Le Tabligh (suite)...


Méthodologie… Fondement…

J’ai évoqué dans un précédent texte le fait que les sorties (appelées communément « Khouroûdj ») qui sont organisées dans le cadre du « Tabligh » ne peuvent être qualifiées d’innovations religieuses et de « Bid’ah ». (Rappelons que la terminologie islamique, toute pratique nouvelle (c’est à dire inventée après le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et l’époque des Compagnons (radhia allâhou anhoum)), qui ne trouve aucune justification ou fondement explicite ou implicite, ni dans le Qour’aane, ni dans les Hadiths et qui est faite (ou délaissée) en étant considérée comme faisant partie de la religion est appelée « Bid’ah » (innovation blâmable). Pour plus de renseignements concernant la notion de « Bid’ah », voir l’article suivant: « Bid’ah ?… ou Sounnah Hasanah ?… »)

En fait, ces sorties (« Khouroûdj ») auraient pu être considérées comme étant des innovations religieuses si on les assimilait à des prescriptions religieuses. Mais ce n’est pas le cas… Donc, le « Khouroûdj », comme rappelé précédemment, n’est ni plus ni moins qu’une méthode nouvelle de « Dawa’h » et de « Tabligh » qui se base sur des principes qui étaient déjà appliqués à l’époque de la Révélation

Il est donc indispensable de bien comprendre la nuance qui existe entre la forme d’une méthode et son fondement…C’est ce que l’on va essayer de développer dans les lignes suivantes Incha Allah.

Aux premiers temps de l’Islam, il n’existait pas d’universités islamiques avec des branches de spécification comme il en existe actuellement.De même, beaucoup de sciences religieuses enseignées actuellement ne sont apparues et ont été élaborées bien après le départ des Compagnons (radhia Allahou anhoum) de ce monde (« ‘Ilm oul Ridjâl » (science qui a pour objet l’étude méticuleuse de la biographie des narrateurs de Hadiths afin d’évaluer leur degré de fiabilité) par exemple). On pourrait ainsi citer de nombreuses choses qui n’existaient pas au tout début de l’Islam et qui ne sont apparues que bien plus tard (l’utilisation de l’Internet pour la propagation de l’Islam en fait également partie). Pourtant, personne ne considère ces choses comme étant des « Bid’ahs », pour la simple et bonne raison que, même si, dans leur forme, ces méthodes sont relativement nouvelles et diffèrent de ce qui se faisait à l’époque de la Révélation, au fond, cependant, le principe sur lequel elles reposent reste le même que ce qui existait alors. (Les universités islamiques actuelles tirent par exemple leur légitimité des « Ashâbous souffah » (nom donné aux Compagnons (radhia Allâhou anhoum) qui passaient des journées entières à approfondir leurs connaissances religieuses dans un endroit situé près de la maison du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam)…)

Pour ce qui est du « Khouroûdj », il repose sur les principes suivants:

C’est en respect de ces principes que cette méthodologie actuelle du « Khouroudj » a été élaborée, méthodologie qui, rappelons-le à nouveau,  ne constitue nullement une prescription religieuse qu’il est nécessaire de respecter et n’est en aucune façon la finalité recherchée. Les objectifs finaux restent les principes sus – cités.

On pourrait mieux clarifier encore ce point en revenant vers l’exemple de l’université islamique. Dans l’enseignement islamique, il y a deux aspects:

Si le principe d’enseignement était présent à l’époque du Prophète (sallallahou alayhi wa sallam) et des Sahâbas (radhia Allahou anhoum) , la méthodologie, elle, n’existait pas dans sa forme actuelle. Mais comme il ne s’agit que de mesures purement administratives, qui ne sont pas considérées comme mandatées par la religion, dans ce cas, on ne peut pas parler de « Bida’h ». Il ne viendrait à l’esprit de personne de chercher des arguments et des « dalils » (preuves) dans le Qour’aane et les Hadiths pour les horaires d’entrée et de sortie des cours, la durée de l’année scolaire, le choix des périodes de vacances etc….. 

Pour le « Khouroûdj », il s’agit de la même chose: Il y a d’un côté le principe qui régit ce travail, et il y a les mesures administratives. 

Wa Allâhou A’lam !

Et Dieu est Plus Savant !


