L'Autorité du Messager (saw) et l'étendue de sa portée...


Adaptation française synthétique du troisième chapitre de « The Authority of Sunnah » de Qâdhi Taqui Ousmâni

Le Qour’aane n’a pas seulement énoncé, en tant que loi et principe fondamental, l’obligation d’obéir au Messager d’Allah, Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam)… Il a également évoqué l’étendue de l’autorité de la « Sounnah » (propos, gestes et approbation du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam)), en faisant toute la lumière sur bon nombre d’aspects de cette autorité, et ce, afin de déterminer clairement les endroits où la soumission et l’obéissance à la « Sounnah » est voulue de la part des croyants. Dans ce présent chapitre, nous allons justement aborder un à un les différents domaines concernés par cette autorité…

L’autorité du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) en tant que législateur…

Nombreux sont les versets du Qour’aane qui délèguent au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) un pouvoir et une autorité à portée législative. En voici quelques uns, à titre d’exemple :

1- : Et prescris pour nous le bien ici-bas ainsi que dans l’au-delà. Nous voilà revenus vers Toi, repentis.» Et (Allah) dit : «Je ferai que Mon châtiment atteigne qui Je veux. Et Ma miséricorde embrasse toute chose. Je la prescrirai à ceux qui (Me) craignent, acquittent la Zakat, et ont foi en Nos signes.

Ceux qui suivent le Messager, le Prophète illettré qu’ils trouvent écrit (mentionné) chez eux dans la Thora et l’Évangile. Il leur ordonne le convenable, leur défend le blâmable, leur rend licites les bonnes choses, leur interdit les mauvaises, et leur ôte le fardeau et les jougs qui étaient sur eux. Ceux qui croiront en lui, le soutiendront, lui porteront secours et suivront la lumière descendue avec lui; ceux-là seront les gagnants.

Sourate 7 / Versets 156 et 157

Les termes mis en valeur dans la traduction ci-dessus indiquent clairement que l’une des obligations du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) consiste à rendre licite les bonnes choses et à interdire les mauvaises.

Ce devoir est distinct de celui du commandement du convenable et de la condamnation du blâmable« (Amr bil Ma’roûf wa Nahy anil Mounkar »), mentionné juste avant dans l’énoncé du verset : En effet, ce dernier porte sur l’exhortation ou la prohibition de choses qui ont déjà été qualifiées de « bonnes » (Ma’roûf) ou de « mauvaises » (Mounkar) auparavant.

Mais pour ce qui est du devoir qui nous intéresse directement ici (exprimé dans la phrase « (il) leur rend licites les bonnes choses, leur interdit les mauvaises« …), il concerne, lui, l’autorité à élaborer des règles de permission et d’interdiction, ou, en d’autres mots, à l’établissement de nouvelles prescriptions visant à autoriser ou prohiber différentes choses.

Ce qui mérite notre attention également dans ce passage coranique, c’est que l’élaboration de nouveaux principes et règlements d’ordre religieux n’est pas relié au Qour’aane, mais à la personne de Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) : On ne peut donc dire ici que l’expression « (…) leur rend licites les bonnes choses, leur interdit les mauvaises (…) » fait allusion au fait que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) avait pour mission deproclamer les injonctions déjà énoncées par ailleurs dans le Qour’aane… En effet, l’élaboration d’une loi et la proclamation de celle-ci sont deux choses complètement différentes.

D’autant plus que, la proclamation par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) des lois déjà établies est évoquée séparément, comme on l’a vu plus haut, par l’expression « (…)Il leur ordonne le convenable, leur défend le blâmable(…) »… La phrase qui suit celle-ci concerne donc nécessairement l’aptitude à élaborer de nouvelles lois.

