Discours prononcé à l'occasion de l'Ide oul Fitr 1429 à Saint-Pierre - Réunion


Bismillâhir Rahmânil Rahîm

Chers frères,

Il y a quelques semaines, j’ai eu l’occasion lire et de relire certains propos très brefs mais ô combien édifiants qui ont été tenus il y a plus de 14 siècles par les quatre plus illustres des Compagnons (radhia Allâhou ‘anhou) du Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam), Abou Bakr (radhia Allâhou ‘anhou), Oumar (radhia Allâhou ‘anhou), Outhmân (radhia Allâhou ‘anhou) et Ali (radhia Allâhou ‘anhou). Mais avant de les partager avec vous, je voudrai rappeler brièvement quelques réalités au sujet de ces personnages afin que nous soyons bien conscients de leur statut et, surtout, afin que nous puissions apprécier à leur juste valeur ces paroles…

·         Abou Bakr (radhia Allâhou ‘anhou) fait partie des premières personnes à avoir accepté l’Islam. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) disait à son sujet :

« A chaque fois que j’ai invité quelqu’un vers l’Islam, il a eu un doute et une hésitation, à l’exception de Abou Bakr. Lorsque je le lui en ai parlé, il l’a accepté de suite, sans hésiter. »

(« Târîkh Dimachq » – Volume 30 / Page 44)

 Il (radhia Allâhou ‘anhou) fut celui que le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) choisit comme Compagnon durant le périlleux voyage de la hidjrahet qui fut donc à ses côtés dans la grotte de thawr lorsque les mecquois voulaient attenter à sa vie. Celui-ci (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) avait affirmé à une occasion :

« Certes, Abou Bakr est la personne qui s’est montrée la plus généreuse à mon égard par sa présence et par ses biens. Et si je devais prendre un khalîl (ami intime) dans ma communauté, c’aurait été Abou Bakr. Mais (il y a entre moi et lui) la fraternité et l’affection de l’islam. »

(Sahîh Boukhâri)

Abou Bakr (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) était considéré par les autres Compagnons (radhia Allâhou ‘anhou) comme le meilleur d’entre eux. [1] Après le départ du Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) de ce monde, Abou Bakr (radhia Allâhou ‘anhou) fut unanimement désigné comme nouveau chef de la communauté musulmane et successeur du Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam). Il devint ainsi le premier des Khoulafâ Râchidîn (Califes Bien guidés).

·         Oumar (radhia Allâhou ‘anhou), qui, avant sa conversion à l’Islam, comptait parmi les plus féroces ennemis du Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) devient, après avoir été guidé par Allah, l’un de ses plus proches Compagnons (radhia Allâhou ‘anhou). Le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) affirmait à son sujet :

« S’il devait y avoir un Prophète après moi, c’aurait été Oumar Ibnoul Khattâb ! »

(Sounan Tirmdihi – Qualifié de Hassan par Al Albâni)

Oumar (radhia Allâhou ‘anhou) était très réputé pour sa fermeté dans le dîn et son détachement de ce monde. A une autre occasion, le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) lui avait dit :

« Certes, chaytân a peur de toi ô Oumar« 

(Sounan Tirmdihi – Qualifié de Sahîh par Al Albâni)

Talhâ Ibn Oubeïdillah (radhia Allâhou ‘anhou) affirmait pour sa part à son sujet :

« Oumar Ibnoul Khattâb n’a pas été le premier d’entre nous à accepter l’Islam. Et il n’a pas émigré avant nous. Mais il était le plus détaché d’entre nous de ce monde…« 

(« Târikh Dimachq » – Volume 44 / Page 287)

C’est lui qui va être choisi par Abou Bakr (radhia Allâhou ‘anhou) comme successeur et qui deviendra ainsi le deuxième des Khoulafâ Râchidîn.

·        Outhmân (radhia Allâhou ‘anhou) fait partie, à l’instar de Abou Bakr (radhia Allâhou ‘anhou), de ceux qui avaient accepté l’Islam tôt. Il (radhia Allâhou ‘anhou) épousa Rouqayyah (radhia Allâhou ‘anhâ) la fille du Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam). Après le décès de Rouqayyah (radhia Allâhou ‘anhâ), le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) lui donna en mariage une autre de ses filles, Oummou Koulthoûm (radhia Allâhou ‘anhâ). Le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) disait que les anges eux même faisaient preuve de pudeur en présence de Outhmân (radhia Allâhou ‘anhou).

