Les savants musulmans sont unanimes pour considérer que la Niyyah (intention)est une condition de validité pour les actes purement cultuels qui constituent une finalité en soi – ibâdah maqsoûdah aw ibâdah moustaqillah: Ainsi, la Salâh, la Zakâh, le Jeûne, le Hadj… ne sont pas valables sans intention.
Les savants s’accordent également pour considérer que l’intention n’est pas nécessaire pour la validité et le mérite des paroles et les actes de piété comme la récitation du Qour’aane, le Dhikr (rappel de Dieu), l’Adhân(appel à la prière rituelle obligatoire), la Sadaqah (aumône), le Waqf (le legs pieux), la recherche de la science… Voilà pourquoi l’Imâm Ghazâli r.a. écrit que, même s’il est fait avec insouciance, sans aucune intention, le Dhikrest un acte qui apporte malgré tout mérite et récompense, à condition que l’acte ou la parole ne soit pas motivé par une mauvaise intention. Il en est de même pour la récitation du Qour’aane etc…
Le point sur lequel les avis des savants divergent est le suivant: La Niyyah est-elle indispensable pour la validité des actes rituels qui ne constituent pas une finalité en soi et qui ne sont que des moyens –ibâdah ghayr maqsoûdah, wasâïl- ou des conditions permettant la réalisation d’une ibâdah maqsoûdah, comme c’est le cas pour le Woudhoû (ablutions) par exemple. La plupart des savants (dont les châféïtes, mâlékites et hambalites) soutiennent que c’est le cas; les oulémas hanafites sont pour leur part d’avis que pour ce type d’action, la Niyyah n’est pas une condition de validité.
Il est à noter que le fruit de cette divergence d’opinions n’apparaît que dans un nombre de cas très limités: En effet, étant donné que les actions délibérés sont forcément précédés d’une intention, une absence deNiyyah n’est concevable que:
– lorsqu’on accomplit une action involontairement -on se retrouve par exemple complètement trempé suite à une averse ou après avoir plongé dans une piscine et, à aucun moment, on n’a pas eu l’intention de faire les ablutions en se mouillant les parties du corps,
– lorsqu’on accomplit une action sans avoir à l’esprit un objectif important lié à sa réalisation –c’est le cas par exemple quand on prend un bain pour se rafraîchir en oubliant que l’on se trouve en état d’impureté majeure
– lorsqu’on accomplit une action dans un but bien précis autre que celui qui le motive généralement –on fait le Woudhoû par exemple non pas dans l’intention de se purifier, mais pour enseigner à quelqu’un comment le faire
Dans tous ces cas de figure, selon les hanafites, l’action est considérée comme étant pleinement valide et la personne qui l’accomplit est considérée comme étant rituellement pure et ayant les ablutions ou le bain. Les autres savants pensent pour leur part qu’une telle personne n’a pas ses ablutions ni son Ghousl (bain rituel), étant donné qu’elle n’a eu l’intention de les faire à aucun moment.
Le célèbre Hadith qui dit en substance « Les actes ne valent que par les intentions » est souvent présenté comme argument par la majorité des savants qui soutiennent le second avis. A cet argumentaire, les hanafites répondent généralement en affirmant qu’un acte comme le Woudhou ou le Ghousl renferme une double dimension: Celle de l’acte rituel, et celle de la purification. Si pour la réalisation de la première dimension, l’intention est indispensable comme l’énonce le Hadith cité, pour la seconde, celle-ci ne l’est pas: La preuve en est que si jamais un vêtement impur est lavé correctement en plusieurs fois (trois au minimum) avec de l’eau, et qu’à aucun moment l’intention de le purifier n’a été présente, le vêtement ressortira malgré tout tâhir -pur. C’est exactement ce même raisonnement et cette même distinction qui est établie par les hanafites pour les ablutions et le Ghousl… Dans les cas mentionnés, étant donné que les membres ont été lavés, la personne sera malgré tout purifiée, mais n’aura pas le mérite lié à l’accomplissement du Woudhoû en tant qu’acte rituel: En d’autres mots, le Hadith cité nous apprend que si le Woudhoû a été fait sans intention, il ne sera pas une ibâdah; mais sera-t-elle quand même purificatrice ou non ? Cela, le Hadith n’est parle pas… Voilà pourquoi cette Tradition ne peut être présenté comme argumentaire contre l’avis des hanafites.
Wa Allâhou A’lam !
Et Dieu est Plus Savant !