On peut relever encore de ce verset que l’emphase y a été particulièrement mis sur la foi au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), surtout avec l’allusion à « Ceux qui croiront en lui(…) »… En considérant ce qui précède et suit cette phrase, on comprend bien que, ce qui caractérise les croyants justement, c’est leur foi, leur conviction profonde et leur reconnaissance des différentes obligations et autorités du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) mentionnées dans ce verset, parmi lesquelles il y a justementl’autorité de déclarer une chose légitime ou illégitime.

A cela s’ajoute le fait que, dans ce passage du Qour’aane, ordre est donnée de suivre la Lumière descendue avec le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) : Il n’est pas fait mention ici textuellement du suivi du Qour’aane, mais plutôt du suivi de la Lumière Révélée, et ce, justement, afin que cette injonction porte sur l’ensemble des prescriptions révélées au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), que celles-ci soient l’aient été au travers du Qour’aane… ou par le biais de la Révélation non lue (« Wahiy Ghay Matlou' »), qui se reflète et se manifeste à travers les propos et les actes du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam).

Bref, quelque soit l’angle sous lequel on considère cette « Aayah », celle-ci énonce clairement la réalité suivante :

Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) dispose de l’autorité d’élaborer des lois autres que celles contenues dans le Qour’aane (lois qui sont évidemment basées sur la « Révélation non lue »)

2 – : Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce qu’ Allah et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains, après s’être humiliés.

(Sourate 9 / Verset 29)

Ce verset exprime de façon très explicite l’importance et la nécessité fondamentales de considérer comme interdit ce qu’Allah et Son Messager ont interdit. Ce passage indique également que l’autorité de déclarer quelque chose d’illicite et interdit ne se limite pas à Allah, mais le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) également, conformément à l’agrément et au commandement d’Allah Lui Même, peut faire usage de cette autorité. Nul doute que l’autorité du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) diffère fondamentalement de l’Autorité Suprême d’Allah : L’Autorité divine est réelle, propre, indépendante et totalement libre, alors que l’autorité du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) se limite à la Révélation Divine(qu’elle soit « lue » ou « non lue ») qui lui parvient, et s’inspire donc de celle-ci. Néanmoins, malgré cette différence fondamentale, le fait est et reste que la personne du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a reçu cette autorité législative, et ceux qui ont foi en lui ont pour obligation, en sus de la soumission face au Pouvoir Suprême d’Allah, de se courber également devant l’autorité du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam).

3 – : Il n’appartient pas à un croyant ou à une croyante, une fois qu’Allah et Son messager ont décidé d’une chose d’avoir encore le choix dans leur façon d’agir. Et quiconque désobéit à Allah et à Son messager, s’est égaré certes, d’un égarement évident.

(Sourate 33 / Verset 36)

Dans ce verset, il est également fait mention, au sujet des jugements d’Allah et de Son Messager (sallallâhou alayhi wa sallam), que leur acceptation est obligatoire à tous les musulmans.

Il n’est pas inopportun de mentionner ici que, dans l’énoncé du verset en arabe, la conjonction de coordination «waw» (traduit par «et»), situé entre le mot « Allah » et «Son Messager» marque aussi bien, dans le sens, la liaison (dans certains cas) et la distinction (dans d’autres cas)… Il n’est pas possible de prendre ce terme exclusivement avec un sens de liaison : En effet, dans ce cas, le «Jugement d’Allah» n’est pas concerné par l’injonction du verset tant qu’il n’est pas accompagné du «Jugement du Messager». En d’autres mots, si on considère que le « waw » a pour fonction uniquement de lier dans le sens les deux termes évoqués, cela signifie que, sans le jugement du Messager, il n’est pas nécessaire d’obéir uniquement au jugement divin… ce qui donne au verset un sens qu’on ne pourrait concevoir dans la Parole d’Allah.

C’est pourquoi, une interprétation rationnelle et acceptable de ce verset n’est possible que si l’on considère que le terme «waw» a aussi bien un rôle de liaison que de distinction… Le sens du verset devient alors ainsi : A chaque fois qu’Allah et Son Messager (sallallâhou alayhi wa sallam),ou l’un des deux, émet un jugement par rapport à quelque chose, les musulmans n’ont d’autres alternatives que se soumettre à cela.