Outhmân (radhia Allâhou ‘anhou), qui était un riche commerçant, apporta son aide financière au Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) à certaines occasions très importantes : il (radhia Allâhou ‘anhou) acheta ainsi pour les musulmans le puits de roûmah(dont l’eau leur était nécessaire). Il (radhia Allâhou ‘anhou) acheta également une parcelle de terrain qu’il (radhia Allâhou ‘anhou) pour l’agrandissement de la Masdjid oun Nabawi. Et il (radhia Allâhou ‘anhou) contribua de façon décisive à la préparation de la campagne de Taboûk. C’est à cette occasion que le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) dit à son sujet :

« Les actes qu’il fera après cette action ne lui porteront plus préjudice. »

(Sounan Tirmidhi – Hadith dhaïf)

Après la mort de ‘Oumar (radhia Allâhou ‘anhou), c’est Outhmân (radhia Allâhou ‘anhou) qui fut désigné pour devenir le troisième Calife Bien Guidé.
·        Ali (radhia Allâhou ‘anhou), cousin du Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam), fut le premier jeune à accepter l’Islam et le premier également sur terre à accomplir la salât avec le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam). Par la suite, il (radhia Allâhou ‘anhou) épousa Fâtimah (radhia Allâhou ‘anhou) et devint ainsi le gendre du Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam). Lors de la campagne de Kheîbar, il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) dit à son sujet :

« Il est un homme qui aime Allah et Son Messager et qu’Allah et Son Messager aime. »

(Boukhâri et Mouslim)

A une autre occasion, il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) affirma :

« Al Hassan et Al Housseïn sont les maîtres des jeunes du Paradis. Et leur père est meilleur qu’eux ! »

(Sounan Ibn Mâdjah – Authentifié par Al Albâni)

Ali (radhia Allâhou ‘anhou) était connu pour être le meilleur juge parmi les Compagnons (radhia Allahou ‘anhoum) et l’un des plus versés dans la science de l’héritage. Après Outhmân (radhia Allâhou ‘anhou), c’est lui qui va être désigné pour le succéder à la tête de la communauté musulmane.

Vous l’aurez compris, ces quatre Compagnons (radhia Allâhou ‘anhou) n’étaient vraiment pas n’importe qui : après être devenus musulmans, ils ont passé leur existence entière dans l’adoration d’Allah et n’ont pas ménagé leurs efforts au service de l’Islam et de la communauté musulmane. Leur proximité avec Leur Créateur était telle que, dans ce monde même, ils avaient reçu la bonne nouvelle de l’accès au Paradis directement du Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam)… Et malgré tout cela, voyez comment s’exprimaient cesAwliyâ oullâh :

·         Il est rapporté de Abou Bakr (radhia Allâhou ‘anhou) qu’il avait dit à une occasion

« J’aurai aimé n’être qu’un poil situé sur le côté d’un serviteur croyant. »

(Kitâb ouz Zouhd de l’Imâm Ahmad (rahimahoullâh))

 Et il (radhia Allâhou ‘anhou) avait également dit :

« J’aurai aimé être une plante (dont l’existence prend fin en étant) mangé par les bêtes. »

(Tabaqât Ibn Sa’d – Volume 3 / Page 198)

·        Il est rapporté au sujet de ‘Oumar (radhia Allâhou ‘anhou) que, alors qu’il se trouvait sur son lit de mort, il (radhia Allâhou ‘anhou) demanda à son fils de poser sa joue sur le sol. Celui-ci lui fit la réflexion suivante :

« Quelle différence cela fait-il que ta joue soit posée dans mon giron ou sur le sol ? »

Oumar (radhia Allâhou ‘anhou) lui ordonna alors avec insistance de poser son visage par terre. Puis, il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) dit:

« Malheur à moi et malheur à ma mère si Mon Seigneur ne me fait pas miséricorde ! »