Les conditions dans lesquelles la méthode actuelle du « Tabligh » a vu le jour…

La situation qui prévalait aux Indes au début du siècle, lorsque le mouvement du « Tabligh » est apparu était la suivante… La communauté musulmane était divisée en deux grands groupes: 

– Il y avait d’un côté les savants et ceux qui allaient faire des études: ils étaient très nombreux, mais restaient confinés dans leurs universités et dans leurs villages d’origine. 

– Face à eux, il y avait la masse: principalement composée (en fonction des différents états de l’Inde) de paysans, d’agriculteurs ou de commerçants, qui, pour la plupart ne connaissaient pratiquement rien de la pratique religieuse. Il est vrai que, suivant la logique qui consiste à dire que c’est de la responsabilité de celui qui a soif que d’aller chercher de l’eau à la source, il était donc du devoir de ces gens d’aller apprendre leur religion auprès des savants… Mais le problème, c’est que ces gens étaient spirituellement si malades qu’ils n’avaient même plus soifs… Il fallait donc agir en profondeur pour créer en eux la soif de la religion: C’est dans cet optique (entre autres) que l’effort du « Khouroûdj fi sabilillâh » (sortir dans le chemin d’Allah) a été initié, et qui consistait justement à aller rappeler, de villages en villages, de contrées en contrées, aux musulmans et aux musulmanes les notions fondamentales de l’Islam, mais aussi les vertus qui sont liées aux pratiques de l’Islam, afin que cela leur donne envie d’en savoir plus et qu’ils aillent ainsi acquérir la science religieuse nécessaire auprès des savants… Comme la situation actuelle de notre communauté à travers le monde n’est pas bien différente de ce qui prévalait en Inde alors, c’est ce qui explique pourquoi le « Khouroûdj » se fait maintenant de façon active à une échelle internationale…

Wa Allâhou A’lam !

Et Dieu est Plus Savant !


 

Que se passe-t-il lors d’une sortie pour le « Tabligh »…

Au cours des sorties organisées dans le cadre du « Tabligh » (sorties qui, je tiens à le préciser, demandent quand même des sacrifices relativement importants… Ce n’est en effet pas chose aisée que d’abandonner tout le confort et l’aisance de notre foyer pendant quelques jours pour rester dans l’environnement de la Maison d’Allah, la Masdjid), les frères s’efforcent d’évoquer, au travers de discours simples et des rappels, la Grandeur et la Puissance d’Allah, mais également la nécessité pour chaque musulman de s’efforcer de suivre le modèle par excellence, Mouhammad Ibné Abdillâh (sallallâhou alayhi wa sallam), en s’inspirant des nobles qualités qui embellissaient les Compagnons (radhia Allâhou anhoum) du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam).

L’un des avantages qu’apportent ces sorties tient dans le fait que celles-ci représentent en quelque sorte une mini-retraite spirituelle, l’occasion pour beaucoup de ceux qui y prennent part de pouvoir pratiquer, de façon continue et assidue, des actes qui sont souvent négligés dans la vie de tous les jours (prière de la nuit, différentes prières  » Nafl  » durant la journée, récitation du Qour’aane,  » Dhikr « …). Cette  » rupture  » temporaire avec l’environnement quotidien peut également être l’occasion de prendre le temps de méditer et d’œuvrer afin de renforcer sa foi. Quand on sait que Houzaïfa (radhia Allahou anhou), le célèbre Compagnon du Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam), appelait parfois les autres Compagnons (radhia Allâhou anhoum) et les invitait à s’asseoir pour parler d’Allah afin de revivifier leur foi, et ce, quelques temps seulement après le départ du Messager d’Allah de ce monde, on est en droit de se demander ce qu’il en est de notre besoin à nous de revivifier notre foi… nous, musulmans de cette fin de 20ème siècle…

Participer à ce genre de sorties peut également être l’occasion de prendre conscience de nos manquements… L’une de nos responsabilités essentielles en tant que musulman n’est elle pas de recommander le bien et de lutter contre le mal ? Ne devrions-nous pas nous poser sincèrement la question de savoir ce l’on fait, concrètement, pour contribuer à l’amélioration de la pratique religieuse, en commençant par la Salât, au sein de la  » Oummah  » ? 

