Et après le Ramadhân ?...


Bismillâhir Rahmânil Rahîm

Assalâmoualaïkoum wa rahmatoullâhi wa barakâtouh

Mes chers frères et sœurs,

Quand on considère l’Histoire de l’humanité depuis qu’elle est consignée, l’un des premiers constats que l’on fait par rapport aux différentes civilisations qui ont peuplé cette terre c’est qu’elles ont toutes connu un parcours relativement similaire dans leur développement matériel: Après une phase ascendante, ils ont vécu ce qui est communément appelé un « âge d’or », suite à quoi, ils ont connu le déclin…

Lorsqu’on lit le Qour’aane, on y trouve également des évocations concernant l’apogée et le déclin de certains peuples et civilisations et surtout, les causes profondes qui ont été à l’origine de ce déclin :

– Pour certains, la cause de leur perte a été leur rébellion envers Allah: Ce fut le cas par exemple des peuples de ‘Âd et Thamoûd.

– Pour d’autres, la cause de leur déclin a été leur attitude de défiance et d’ingratitude envers les bienfaits qu’Allah leur avait octroyé: Ce fut le cas notamment des « Ashâb oul Qaryah » (voir Sourate 16 / Verset 112) ; et ce fut également le cas de la tribu de « Saba » (voir Sourate 34, à partir du verset 15).

Ce processus d’ascension, d’apogée et de déclin que l’on constate au niveau de l’histoire de l’Humanité, on le retrouve également à l’échelle individuelle… Chaque être humain connaît ces différentes étapes au cours de sa vie, sur le plan physique, bien entendu, mais surtout sur le plan spirituel. Et c’est à ce dernier aspect que l’on va s’intéresser dans les lignes qui suivent.

Dans l’état actuel des choses, nous pouvons dire que nous connaissons une phase ascendante au niveau spirituel depuis que le Ramadhân a débuté : En effet nous avons tous plus ou moins un certain acquis par rapport à ce qui était notre condition du début de Ramadhân, acquis qui découle, par la grâce d’Allah, des nombreux jeûnes que nous avons accompli, des multiples prières, de la récitation du Qour’aane plus fréquente etc… A cela s’ajoute, un regain d’ardeur qui est liée à la présence de la dernière décade, période bénie par excellence. Nous sommes donc en plein dans ce que l’on pourrait appeler une conjoncture spirituelle favorable

D’où un double impératif de notre part arrivé à ce point:

– Dans un premier temps, bien entendu, notre souci immédiat est de considérer la façon d’augmenter cet acquis et profiter au mieux des jours et des nuits qui nous restent de ce mois béni, et ce, afin de finir en beauté ce que l’on a si bien commencé… avec un minimum à atteindre: se faire pardonner à tout prix avant la fin du Ramadhân. – N’oublions pas ces propos très durs prononcés par Djibraïl (alayhis salâm): « Malheur à celui qui laisse passer le Ramadhan sans se faire pardonner », suite à quoi le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) avait dit « Âmine »… (Hâkim)

– Dans un second temps, il faut commencer à penser à notre attitude de l’après Ramadhân: En effet, il ne faut pas nier un fait… Le mois béni terminé, un certain nombre de facteurs vont se réunir, des facteurs qui risquent de pousser notre spiritualité vers une phase descendante: D’un côté, on ne jeûne plus continuellement, ce qui fait que notre égo –Nafs– se trouve renforcé, avec toutes les tentations que cela impliquent… D’un autre côté, les démons –Chayâtîn– sont libérés… Et à ces deux facteurs s’ajoute un trait de notre nature humaine en rapport avec notre cœur: Ce dernier est très enclin au changement (c’est d’ailleurs pourquoi on l’appelle en arabe « al qalb », qui désigne le bouleversement, le renversement, le retournement)

Il faut donc, dès maintenant, réfléchir quant aux moyens à adopter pour éviter de tomber dans une attitude irresponsable après le Ramadhân, en détruisant systématiquement le précieux acquis spirituel que l’on a si patiemment constitué. En d’autres mots, notre priorité aujourd’hui est de trouver la voie de la constance – Al Istiqâmah.

Pour cela, l’essentiel consiste en un assainissement de notre rapport avec Allah: Pour arriver à être constant spirituellement, il faut avant tout que notre lien avec Allah soit un lien réel et solide… et non pas superficiel. D’où la nécessité de renforcer et raffermir notre Imân – notre foi.