(Târikh oul Islam – Dhahabiy)

·        Au sujet de Outhmân (radhia Allâhou ‘anhou), il est dit qu’il se tenait parfois devant une tombe et pleurait tellement que sa barbe se retrouvait complètement trempée de ses larmes et il (radhia Allâhou ‘anhou) disait :

 « Si je me retrouvais entre le Paradis et l’enfer sans savoir vers lequel des deux je serai conduit, je préfèrerai être transformé en cendres avant de connaître ma destination. »

(Kitâb ouz Zouhd de l’Imâm Ahmad (rahimahoullâh))

 ·         Enfin, un des proches de Ali (radhia Allâhou ‘anhou) disait à son sujet:

« Je témoigne par Allah que je l’ai vu à une occasion, tard dans la nuit, debout dans un mihrab, serrant sa barbe, remuant (son corps) dans tous les sens à l’instar de celui qui a été mordu par un serpent et pleurant comme un tourmenté…. C’est comme si je l’entendais (encore) en ce moment en train de dire : « Ô Notre Seigneur ! Ô Notre Seigneur ! », en Le suppliant. Puis il (radhia Allâhou ‘anhou) s’adressait à ce monde et disait : « A moi tu t’es exposée ? Est-ce moi que tu as désiré ? Eloigne-toi ! Eloigne-toi ! Va tromper autre que moi ! Je t’ai répudié en trois fois, car ta durée de vie est courte, tes assemblées sont méprisables et ton péril est facile (à contrer)…  Ah ! (Je m’inquiète plutôt du) peu de provision, de l’étendue du voyage et de l’isolement de la route… »

(Houlyat oul Awliyâ – Volume 1 / Page 85)

Mes chers frères,

Si j’ai tenu à rappeler ces propos aujourd’hui, c’est justement parce que l’absence de crainte envers Allah et envers les réalités de l’Autre Monde constitue l’une de nos plus grandes faiblesses. Et le résultat de cette insouciance et de cette inconscience, il est là, devant nos yeux, terriblement inquiétant…

En ce jour de ‘Îde, nous sommes joyeux et radieux, notamment parce que, durant les jours qui viennent de s’écouler, nous avons pu consacrer un peu de notre temps à faire l’adoration d’Allah, à jeûner, à prier, à réciter le Qour’aane… bref, à accomplir des rituels qui plaisent à Dieu, qui nous rapprochent de Lui et qui sont grandement méritoires. En apparence, notre présente satisfaction est donc tout à fait légitime… et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Mais si nous prenons le temps de gratter un peu la peinture et de regarder en dessous, l’illusion dans laquelle nous sommes bercés depuis hier soir risque de disparaître bien vite… Vous m’excuserez d’avance pour jouer les trouble-fêtes en ce jour de ‘Ide (c’est le cas de le dire), mais, à y regarder de plus près, il est très probable que le mois de Ramadhân que l’on vient de compléter soit aussi un indicateur implacable de notre faiblesse spirituelle. A une occasion, le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) avait mis en garde les jeûneurs en ces termes :

« Celui qui n’abandonne pas les propos mensongers et les actes pervers, Allah n’a pas besoin qu’il délaisse sa nourriture et sa boisson (en jeûnant). »

(Sahîh Boukhâri)

Ces propos indiquent clairement que le jeûne qui est voulu et agréé par Allah, qui est porteur de récompenses et d’atouts spirituels, c’est celui durant lequel le serviteur, en sus de délaisser ce qui, en dehors de la période dusawm, est licite(les aliments,…), s’abstient surtout de commettre des actes qui, eux, sont en tout temps interdits(comme le mensonge et les autres péchés majeurs). En jaugeant les jeûnes que nous avons accomplis lors de ces dernières semaines à la lumière de cet énoncé prophétique, il devient soudain plus difficile de trouver dans nos siyâmun véritable motif de satisfaction. Très concrètement, durant ce mois Ramadhânécoulé :

·        combien d’efforts avons-nous fait pour bannir complètement de nos propos le mensonge, la médisance, la calomnie et les autres insanités de ce genre… ?