Comment ne pas être interpellé au plus profond de son âme quand on entend des frères du  » Tabligh  » qui sont allés récemment pour le  » Khouroûdj  » en Nouvelle Calédonie et qui rapportent que la majorité des émigrés musulmans qui y résident depuis plusieurs décennies ont abandonné l’Islam et ne gardent comme seule trace de leur ancienne religion que leur prénom ?… Pourquoi ? Parce que, selon leur propre aveu, durant tout ce temps, ils n’ont eu la visite d’aucun musulman… Par contre, les missionnaires des autres religions n’ont cessé de se succéder auprès d’eux…

Comment rester insensible quand on apprend que des frères du « Tabligh » sont allés visiter, durant cette période de  » Khouroûdj  » en Nouvelle-Calédonie, un vieillard, qui, au cours de leur visite a prié à leurs côtés, et après avoir complété la Salât, s’est adressé aux frères en pleurant et en disant :  » Cela fait plus de soixante ans que je n’avais pas fait la Salât ! « (Je précise que ce ne sont pas là des histoires fictives… J’ai en ma possession le témoignage écrit d’un des frères qui a pris part à ce  » Khouroûdj  » et qui relate cette scène dont il a été lui-même témoin.)
Maintenant, il est vrai que, personne n’étant infaillible à part les Prophètes et Messagers d’Allah (alayhimous salâm), il est évident que les frères qui prennent part au « Tabligh » peuvent parfois commettre des erreurs (comme chacun(e) d’entre nous)… Mais quand on est confronté à ce genre d’erreurs, ayons au moins la présence d’esprit de condamner les excès ou manquements des personnes et des individus, et non pas l’œuvre du « Tabligh » en elle même.
Pour conclure, je reproduirai ci-dessous un extrait d’une lettre que j’avais écrite à un frère au sujet du  » Tabligh  » :

En théorie, il est vrai que si chacun s’occupait de propager le message de l’Islam autour de lui, le « Khouroudj » ne serait d’aucune utilité. Mais entre cette théorie et la réalité tragique de la situation dans laquelle se trouve la « Oummah » (communauté du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), il y a malheureusement un fossé énorme. Il est vrai qu’on n’a pas besoin d’aller très loin pour se rendre compte de la détresse de la « Oummah »… 

Pourtant, comment peut-on oublier ces frères qui existent dans le monde, et qui ne connaissent de l’Islam que la profession de foi, ou leur prénom ? Justement, avec tous ces moyens de transports et de communications dont nous disposons actuellement et qui font que les limites du monde se sont tellement rétrécis et rapprochés de nous, ne sommes-nous pas quelque part responsables de rappeler à ces frères ce que le Prophète (sallallahou alayhi wa sallam) est venu apporter à l’Humanité. 

Imaginez un instant que tous ceux qui ont la chance de pouvoir profiter d’un environnement adéquat pour leur épanouissement religieux se mettent à ignorer les autres musulmans au monde qui n’ont pas cette opportunité; quel sera le résultat ? On risque fort de se retrouver avec une véritable fracture dans la « Oummah ». N’est-ce pas là une forme d’égoïsme et d’autosatisfaction ? 

Je suis de ceux qui soutiennent, dans la mesure du possible, la répartition des tâches et des devoirs. Tous ceux qui œuvrent dans la bonne direction (en suivant bien sûr la Voie de la rectitude) doivent être encouragés. 

Pour ce qui est du problème du manque de formation en sciences religieuses des frères du Tabligh (critique qui revient très souvent de la part de ceux qui dénigrent le « Tabligh »), sachez que ces musulmans qui ne savent de l’Islam que la profession de foi n’ont pas besoin d’une personne graduée et diplômée en science religieuse pour leur rappeler les fondements de l’Islam. On doit propager du Prophète (sallallahou alayhi wa sallam) le peu que l’on sait; si la propagation de l’Islam n’était réservée qu’à une élite, cela remettrait en question l’universalité du message de l’Islam. Bien sûr, cela ne signifie pas que l’on doit aborder des questions que l’on ne maîtrise pas; cela signifie que l’on doit partager le peu que l’on sait. Celui qui ne sait faire correctement que le « Woudhou » (ablutions) a déjà quelque chose à partager avec celui qui ne sait pas le faire. Pensez-vous que pour pouvoir enseigner à un frère comment prier, on est obligé de posséder une science étendue ?

Wa Allâhou A’lam !

Et Dieu est Plus Savant !

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