Il ressort clairement de là que le Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam), en ce qui concerne les affaires privées et collectives des croyants, possède une autorité légale d’émettre des jugements… jugements qu’il est obligatoire aux musulmans de respecter.

4-« (…) Prenez ce que le Messager vous donne; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en (…) »

(Sourate 59 / Verset 7)

Même si ce qui précède et suit ce verset concerne la répartition et le partage du butin de guerre, il n’en reste pas moins que l’un des principes reconnus de l’exégèse coranique stipule que, si un verset a été révélé concernant un événement particulier, mais les termes employés dans ledit verset ne sont pas spécifiques à l’événement et ont une portée générale, il faut nécessairement le prendre avec un sens étendu… On ne peut alors restreindre la portée du verset au seul évènement auquel il était lié à l’origine.

Depuis toujours, en considérant le principe unanimement admis et accepté sus cité , ce verset établit la règle générale suivante concernant le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) : Quelque soit l’ordre énoncé par le Messager d’Allah (sallallâhou alayhi wa sallam), il est nécessaire à tous ceux qui le suivent de s’y soumettre… De la même façon, quelque soit l’interdiction prononcée par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), il leur est nécessaire de s’y conformer en considérant l’objet de l’interdiction comme mauvaise et digne d’être évitée… C’est ainsi que le Qour’aane a confié au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) l’autorité légale d’émettre des jugements, d’énoncer des ordres et de déterminer des limites.

Il ne serait intéressant de rappeler ici la réponse pleine de sagesse donnée par le célèbre Compagnon du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), Abdoullâh Ibné Mas’oûd (radhia Allâhou anhou) à une femme venue le questionner…

Il est rapporté donc qu’une femme des Banû ‘Asad, appelée `Umm Y`aqûb, qui récitait le Coran, vint trouver Abdoullâh Ibné Mas’oûd (radhia Allâhou anhou) et lui dit :  »On m’apprend que tu as maudit celles qui tatouent, celles qui se font tatouer, celles qui épilent et celles qui s’épilent le visage et celles qui se liment les dents par coquetterie parce qu’elles changent la Création d’Allah ». Il lui répondit :  »Pourquoi ne maudirais-je pas celles que l’Envoyé d’Allah (sallallâhou alayhi wa sallam) lui-même a maudites, bien que cela se trouve dans le Livre d’Allah? »  »J’ai lu, répliqua-t-elle, tout ce qui est entre les deux planchettes (c.-à-d., le Coran dont les feuillets étaient reliés à l’aide de deux planchettes qui formaient une sorte de reliure) et je n’y ai rien trouvé de tout ce que tu dis ». »Si tu l’avais lu, tu l’y aurais trouvé, reprit Abdoullâh Ibné Mas’oûd (radhia Allâhou anhou) – Allah a dit : ‏ « (…)Prenez ce que le Messager vous donne; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en (…) »

Par cette réponse, Abdoullâh (radhia Allâhou anhou) a fait allusion au fait que ce passage a une portée tellement étendue qu’il concerne toutes les prescriptions et toutes les interdictions qui ont été énoncées par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). Et comme l’interdiction au sujet de laquelle la femme était venue s’enquérir venait du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) lui-même, c’est pourquoi elle entre, indirectement, dans la portée du passage coranique cité.

5 – : « Non ! … Par ton Seigneur ! Ils ne seront pas croyants aussi longtemps qu’ils ne t’auront demandé de juger de leurs disputes et qu’ils n’auront éprouvé nulle angoisse pour ce que tu auras décidé, et qu’ils se soumettent complètement [à ta sentence]. »

(Sourate 4 / Verset 65)

En apparence, ce verset présente l’autorité du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) comme étant celle d’un arbitre ou d’un juge, qui est en mesure de prononcer des sentences concernant les affaires qui lui sont présentées. Mais si on réfléchit quelque peu sur les termes et expressions employés dans ce passage, il ressort de façon très claire que l’autorité du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) dépasse de loin celle d’un simple juge ou arbitre.