·        combien d’efforts avons-nous fait pour cesser de faire souffrir injustement ceux qui nous entourent, qu’il s’agisse de notre épouse ou de nos enfants, de nos proches, de nos voisins, de nos collègues de travail, de nos employés… ?

·        combien d’efforts avons-nous fait pour protéger notre regard et pour détourner de façon systématique nos yeux de ce qu’Allah nous a interdit de regarder… ?

·        combien d’efforts avons-nous fait pour mettre un terme aux relations interdites que nous entretenons avec les personnes du sexe opposé… ?

·        combien d’efforts avons-nous fait pour purifier nos transactions et pour mettre définitivement un terme aux opérations illicites (comme celles contenant de l’intérêt (ribâ)) auxquelles nous sommes accoutumés… ?

·        combien d’efforts avons-nous fait pour nettoyer notre cœur des fléaux que sont l’égoïsme, l’orgueil, la vanité, l’avarice,… ?

·        d’une façon plus générale, combien d’efforts avons-nous réellement fait pour sortir de la servitude envers les choses de ce monde et pour essayer de devenir des serviteurs du Tout Puissant dignes de ce nom ?

Nul doute que les réponses à ces différentes questions risquent d’être très gênantes pour beaucoup… En d’autres mots, bon nombre d’entre nous sommes actuellement si dépendants des péchés et de la désobéissance d’Allah que, même durant le mois de l’année où les pires démons sont enchaînés et où nous sommes à l’abri de leurs inspirations perverses, nous ne sommes même pas en mesure de nous en éloigner, ne serait-ce de façon temporaire… Quand on sait que l’un des objectifs du Ramadhân était justement de parvenir à dompter notrenafs et à le maîtriser, on réalise là combien cet objectif est loin d’être atteint… A partir de là :

·        soit on continue à s’auto satisfaire des quelques ‘ibâdât que nous avons accompli –sans même chercher à savoir si, dans la forme, elles ont été faites correctement (c’est-à-dire conformément à ce qui nous a été enseigné par Allah et Son Messager (sallallâhou ‘alayhi wa sallam)) et si, dans le fond, elles ont été dignes d’être agréées-, on persiste à minimiser les péchés énormes dont nous sommes coupables quotidiennement, à toujours trouver chez autrui les pires défauts et en soi les plus grandes qualités, en un mot, on continue à fermer les yeux  sur notre état religieux lamentable et à nous contenter  de notre existence telle que nous la menons actuellement dans la plus grande insouciance par rapport à notre devenir dans l’Autre Monde… mais, alors le réveil risque d’être brutal et douloureux. L’énoncé du Qour’aane est très clair à ce sujet :

« Tandis que celui qui recevra son bilan derrière le dos, il invoquera la destruction sur lui-même et entrera en Enfer. Il aura été heureux parmi les siens sur Terre croyant ne jamais comparaître devant Son Seigneur, alors que Son Seigneur l’observait parfaitement. »

·        soit on accepte enfin de dégriser notre conscience, de voir la réalité en face, de réaliser combien nous sommes éloignés de la soumission divine, combien notre îmân est faible et, surtout, combien notre nafs est puissant et nous garde sous son emprise.

Et pour briser cette domination du nafs, l’un des meilleurs moyens constitue justement à éloigner cette faiblesse que nous avons évoquée tout à l’heure, en développant et en cultivant constamment dans notre cœur et notre esprit la crainte d’Allah et la crainte envers les réalités de l’Autre Monde. C’est ce qu’indique implicitement le passage suivant du Qour’aane où Allah dit :

« Tandis que celui qui aura redouté de comparaître devant Son Seigneur et aura dompté ses passions, c’est le Paradis qui sera (son) séjour. »

Ainsi, si nous voulons sortir de cette spirale des péchés dans laquelle nous sommes emprisonnés, il nous faut absolument prendre le temps, quotidiennement (ou du moins, régulièrement), de penser et de méditer sur toutes ces choses qui nous attendent entre le moment où nous allons quitter ce monde et celui où nous allons parvenir à notre destination finale dans l’Au-delà… sur ces réalités qui ont été énoncées dans le Qour’aane et les Ahâdîth et qui, tout en relevant de l’Invisible pour le moment, sont bien plus réelles et plus certaines que ce que nous pouvons percevoir par nos sens.

