Traduction explicative :
Aboû Ayyoûb (radhia Allâhou anhou) rapporte qu’une fois, alors que le Messager d’Allah (sallallâhou alayhi wa sallam) était en voyage, un bédouin se présenta à lui et saisit la lanière -dans l’énoncé en arabe du Hadith, le narrateur précise qu’il a un doute concernant le terme exact qui a été employé pour désigner cette lanière : il s’agit soit du mot « khitâm », soit celui de « zimâm« – de sa chamelle. Puis il dit : « Ô Messager de Dieu (sallallâhou alayhi wa sallam) ! -ou (il dit) « Ô Mouhammad ! »– Indique-moi ce qui va me rapprocher du Jardin (du Paradis) et m’éloigner du Feu (de l’Enfer). » Il (le narrateur) dit : (En entendant cette question,)le Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam) s’arrêta. Puis il (sallallâhou alayhi wa sallam) regarda vers ses compagnons et remarqua : « Il a été béni par le tawfîq (une opportunité de la part de Dieu) -ici encore, le narrateur a un doute concernant les termes exacts du Hadith; c’est l’une de ces deux expressions qui a été employée : « laqad wouffiqa » (dont la traduction est celle donnée précédemment) ou « laqad houdiya » (qui signifie « il a été bien guidé »). Il (sallallâhou alayhi wa sallam) dit : « Comment as-tu posé la question ? » Il répéta alors (son interrogation). Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) répondit : « (Pour se rapprocher du Paradis et s’éloigner de l’enfer, il faut que) tu adores Allah et tu ne lui associes rien, tu accomplisses correctement la salât, tu t’acquittes de la zakâte et tu entretiennes les liens de parenté… (et maintenant) laisse la (lanière de la) chamelle. » (Mouslim)
Commentaires :
Le fait que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhis salâm) n’ait présenté ici que quatre devoirs comme moyens de se rapprocher du Paradis et de s’éloigner de l’Enfer (ainsi, des devoirs religieux aussi essentiels que le jeûne du Ramadhân ou le hadj n’ont même pas été cités) ne signifie en aucune façon que les autres obligations du croyant –présentées ailleurs dans le Qour’aane et la Sounnah- ne sont pas importantes.
En fait, pour bien saisir le sens et la portée réelle de ce genre d’énoncés prophétiques, il est essentiel de garder à l’esprit une réalité essentielle : Le Messager de Dieu (sallallâhou alayhi wa sallam) s’est toujours attaché à enseigner et à former avec douceur et compassion sa communauté… Et contrairement aux auteurs et autres écrivains –qui cherchent à être le plus complet et exhaustif possible sur le thème qu’ils abordent, l’éducateur et le formateur, lui, s’attache à exprimer le plus clairement possible les orientations et les éclaircissements requis en fonction des circonstances et des interlocuteurs. Ainsi, si des actes rituels comme le jeûne ou le hadj n’ont pas été mentionnés ici, il est probable que la personne à qui le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) s’adressait n’avait pas besoin d’une exhortation particulière par rapport à ces deux devoirs.
Mais les quatre obligations citées, elles, nécessitent effectivement bien plus d’attention : L’insouciance et la négligence au niveau du bon accomplissement de la salât, de l’acquittement de la zakât et du respect des liens de parenté, sont, depuis toujours, des attitudes très répandues au sein de la communauté musulmanes. Et le risque de sombrer dans le chirk (asghar surtout, c’est-à-dire l’ostentation) n’a, lui aussi, jamais cessé d’être présent. Ainsi, aujourd’hui encore, on constate qu’il est très difficile de trouver un musulman qui, d’un côté, pratique bien la salât et la zakât tout en respectant scrupuleusement les droits d’autrui, mais qui, d’un autre côté, néglige l’accomplissement du hadj et du jeûne (si ces derniers lui sont imposés)… Par contre, on peut aisément trouver des personnes qui, le mois de Ramadhân venu, jeûnent quotidiennement, mais qui, dans le même temps, ne pratiquement pas la salât régulièrement.
De même, combien sont nombreux ceux qui, même après avoir accompli le hadj, sont encore coupables de graves manquements dans l’acquittement de la zakât et dans le respect des droits d’autrui (plus particulièrement au niveau du bon comportement envers les proches).
Bref, il est fort possible que ce soit pour cette raison que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) ait, dans ce présent Hadith, mis particulièrement l’emphase sur ces quatre obligations seulement.
Dans une autre version de ce même Hadith (citée dans le Sahîh Mouslim), il est indiqué que, lorsque le bédouin repartit, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) affirma : « Si jamais il s’accroche fortement à ces prescriptions, il entrera certainement au Paradis. »
Il est à noter que le récit relaté dans cette Tradition constitue un témoignage exceptionnel de l’extraordinaire douceur et patience du Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam). En effet, alors qu’il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) est en voyage et qu’il est interpellé de façon subite et brutale par un bédouin, il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) ne se met aucunement en colère; au contraire, le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) encourage celui qui l’interroge dans sa quête de science religieuse, et ce, en mettant en valeur face aux Compagnons (radhia Allâhou anhoum) qui l’entourent la pertinence de la question posée. Et ce n’est qu’après avoir répondu à son interrogation que le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) lui demande de lâcher sa chamelle.
Toute personne qui, d’une façon ou d’une autre, est impliquée dans la propagation du dîn doit s’inspirer de cette attitude du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam)… Ainsi, s’il lui arrive d’être questionné de façon pas très courtoise par quelqu’un qui n’est pas accoutumé au respect des âdâb et règles de bienséance, non seulement il doit faire l’effort de se maîtriser et de ne pas s’emporter, mais, en sus de cela, il doit également essayer, dans la mesure du possible et du convenable, de mettre en valeur la soif de connaissance de son interlocuteur afin de l’encourager…
En considérant l’énoncé de ce Hadith, on constate que, en trois endroits différents, le narrateur a exprimé des doutes par rapport aux termes exacts employés par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) :Cette attitude de sa part témoigne de la rigueur avec laquelle les personnes qui ont rapporté les Hadiths se sont souciés de citer les mots exacts employés par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). En cas de doute, ils n’ont ainsi pas hésité à exprimer clairement leur incertitude, et ce, même si le changement de formulation n’avait aucune incidence sur le sens du propos rapporté (comme c’est le cas dans le présent Hadith).
(Adaptation française d’un passage du « Ma’ârif oul Hadîth » de Cheikh Mandhoûr Nou’mâni (rahimahoullâh))