Les directives et indications que l’on peut trouver dans le Qour’aane et la Sounnah à ce sujet sont assez nombreuses. Cheikh Mounadjid en a réuni un certain nombre dans un excellent article publié -en anglais et arabe- sur le site « islam-qa » (Wasaail uThabat – Ways to Steadfast Faith).

Le développement que vous allez lire ci-dessous a justement été rédigé -pour l’essentiel- à partir de ses écrits. J’ai ainsi retenu trois éléments qui me semblent relativement importants dans le contexte actuel -Wa Allâhou A’lam- et qui, Incha Allah, peuvent nous apporter une assistance considérable dans le raffermissement de notre foi.

Il s’agit d’une démarche en trois étapes, qui consiste:

– D’abord, en un conditionnement moral à effectuer.

– Ensuite, en une pratique à adopter.

– Enfin, en une culture à développer.

  1. En ce qui concerne le conditionnement moral, il s’agit pour nous de développer et de garder confiance en la justesse et la véracité de la voie que l’on suit et du Dîn auquel on adhère. Il est en effet évident qu’autant on aura confiance en la rectitude de la voie que l’on suit et en la présence de notre succès au bout de celle-ci, autant il sera aisé d’y rester attaché. Ce qui implique que l’on ne doit jamais perdre espoir en l’aide et l’assistance d’Allah, même lorsqu’on trouve que celle-ci tarde à venir. J’insiste énormément là-dessus parce qu’il arrive que, parfois, quand on regarde la situation des musulmans dans le monde, on peut être amené à se poser des questions… et on peut même parfois être pris par le doute… Dans ces moments de questionnement, nous devrions garder à l’esprit que:

    – Pour le croyant, cette vie présente est une étape de son existence couverte par une succession d’épreuves, et non pas une finalité en soi… Et vous savez bien que ceux qui ont été les plus durement éprouvés dans ce monde ont été ceux qui étaient les plus proches d’Allah, les Prophètes et les Messagers (alayhimous salâm). Sur ce point précis il y a un passage du Qour’aane qui doit nous interpeller:

    « Pensez-vous entrer au Paradis alors que vous n’avez pas encore subi des épreuves semblables à celles que subirent ceux qui vécurent avant vous ? Misère et maladie les avaient touchés; et ils furent secoués jusqu’à ce que le Messager, et avec lui, ceux qui avaient cru, se fussent écriés : « Quand viendra le secours d’Allah ?  » – Quoi ! Le secours d’Allah est sûrement proche. »

    (Sourate 2 / Verset 214)

    Selon certains savants, ce verset avait été révélé au cours de la bataille du fossé, où les Compagnons (radhia Allâhou anhoum) étaient durement éprouvés. Allah leur avait alors rappelé que ceux qui les avaient précédé avaient, eux, connus des épreuves si terribles, qu’ils en étaient arrivé à un point où les croyants et le Messager lui même s’impatientaient par rapport à la venue de l’aide d’Allah…

    – Par ailleurs, on ne doit pas oublier que, dans le cas d’un messager comme Moussa (alayhis salâm), lorsqu’il avait invoqué Allah -en compagnie de son frère Hâroûn (alayhis salâm)- en ces termes:

    « (…) « Ô notre Seigneur, Tu as accordé à Pharaon et ses notables des parures et des biens dans la vie présente, et voilà, Ô notre Seigneur, qu’avec cela ils égarent (les gens loin) de Ton sentier. Ô notre Seigneur, anéantis leurs biens et endurcis leurs cœurs, afin qu’ils ne croient pas, jusqu’à ce qu’ils aient vu le châtiment douloureux. »

    (Sourate 10 / Verset 88) ,

    voici la réponse qu’ils avaient reçu:

    Il dit :

    « Votre prière est exaucée. Restez tous deux sur le chemin droit, et ne suivez point le sentier de ceux qui ne savent pas ».

    (Sourate 10 / Verset 89)

    Ce qu’il faut souligner ici, c’est que selon certains commentateurs, la concrétisation du doua de Moussa (alayhis salâm) et de son frère Hâroûn (alayhis salâm) se fera quarante ans plus tardquarante ans après l’invocation de deux illustres Prophètes d’Allah … quarante ans durant lesquels le peuple de Moussa (alayhis salâm) vont continuer à subir l’oppression d’un des pires tyrans que la terre n’ait jamais porté…

    Bref, ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est se laisser influencer par les conditions apparentes de ce monde matériel. Le musulman doit, dans la mesure du possible, éviter d’avoir une attitude impulsive. Il doit au contraire toujours considérer, analyser et méditer les événements qui se déroulent autour de lui avec du recul. C’est ce qui ressort notamment du verset du Qour’aane où il est dit:

