci sont d’accord pour valider la vente, elle le sera effectivement. Et dans le cas où ils ne l’autorisent pas, la vente sera annulée. (Réf : « Fatâwa Hindiyah » – Volume 4 / Page 461)
Wa Allâhou A’lam !
Rappel : Les règlements énoncés dans cet article sont conformes à l’interprétation juridique de l’école hanafite.