o  Il faut déjà prendre le temps, mes frères, de réfléchir régulièrement sur le fait que, à n’importe quel moment, tout peut s’arrêter pour nous, que ce soit par une attaque cardiaque, une rupture d’anévrisme, un accident… Et lorsque personne n’est à l’abri d’une mort subite (qu’Allah nous en préserve tous), comment pouvons-nous rester si insouciants ? Comment expliquer rationnellement que, d’un côté, si jamais il nous arrivait de savoir avec certitude qu’il nous reste vingt-quatre heures à vivre, l’idée même de commettre un acte de désobéissance envers Allah ne nous effleurerait plus l’esprit, et que, d’un autre côté, nous persistons dans les pires des péchés alors que nous n’avons même pas la garantie d’être toujours en vie au terme des vingt-quatre prochaines secondes ?

o  Il faut aussi prendre le temps, mes frères, de méditer régulièrement sur le fait que si nous restons enfermés dans cette dépendance envers le péché, il est tout à fait possible que c’est dans cet état que la mort nous surprenne… Avons-nous idée de ce qui nous risquons si Allah décide de reprendre notre âme :

§ alors que nous sommes engagés dans le zinâ ?

§ alors que nous sommes en train de manger une nourriture harâm ?

§ alors que nous avons en notre possession des biens que nous avons usurpé à nos frères et sœurs ?

§ alors que nous avons délaissé des centaines de salât obligatoires, que nous n’avons pas payé la zakâte pendant des années ou que le hadj était fardh pour nous et nous ne l’avons pas accompli ?

Pire encore, avons-nous idée de ce qui nous attend si, dans les derniers instants de notre vie, durant les tourments de l’agonie, chaytân parvient à nous faire perdre notre îmân(comme il a tenté de le faire avec des personnes aussi illustres que l’Imâm Ahmad Ibnou Hambal (rahimahoullâh)) ?

o  Il faut encore prendre régulièrement le temps, mes frères, de penser à ce qui nous attend lorsqu’arrivera le moment quitter le confort de notre maison pour rejoindre l’étroitesse de la fosse où nous serons enterré… lorsqu’arrivera le jour de quitter la compagnie de nos proches et de nos amis pour être confronté, seul, à la compagnie des terrifiantes créatures du barzakh… lorsque viendra l’heure de quitter la lumière de la surface pour les ténèbres du sous-sol… Et ce jour là, les seules choses qui pourront nous protéger contre les terribles tortures et les horribles supplices déjà annoncés dans nos références seront les actes de piété que nous avons l’opportunité d’accomplir en ce moment… Le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) disait :

« La tombe est la première étape de l’Autre Monde. Si on y reste sain et sauf, ce qui va suivre sera plus aisé. Et si ce n’est pas le cas, ce qui va suivre sera bien plus dur. »

(Sounan Ibn Mâdja – Hadith Hassan selon Al Albâni)

o  Il faut également prendre régulièrement le temps, mes frères, de se projeter dans la plaine du Jugement Dernier… en ce Jour d’une durée de cinquante mille ans d’une violence inouïe… en ce jour où la colère d’Allah sera comme elle ne l’a jamais été auparavant… en ce jour où les égarés seront rassemblés face contre le sol, aveugles, sourds et muets…  en ce jour où les êtres plus proches d’Allah (les Prophètes (alayhim ous salâm)) se souviendront de leurs plus petites erreurs et n’oseront même pas demander au Créateur d’initier le Jugement (à l’exception du Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam))… en ce jour, où chacun de nous se retrouvera face à l’enfer, avec à sa droite ses bonnes œuvres et à sa gauche ses péchés… en ce jour où les organes des ennemis d’Allah témoigneront de leurs crimes… en ce jour où, en voyant son Livre de Compte, les coupables diront : « Qu’a donc ce registre, qui n’omet ni péché mineur ni péché majeur sans les porter à son compte ? »… en ce jour où des balances d’une très grande précision et sensibilité seront dressées, de sorte que nul ne soit lésé, ne serait-ce du poids d’un grain de moutarde…

