عَنْ أَبِي مَالِكٍ الْأَشْعَرِيِّ قَالَ قَالَ رَسُولُ اللَّهِ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ الطُّهُورُ شَطْرُ الْإِيمَانِ وَالْحَمْدُ لِلَّهِ تَمْلَأُ الْمِيزَانَ وَسُبْحَانَ اللَّهِ وَالْحَمْدُ لِلَّهِ تَمْلَآَنِ أَوْ تَمْلَأُ مَا بَيْنَ السَّمَاوَاتِ وَالْأَرْضِ وَالصَّلَاةُ نُورٌ وَالصَّدَقَةُ بُرْهَانٌ وَالصَّبْرُ ضِيَاءٌ وَالْقُرْآنُ حُجَّةٌ لَكَ أَوْ عَلَيْكَ كُلُّ النَّاسِ يَغْدُو فَبَايِعٌ نَفْسَهُ فَمُعْتِقُهَا أَوْ مُوبِقُهَا – صحيح مسلم
Traduction explicative
Abou Mâlik al Ach’ariy (radhia Allâhou anhou) rapporte que le Messager de Dieu (sallallâhou alayhi wa sallam) a dit :
« La purification est la moitié (ou une partie importante) de la foi (al îmân). Et Alhamdoulillâh (les louanges et remerciements adressés à Dieu) remplit la balance (des bonnes œuvres), et Alhamdoulillâh et Soubhânallâh (l’expression de le pureté divine) remplit ou (il a dit) remplissent (l’espace compris) entre les cieux et la terre. La prière est une clarté et l’aumône, un argument. La patience est une lumière et le Qour’aane est un argument en ta faveur ou contre toi. Tout le monde débute (sa journée), le matin, en faisant un commerce de sa personne : Soit il l’affranchit, soit il l’expose à la perdition. » (Sahîh Mouslim)
Commentaires
Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a énoncé ces propos dans le cadre d’un sermon qu’il (sallallâhou alayhi wa sallam) avait adressé à des Compagnons (radhia Allâhou anhoum). Seule la première phrase de ce Hadith est en rapport avec la purification rituelle…
En arabe, le terme chatr, employé dans ce Hadith, signifie littéralement « moitié ». Sheikh Mandhoûr Nou’mâni (rahimahoullâh) est d’avis que ce mot n’est pas à prendre au sens littéral : selon lui, cette formulation vise juste à montrer que la purification est une partie importante de la foi musulmane [1], en ce sens qu’elle est une condition fondamentale pour la validité d’actes rituels de premier ordre tels que la salât ou le tawâf…
D’autres oulémas ont avancé diverses hypothèses pour tenter d’expliquer en quoi le fait de se purifier peut être qualifié de « moitié du îmân », dont les deux suivantes :
– L’ensemble des pratiques religieuses musulmanes peuvent être divisées en deux catégories : certaines d’entre elles (comme la pratique de la salât, l’acquittement de la zakâte, la récitation du Qour’aane, le dhikr…) ont avant tout pour effet de purifier le cœur et l’esprit du croyant des maladies spirituelles, des effets néfastes des péchés et autres choses de ce genre. D’autres (comme le woudhoû, le ghoussl, le tayam-moum, les pratiques hygiéniques telles l’enlèvement des poils des aisselles et du pubis etc…) visent surtout à purifier et à nettoyer le corps physique. C’est en ce sens qu’il est possible de dire que la purification constitue la moitié du îmân.
– L’acceptation sincère de la foi musulmane a pour conséquence d’effacer les péchés majeurs (kabâïr) qui ont été commis auparavant. La réalisation correcte des ablutions (qui est un rituel de purification) entraîne, elle, le pardon des péchés mineurs (saghâïr). C’est peut être à ce rapport entre l’effet positif de ces deux actions que cette formulation fait allusion.
Après avoir mis en valeur l’importance de la pureté, le Messager d’Allah (sallallâhou alayhi wa sallam) souligne les vertus et le mérite du tasbîh et du tahmîd :
– Le tasbîh consiste à témoigner verbalement la certitude que Dieu est Pur de tout ce qui ne convient pas à Sa divinité.
– Le tahmîd consiste pour sa part à exprimer verbalement toujours la conviction qu’Allah possède l’ensemble des attributs de perfection et qu’Il est donc le Seul à qui reviennent légitimement toutes les louanges.
Le tasbîh et le tahmîd constituent l’occupation particulière et constante des anges, comme l’indique explicitement un passage coranique.
Cette activité ne peut donc que compter parmi celles qui sont les plus nobles, les plus méritoires et les plus valorisantes pour le croyant. C’est justement vers celle-ci que le Messager d’Allah (sallallâhou alayhi wa sallam) exhorte ici : il (sallallâhou alayhi wa sallam) affirme en substance que le seul fait de dire(ou de méditer profondément sur le sens d’)« Al hamdoulillâh » est un acte tellement méritoire qu’il suffit à remplir la balance des œuvres pies. Cela peut être compris de deux façons différentes :
– Dans l’Au-delà, lorsque les actions et les propos seront matérialisés (un Hadith authentique du Sahîh Mouslim mentionne par exemple que les Sourates Al Baqarah et Âl Imrân se présenteront ce Jour sous la forme de deux rangées d’oiseaux et devanceront le Qour’aane…), la forme du tahmîd sera si énorme qu’elle pourra combler le plateau des bonnes actions d’al mîzân (Balance du Jugement Dernier)…
– La récompense obtenue par le tahmîd sera tellement importante qu’elle occupera pleinement la balance des œuvres pies… Et, la phrase suivante indique que si le tahmîd est accompagné par le tasbîh, la récompense obtenue est alors telle que, matérialisée, elle pourrait emplir l’espace compris entre les cieux et la terre.
Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) poursuit en affirmant que la salât est une clarté : celui qui pratique régulièrement ses prières dans ce monde voit se développer dans son cœur un noûr (une lueur spirituelle que ne peuvent ressentir que ceux qui prient de la façon voulue) qui a pour effet de le protéger contre les (ténèbres des) turpitudes et du blâmable (Voir Sourate 29 / Verset 45) et de le guider vers les œuvres pies. Et dans le franchissement des étapes de l’Au-delà (qui commence dès la tombe…), c’est l’éclairage résultant de l’accomplissement de la prière (et des autres bonnes actions de ce genre) qui accompagnera le croyant et lui permettra de trouver la voie du salut.
Après avoir évoqué les vertus de la prière, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) indique que l’aumône est une preuve : dans ce monde, elle atteste en effet que celui qui la pratique pour faire plaisir à Allah est forcément un véritable croyant et un bon musulman. En effet, celui qui ne croit pas réellement en Allah ne peut aisément se détacher d’une partie de ses biens –ces derniers comptent parmi les choses les plus chères à l’être humain dans ce monde; ce n’est pas sans raison que l’un des premiers troubles qui apparut après le départ du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) de ce monde fut celui du refus, par certaines tribus, de continuer à s’acquitter de la zakâte comme elles le faisaient auparavant… Et dans l’Au-delà, les aumônes offertes ici-bas constitueront des arguments que le croyant pourra présenter en sa faveur lorsqu’il aura à répondre à l’une des grandes questions du Jugement Dernier, en l’occurrence celle portant sur l’usage qu’il aura fait de ses biens dans ce monde.
Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) met ensuite en valeur le mérite du sabr (patience) et soulignant que celui-ci constitue une lumière : certains commentateurs sont d’avis que ce terme désigne ici le jeûne du Ramadhân, durant lequel le musulman se doit effectivement de faire preuve de maîtrise de soi et de patience (sens littéral du mot sabr). Cependant, d’autres savants soutiennent que ce terme a été employé ici dans son sens habituel. Dans le Qour’aane et les Ahâdîth, as sabr désigne trois attitudes différentes :
1. La maîtrise de son ego en s’abstenant de faire ce qui a été condamné, et ce, par soumission envers Allah (as sabr ‘anil ma’siyah).
2. Le fait de supporter toute sorte de contrariété et de contrainte liée à la pratique de l’ensemble de ce qui est requis ou ordonné en Islam (de la salât au djihâd, en passant par l’aumône, le jeûne, le pèlerinage…)(as sabr ‘alat tâ’ah).
3. La patience face aux épreuves et difficultés de la vie (as sabr ‘alan nawâïb).
C’est l’ensemble de ces trois attitudes qui serait loué ici et qui serait comparé à lumière puissante. Il est à noter que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a comparé aussi bien le sabr que la salât à des éléments lumineux; néanmoins, le terme arabe dhiyâ, employé pour qualifier le premier,désigne une lueur dont la brillance est bien plus intense et importante que celle du noûr (mot utilisé pour décrire la prière)… Cela pourrait s’expliquer par le fait que le besoin de patience et de constance se manifeste -à tout moment- dans l’ensemble des domaines de la vie du croyant, tandis que la salât est une pratique avant tout rituelle, qui s’accomplit dans des circonstances bien déterminées. [2]
Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) rappelle après cela que le Qour’aane, qui est un message de guidée de la part d’Allah, peut se transformer :
– soit en un argument en faveur du croyant, et ce, si celui-ci ne s’est pas seulement contenté de le réciter mais a également pris en considération ses enseignements et les a appliqués,
– soit en un témoin contre lui, si celui s’est écarté de son contenu et ne l’a pas respecté comme il se doit.
En guise de conclusion, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) rappelle une réalité indiscutable de cette vie : pour le croyant, l’existence présente constitue une sorte de commerce permanent… Le temps accordé à chacun étant irréversible, chaque seconde vécue ne subsiste qu’à travers ce pour quoi il aura été employé. Celui qui passe sa journée dans l’obéissance de Dieu et à la recherche de Son agrément en sort enrichi(étant donné qu’il a su faire fructifier utiliser son « capital » pour acquérir les moyens de son salut), tandis que celui qui se laisse dominer par l’assouvissement de ses vils instincts et de ses désirs personnels cède son âme et sa personne en échange de sa propre perte.
Wa Allâhou A’lam !
(Adapté à partir des écrits de Sheikh Mandhoûr Nou’mâni (ra) dans son « Ma’ârif oul Hadîth »)
[1] Cette interprétation a également été retenue par Al Mounâwi (rahimahoullâh) dans son « Faydh oul Qadîr » – Volume 1 / Page 619. Châh Walioullâh (rahimahoullâh) écrit en substance que l’ensemble des actes qui visent à éloigner de l’être humain toute forme de souillure et d’impureté (réelle ou rituelle) entraîne chez le croyant une sérénité et un bien être particulier et facilite le développement de ses aptitudes spirituelles… Réf : « Houdjat oullâhil Bâlighah », d’après une citation de Cheikh An Nou’mâni (rahimahoullâh).
[2] Réf : « Mirqât oul Mafâtîh » – Volume 2 / Page 205