    « Que ne t’abuse point la versatilité [pour la prospérité] dans le pays, de ceux qui sont infidèles. Piètre jouissance ! Puis leur refuge sera l’Enfer. Et quelle détestable couche !« 

    (Sourate 3 / Verset 196)

  2. Pour ce qui est de la pratique à adopter, il s’agit d’inviter les autres à adhérer et à suivre la voie que l’on suit, à croire et à obéir à Allah -ce que l’on appelle en arabe « ad da’wah« . Quand on revient au texte coranique, on constate qu’Allah a établi un lien entre la « da’wah » et la constance. Prenez par exemple ce verset où Allah s’adresse au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) en ces termes:

    « Appelle donc (les gens) à cela; reste droit comme il t’a été commandé (…) »

    (Sourate 42 / Verset 15)

    Les savants expliquent ce lien en disant qu’une âme qui se veut être attachée à Allah, si elle n’est pas active, connaît rapidement la stagnation; et on l’a vu plus haut, la spiritualité n’est pas quelque chose de statique; elle est animée par une dynamique constante et une stagnation de la spiritualité est, dans ces conditions, systématiquement synonyme de déclin. En d’autres mots, d’un point de vue pratique, si on ne s’occupe pas à faire le bien et à appeler vers le bien, on se retrouvera rapidement impliqué à faire le mal ou à appeler vers le mal. La « Da’wah » est une notion très vaste, et elle commence par des gestes simple de notre vie de tous les jours: Par exemple, un simple rappel -avec sagesse- aux membres de notre famille de la pratique de la prière quotidienne quand on constate une certain manquement à ce niveau est déjà une « Da’wah » très méritoire… Et n’oublions jamais que la meilleure « Da’wah » vers l’Islam que nous pouvons produire consiste à adopter un comportement et une attitude, dans notre vie de tous les jours, qui soit en conformité avec les principes de l’éthique musulmane…

  3. Enfin, par rapport à la culture que nous devons développer, elle consiste à lire et à s’imprégner constamment des récits relatant la condition de ceux qui ont manifesté une force de foi remarquable, récits que l’on trouve aussi bien dans le Qour’aane que les Hadiths. On a par exemple beaucoup à apprendre et à retirer en méditant les récits de Prophètes comme Ibrâhim (alayhis salâm), dont les derniers propos, lorsqu’il fut jeté dans l’immense brasier de Nemrod, ont été: « Hasbiya Allah wa ni’mal wakil » (Allah me suffit; Il est mon meilleur garant)… ou encore de l’attitude des sorciers qui avaient affronté Moûssa (alayhis salâm): Après avoir été vaincu, ils avaient apporté foi… une foi tellement profonde et inébranlable que, quelques instants après leur conversion, lorsque Pharaon va les menacer des pires supplices s’ils ne renient pas leur Imân, ils vont lui donner cette réponse incroyable:

« Par celui qui nous a créés, dirent-ils, nous ne te préférerons jamais à ce qui nous est parvenu comme preuves évidentes. Décrète donc ce que tu as à décréter. Tes décrets ne touchent que cette présente vie. »

(Sourate 20 / Verset 72)

Et le Qour’aane et les Hadiths regorgent de tels récits… La lecture et l’étude de ce genre d’histoires peut nous paraître sans importance, et pourtant c’est quelque chose d’essentiel, comme en témoigne ces propos qu’Allah adresse au Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) :

« Et tout ce que Nous te racontons des récits des messagers, c’est pour en raffermir ton cœur. Et de ceux-ci t’est venue la vérité ainsi qu’une exhortation et un appel aux croyants. »

(Sourate 11 / Verset 120)

Voilà donc trois moyens qui peuvent nous aider à trouver la voie de la constance Incha Allah; bien entendu, ce ne sont pas les seuls. Mais, au moins, ceux-là peuvent constituer un point de départ pour nous car ils sont relativement aisés à adopter. Ces moyens, on doit évidemment les accompagner de nos invocations adressés à Allah, en nous inspirant par exemple de ce précieux doua du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam):

« Ô Celui qui fait basculer les cœurs, raffermis mon cœur sur Ta religion. »

Qu’Allah accepte nos jeûnes, nos prières, nos prosternations, notre repentir, qu’Il raffermisse notre foi et nous guide tous vers la voie de la constance. Âmine.

Wa Allâhou A’lam !

Et Dieu est Plus Savant !

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