o  Il faut aussi prendre régulièrement le temps, mes frères, de s’imaginer le périlleux parcours que nous aurons tous à effectuer sur as sirât, sur ce pont tiré sur le dos de l’enfer, plus fin qu’un cheveu, plus tranchant que la lame d’un sabre, glissant et entouré des deux côtés de crochets dont la fonction sera d’arracher du pont les personnes au sujet de qui ils en recevront l’ordre pour les précipiter dans les profondeurs de l’enfer…

o  Et il faut enfin prendre régulièrement le temps, mes frères, de lire les énoncés du Qour’aane et des Ahâdîth qui décrivent les châtiments douloureux et les tortures interminables qui  attendent les habitants de l’enfer…. En ce jour de ‘Îde, je m’abstiendrai de les citer en détail… Mais posons-nous seulement la question de savoir comment nous, qui, actuellement, ne sommes même pas en mesure de placer nos doigts à proximité immédiate d’une simple flamme, comment allons nous pouvoir supporter d’être jeté dans un brasier dont le feu sera soixante dix fois plus brûlant que celui de ce monde et qui aura été attisé pendant des milliers d’années jusqu’à devenir totalement sombre…

J’avoue que, en ce jour de ‘Ide, j’ai pas mal hésité avant d’aborder avec vous un sujet aussi menaçant et sombre… Mais si j’ai quand même choisi de le faire, c’est qu’il y a urgence mes frères : dès aujourd’hui, nous allons de nouveau devenir la proie de chaytân. Et sans la crainte d’Allah et de l’Au-delà, il va nous être très difficile de résister aux efforts conjugués des démons et de notre nafs et à leurs attaques constantes. D’ailleurs, il faut bien comprendre que la crainte d’Allah et de l’Au-delà n’est pas une faiblesse : c’est une très grande force et un atout de poids. Le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) rapporte dans un Hadith Qoudsiy les propos suivants du Tout Puissant :

« Par Mon Honneur, Je ne réunirai pas sur  mon serviteur  deux craintes et deux sentiments de sécurité. S’il me craint dans ce monde, Je le mettrai à l’abri le Jour Dernier. Et s’il n’est pas inquiet à Mon égard (et ne me craint pas) dans ce monde, Je lui ferai connaître la peur le Jour Denier. »

(Rapporté par Ibnoul Moubârack dans son « Kitâb ouz Zouhd » et par Ibnou Hibbân dans son Sahîh avec une bonne chaîne de transmission)

L’un de nos salafs disait si bien :

« Tu fuis (toujours) tous ceux que tu crains… à l’exception d’Allah azza wa djalla : lorsque tu Le crains, tu cours vers Lui »

En d’autres mots, si j’ai choisi quand même d’effectuer ce rappel aujourd’hui mes frères, c’est pour que, tous ensembles, nous nous mettions à œuvrer pour que le Jour de notre rencontre avec Notre Seigneur soit le plus beau et le plus heureux de notre existence… et que nous ayons ainsi la chance de faire partie de ces véritables jeûneurs au sujet desquels le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) :

« Pour le jeûneur, il y a deux joies : une joie au moment où il met un terme à son jeûne et une joie lors de sa rencontre avec Son Seigneur. »

Pour conclure, je tiens à présenter à chacun de vous en ce jour de ‘Îde mes excuses les plus sincères pour le mal que j’ai pu vous causer d’une quelconque façon qui soit, volontairement ou involontairement. Qu’Allah nous garde toujours unis sur le Droit Chemin jusqu’à la mort.

Âmîne !

 Wa Allâhou A’lam !


[1] Un Hadith présent dans le Sahîh oul Boukhâri indique que, lorsque Mouhammad Ibnoul Hanafiyah (radhia Allâhou ‘anhou) demanda à son père Ali (radhia Allâhou ‘anhou) qui était le meilleur (de cette communauté)après le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam), celui-ci (radhia Allâhou ‘anhou) lui répondit que c’était Abou Bakr (radhia Allâhou ‘anhou).
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