Exégèse du Qour'aane - Sourate N°3 - La famille d'Imran. (5)


Traduction et commentaires du verset 14.

زُيِّنَ لِلنَّاسِ حُبُّ الشَّهَوَاتِ مِنَ النِّسَاءِ وَالْبَنِينَ وَالْقَنَاطِيرِ الْمُقَنطَرَةِ مِنَ الذَّهَبِ وَالْفِضَّةِ وَالْخَيْلِ الْمُسَوَّمَةِ وَالْأَنْعَامِ وَالْحَرْثِ ۗ ذَٰلِكَ مَتَاعُ الْحَيَاةِ الدُّنْيَا ۖ وَاللَّهُ عِندَهُ حُسْنُ الْمَآبِ (14)

Traduction explicative du verset :

14- « L’amour des choses désirables a été enjolivé pour les gens : femmes, fils, trésors thésaurisés d’or et d’argent, chevaux de race marqués, bétail ou troupeaux, terres cultivables. Cela est l’objet de jouissance de la vie d’ici-bas, alors que c’est auprčs d’Allah qu’il y a un beau refuge. »

 

Bref commentaire du verset.

Après avoir mentionné l’opposition entre les mécréants et les musulmans (dans le passage précédent), Allah évoque à présent l’une des principales causes de conflit entre l’Islam et l’infidélité (“Koufr”) : il s’agit de l’amour et l’attachement excessifs des choses matérielles. Nous avons déjà eu l’occasion de le voir au travers de l’incident qui avait eu lieu durant le voyage des chrétiens de Nadjrân vers Madinah (Médine), avec la remarque faite alors par Aboû Hâritha Bin Alqama, mais également par la réaction des juifs de « Banou Qaïnouqa » lorsque le Prophète était allé les rencontrer après la bataille de « Badr ».

Ce présent verset nous permet également de bien cerner quelle est la position de l’Islam par rapport à tout ce qui y est mentionné, mais surtout par rapport aux biens matériels.

« L’amour des choses désirables a été enjolivé pour les gens : femmes, fils, trésors thésaurisés d’or et d’argent, chevaux de race marqués, bétail ou troupeaux, terres cultivables » :

Dans un premier temps, il est clairement rappelé que les six éléments cités (qui étaient particulièrement appréciés par les arabes, premiers dépositaires de la Révélation divine) ont été embellis et parés d’attraits pour l’Homme ; c’est la raison pour laquelle ce dernier est attiré vers eux et il les aime. Mais ce qu’il est important de noter, c’est que ce sentiment d’attraction a été placé au sein de l’Homme par Allah Lui-Même. On peut déjà comprendre par là que l’attachement pour ces éléments en lui-même n’est pas blâmable, car relevant de la nature humaine. Ce qui est blâmable et condamné en Islam, c’est l’attachement excessif. Il n’a donc jamais été question pour les musulmans de mener une vie monacale. A partir du moment où l’être humain accorde aux différents composants de son environnement la juste place qui leur revient, ceux-ci l’assisteront certainement dans son cheminement vers Allah et le succès de la vie future. C’est ce lien qui unit le cœur du croyant aux choses matérielles qu’un savant exprime si bien lorsqu’il compare le cœur humain à un navire et les choses matérielles à l’eau : La présence de l’eau autour du navire est indispensable pour la progression de ce dernier, mais il suffit que l’eau s’y engouffre pour que celui-ci soit perdu…

Il y a néanmoins une question qui pourrait ici venir à l’esprit : On pourrait en effet se demander s’il serait possible de déterminer la raison pour laquelle Allah a créé chez l’homme l’attirance, l’amour et l’attachement pour les biens de ce monde, alors que ces sentiments peuvent se révéler être un facteur de grand risque pour lui…

S’il est vrai qu’en principe, l’attitude la plus humble et celle qui correspond le mieux à la nature du croyant et du musulman en toute situation, c’est de se dire qu’Allah étant « Al Hakîm », le Sage par Excellence, chacune de Ses Volontés et Décisions dissimule de façon certaine de grandes Sagesses, et ce, même si celles-ci ne nous sont pas connues car leur perception dépasse les limites de notre raison et de notre compréhension, il n’en reste pas moins cependant que nous avons tous en nous une soif de savoir et de compréhension qui nous caractérise et qui est le propre de la nature humaine … C’est justement pour nous aider à abreuver cette soif et afin de nous aider dans notre quête de connaissance que les commentateurs et exégètes du Qour’âne ont avancé quelques hypothèses à ce sujet.

Selon eux, la présence, au sein de l’être humain, de cet attachement dont il a été question pourrait s’expliquer ainsi:

L’attrait qui existe chez l’homme pour la femme et l’enfant (et réciproquement) est un facteur considérable de cohésion sociale. C’est en effet de ce sentiment que découle chez chacun des composants de la société humaine le désir de former un ménage, de fonder une famille, de perpétuer notre espèce, avec ce que cela crée inévitablement comme lien de parenté entre les différents individus, fortifiant ainsi les liens mutuels et, par extension, influant de façon positive l’ensemble des rapports intra et inter communautaires.