Nul doute qu’un juge ou un arbitre dispose de l’autorité de prononcer le jugement qui est équitable et juste à ses yeux, et qu’il est également en mesure d’imposer le respect, par les deux parties concernées, du jugement qu’il a rendu… Mais il n’a jamais été posé comme condition obligatoire, pour que chacune des parties opposées soit considérée comme étant musulmane, qu’elle accepte de bon cœur le jugement prononcé. Si une personne n’accepte pas le jugement émis par un juge disposant de l’autorité voulue, on pourra qualifier son attitude de mauvaise et d’incorrecte, et cela peut être considéré comme un crime de sa part, méritant éventuellement l’application d’une peine à son encontre. Mais ce crime de sa part ne peut en aucun cas être un facteur provoquant son expulsion de l’Islam… En d’autres mots, on ne pourra pas le qualifier de mécréant uniquement pour son refus d’accepter le jugement rendu…

Pourtant, le verset cité ci-dessus insiste avec force sur le fait que, celui qui n’accepte pas le jugement du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), ne peut être considéré comme étant musulman… L’emphase qui est mis dans le verset sur ce point précis montre bien que l’autorité du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) n’est pas comparable à celle d’un simple juge ou arbitre. Refuser le jugement du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) est synonyme de négation de l’Islam, ce qui différencie justement de beaucoup ledit jugement de celui qui est émis par les tribunaux en général. Ce qui est prononcé par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) est une expression formelle de lois reposant sur la Révélation Divine, qu’elle soit Lue (Qour’aane) ou Non Lue (Sounnah). Renier ces lois revient en fait à rejeter la législation divine, ce qui explique la mécréance de celui qui en est coupable.

Suivant cette approche, le verset sus cité n’énonce pas seulement le statut d’arbitre et du juge au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), mais il lui attribue également un statut de législateur dont les jugements doivent obligatoirement être acceptés par les musulmans, à l’instar des jugements célestes.

6 – : Le Qour’aane énonce :

Et ils (les hypocrites) disent : «Nous croyons en Allah et au messager et nous obéissons». Puis après cela, une partie d’entre eux fait volte-face. Ce ne sont point ceux-là les croyants. Et quand on les appelle vers Allah et Son messager pour que celui-ci juge parmi eux, voilà que quelques-uns d’entre eux s’éloignent. Mais s’ils ont le droit en leur faveur, ils viennent à lui, soumis. Y a-t-il une maladie dans leurs coeurs ? ou doutent-ils ? ou craignent-ils qu’Allah les opprime, ainsi que Son messager ? Non ! … mais ce sont eux les injustes. La seule parole des croyants, quand on les appelle vers Allah et Son messager, pour que celui-ci juge parmi eux, est : «Nous avons entendu et nous avons obéi». Et voilà ceux qui réussissent.

(Sourate 24 / Versets 47 à 51)

Ces versets expriment encore la condition essentielle pour que l’on soit considéré comme musulman : Se soumettre face aux jugements du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). Ceux qui, malgré le fait qu’ils soient appelés vers le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam), refusent de venir vers lui pour qu’ils règle leur conflits, à la lumière du Qour’aane, on ne peut agir envers eux comme « musulmans ». Le sens de ce verset ne diffère nullement de ce qui a été vu jusqu’à présent, c’est-à-dire que la reconnaissance et la conviction profonde de l’autorité du Messager (sallallâhou alayhi wa sallam) est un élément fondamental constituant la notion de foi en Allah et en Son Messager (sallallâhou alayhi wa sallam): En cas de conflit, c’est vers lui qu’il faut revenir et l’on se doit d’obéir pleinement à ses jugements et les appliquer intégralement.

Wa Allâhou A’lam

Et Dieu est Plus Savant !

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