L’attrait pour les biens matériels est, lui, à l’origine des efforts déployés de la part de l’homme pour leur acquisition. Ainsi, ce sentiment joue le rôle de catalyseur pour le développement économique, en entraînant notamment la volonté de travailler, de consommer, de produire, d’échanger des biens, d’améliorer ses conditions et son niveau de vie, de sauvegarder ses acquis et de les faire fructifier etc…

On mesure déjà un peu mieux le poids et l’influence de ces sentiments innés pour la stabilité de la société entière. Mais il y a encore mieux… La présence des désirs qui imprègnent la nature humaine joue également un rôle très important pour son évolution et sa quête spirituelle, ainsi que l’amélioration de sa pratique rituelle. Il n’est pas difficile en effet de comprendre que, si l’homme ne désirait et n’était pas attiré par les plaisirs de ce monde, il n’aurait pas non plus désiré le Paradis, qui représente la perfection et le summum de tous les plaisirs. C’est toute la notion d’effort pour l’accès à ce paradis qui se verrait ainsi remise en question…

Bien sûr, la présence de ces sentiments contribue également à donner toute sa valeur à l’épreuve que représente pour l’homme la vie présente. Ainsi, il se doit, au travers d’un effort permanent(aussi bien au niveau de la volonté que des actes) et d’une lutte perpétuelle, de faire dominer chez lui le rappel et la pensée d’Allah, en accordant priorité à la recherche de l’agrément divin par rapport à la satisfaction de ses désirs et passions.

On ne manquera pas de remarquer que, dans ce passage, Allah mentionne les différentes créatures dans un ordre bien précis et déterminé:

Il mentionne d’abord les femmes car celles-ci peuvent se révéler être l’un des plus grand bienfaits pour l’homme. Mais, elles peuvent également représenter pour lui un des plus grands facteurs de risques en raison de la faiblesse de celui-ci. C’est d’ailleurs ce qui ressort clairement de certains Hadiths rapportés du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam).

La seconde place dans ce passage revient aux enfants ; ce qui est tout à fait logique, vu que l’importance de l’amour qui leur est accordé est généralement très proche de celui que l’homme a pour la femme. Par ailleurs, on retrouve également chez les enfants un double potentiel similaire à celui que l’on vient d’évoquer au sujet des femmes. Ceux-ci peuvent en effet constituer une épreuve pour l’individu, le poussant à des attitudes condamnables comme l’avarice et l’orgueil. Mais en même temps, on peut trouver en eux une fraîcheur des yeux irrésistible et une assistance indéniable.

Vient ensuite la mention des biens matériels, avec en premier lieu l’or et l’argent. Ils ont été ainsi évoqués car l’attachement qui leur est porté est moins important, généralement, que celui dédié à l’enfant. La notion d’épreuve reste là encore bien présente : Les biens matériels ont été mis à la disposition de l’homme dans ce monde afin que celui-ci puisse les utiliser pour vivre une existence paisible et sereine, tout en menant à bien sa mission de gérance en ce monde. A ce titre, ils constituent un grand bienfait. Mais si les biens sont acquis de façon illicite et poussent vers le péché, ils représentent un mal indéniable.

Voici donc de façon résumée les grands traits de l’enseignement que nous pouvons tirer de ce passage en ce qui concerne notre attitude par rapport aux bienfaits de ce monde.

« Cela est l’objet de jouissance de la vie d’ici-bas, alors que c’est auprès d’Allah qu’il y a un beau refuge. » :

La fin du verset interpelle le croyant vers une réalité essentielle : Tous les éléments cités précédemment, à l’instar de sa propre personne, sont éphémères. Tout a été créée pour un laps de temps bien précis et arrivé à ce terme, ils disparaîtront. Cela confirme bien le fait que l’être humain ne doit pas faire de l’obtention du plaisir dans la vie présente son unique but. Il doit au contraire considérer les choses qui l’entourent comme des éléments pouvant l’aider à mener à bien sa mission dans ce monde et trouver ainsi le succès dans l’Au-delà. Il est donc question ici de ce que l’Homme doit considérer comme l’un de ses objectifs réels: l’accès à la belle demeure qui se trouve auprès d’Allah, le Paradis. Un endroit où les plaisirs et les délices seront bien meilleurs que ceux de ce monde ; des plaisirs qui ne seront nullement limités, ni dans leur intensité, ni dans leur longévité. Certains exégètes, dans leurs efforts pour nous aider à comprendre la différence existant entre les bienfaits de ce monde et ceux de l’Au-delà, ont relevé un point très intéressant. Ils écrivent que, sur cette terre, l’être humain ne peut apprécier et goûter à aucun plaisir sans avoir quelque peu souffert au préalable: pour vraiment apprécier le goût d’un plat, il devra d’abord supporter la faim, se laisser tenailler l’estomac. De même, tant que la soif ne se fait pas sentir, il ne peut apprécier aucune boisson. A l’opposé de cela, dans le paradis, il n’existera aucune forme de souffrance : Le plaisir que l’on y trouvera dans ses délices sera donc total, ne trouvant pas sa source dans la peine et la souffrance…

Wa Allâhou A’lam !

Et Dieu est Plus Savant !

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